Paris mis en bouteille

DELPHINE KINDERMANS RÉDACTRICE EN CHEF © frédéric raevens

Elles semblent instinctives, mais il y a pourtant une explication rationnelle à la puissance de ces émotions-là. Si les odeurs constituent des souvenirs aussi tenaces, c’est que les molécules de l’air que nous inhalons passent par une zone de notre nez dont les cellules déclenchent des signaux électriques transmis au bulbe olfactif, directement relié au cortex. Ce dernier envoie ensuite ces stimuli, sans déperdition, dans le système limbique. Or, cette partie de notre cerveau régit, notamment, notre état affectif et notre mémoire à long terme.

Davantage encore qu’une image, un son ou une sensation tactile, qui risquent de se flouter au fil du temps, certains effluves ont ainsi la capacité de nous replonger dans le passé. Y être confronté conduit aussitôt à se remémorer avec précision une personne, un moment ou un endroit. Pas étonnant, dès lors, que les parfumeurs se servent de ce formidable levier pour exercer leur art. Si bien que des destinations qui les ont fascinés peuvent se retrouver en flacons… et Paris en bouteille :  » c’est le point d’ancrage « , nous a confié Olivier Polge, qui a rejoint Chanel en 2013 et succédé à son père à la création des fragrances deux ans après. La capitale française, si déterminante pour Mademoiselle, qui y développa sa griffe de mode et y vécut jusqu’à la fin de sa vie, se voit en effet associée dans sa nomenclature à Deauville, Biarritz et Venise – cruciales également dans le parcours de Coco – dans les trois nouvelles Eaux de la maison.

Davantage qu’une image ou un son, certains effluves ont la capacité de nous replonger dans le passé.

Pour autant, précise l’expert au sujet de ces lieux,  » je ne voulais pas en faire une interprétation textuelle, plutôt une impression diffuse « . Au néroli et à la vanille ambrée d’évoquer la facette orientale de la Sérénissime, à une profusion d’agrumes et aux notes ozoniques d’esquisser la station balnéaire du sud-ouest et aux bouffées d’herbes folles, obtenues via l’orange amère, le basilic et le petit-grain, celle de la côte normande. De même, lorsqu’il s’est agi de lancer leur premier jus, Jack McCollough et Lazaro Hernandez, le duo derrière Proenza Schouler, avaient en tête la beauté brute du désert d’Arizona – ils lui ont d’ailleurs attribué le nom de l’Etat américain. Mais, loin de chercher à en reproduire des senteurs attendues, comme celles, minérales, de la roche chauffée au soleil, ils se sont attachés à traduire l’enivrant  » sentiment d’aventure et d’évasion  » auquel ils se sont frottés pendant un road trip sur place. Du coup, ils nous emmènent au bout du monde sans qu’on y ait mis les pieds. Un voyage réalisé en pensée, juste en fermant les yeux et en respirant, qui donnera naissance à d’autres réminiscences.

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