« N’oubliez jamais que les rois ne règnent point pour leur propre gloire mais pour le bien des peuples.  » Si elle sent la contestation populaire, cette phrase n’est pourtant pas celle d’un slogan révolutionnaire. Il s’agit d’un extrait de livre pour enfants, Les Aventures de Télémaque, fils d’Ulysse, écrit en 1699 par Fénelon, pour le petit-fils de Louis XIV ! La critique a beau être déguisée, la cour ne la digéra pas et retira à l’auteur ses fonctions de précepteur… Mais le bouquin continua à passer de petite main en petite main.

La littérature jeunesse en était alors à ses balbutiements mais plus de trois cents ans plus tard, cette anecdote ne paraît pas hors de propos. Les ouvrages que dévorent nos têtes blondes ont toujours ce pouvoir (in)soupçonné de diluer des messages sérieux entre les lignes. Les romans d’ados pointant la drogue, l’anorexie, le respect des différences – races, handicaps… C’est certes de l’engagement assumé et affiché. Mais bien avant l’âge  » ingrat « , les gosses s’immergent dans un univers idéologique moins innocent qu’il n’y paraît. Il y a un an, le chanteur Vincent Delerm sortait Léonard a une sensibilité de gauche (Actes Sud), un livre-CD qui explique la politique aux juniors avec humour (et un léger parti pris). Mario Ramos, l’auteur belge qui nous a quittés fin 2012, avouait, lui, dénoncer les dérives de la société dans ses opus. Un monde de cochons (Ecole des Loisirs) serait ainsi une critique du monde de la finance… Quant aux éditions Le Baron Perché, elles ont annoncé, en marge des remous français sur le mariage homosexuel, la parution d’Un air de famille, présentant des familles nombreuses, monoparentales, homoparentales… qui, on le découvre lors de la lecture, ont toutes des points communs. Tiens donc ? D’autres affichent même délibérément leur opinion, comme Rue du Monde qui se revendique  » espace militant  » au service des droits de l’enfant, ou encore Talents Hauts qui entend offrir une littérature féministe pour les kids.

Déplacé ? Sûrement pas ! Quand on sait que tout livre délivre des valeurs, autant apprendre aux plus jeunes à lire malin dès leur tendre enfance. Rien de plus facétieux que ces contes faussement gentillets qui distillent de l’eau de rose et… une vision conservatrice de la vie, avec des mamans soumises, des papas intrépides et des happy ends moralisateurs. La prochaine fois que vous raconterez une histoire à un enfant, interrogez-vous sur les idéaux qu’elle véhicule. Sûr que le récit prendra un sens nouveau.

FANNY BOUVRY SECRÉTAIRE DE RÉDACTION

 » CE POUVOIR (IN)SOUPÇONNÉ DE DILUER DES MESSAGES SÉRIEUX.  »

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