L’édition 2003 du Salon international du meuble de Milan vient de dévoiler les dernières collections des plus grands éditeurs de design contemporain. Mobilier classique, futuriste, minimaliste, ludique, pop, modulaire ou sculptural… Cette année, tous les styles sont permis mais tout en nuances.

Difficile de décrire la frénésie qui s’empare chaque année de la capitale lombarde lors du Salon international du meuble. Du 9 au 14 avril dernier, pas moins de 2 160 exposants sont venus présenter leurs nouveaux produits et leurs projets les plus ébouriffants à quelque 200 000 visiteurs professionnels sur une superficie de 200 000 m2. Cela sans compter les 400 événements off û expositions, réceptions et cocktails organisés dans les somptueux showrooms des plus grandes marques de design contemporain û disséminés à travers toute la métropole. Partout, des attachées de presse exténuées présentent inlassablement les nouveautés à des journalistes affairés distribuant allègrement leurs cartes de visite pour obtenir les indispensables dossiers de presse. Dans les rues, les chauffeurs de taxis essaient en vain de se soustraire aux inextricables embouteillages qui paralysent la ville. Le soir venu, des nuées de happy few au look très pointu se hâtent de rejoindre les fêtes et les cocktails les plus huppés dans l’espoir de croiser l’une ou l’autre star de la création. Nuit et jour, le c£ur de Milan bat au rythme du design…

En matière de tendances, le millésime 2003 brille par son éclectisme. Le temps des diktats et du total look semble définitivement révolu. Les canapés ronds et généreux côtoient des fauteuils aux lignes tendues, les imprimés psychédéliques s’opposent aux tissus unis, les plastiques aux couleurs vives se marient avec les essences de bois les plus élégantes, les matériaux techniques s’immiscent dans les meubles les plus classiques et les objets pop s’exposent sur des étagères résolument minimalistes. Les éditeurs et les créateurs brouillent définitivement les pistes pour proposer des meubles à vivre susceptibles de plaire à chacun. Si quelques rares fabricants osent encore jouer la carte de l’ostentation et de la démesure en proposant des créations complètement folles, force est de constater que même les designers les plus excentriques du moment, tels que le New-Yorkais Karim Rashid, ont mis de l’eau dans leur vin. La situation économique actuelle pousse les créateurs à faire preuve de sagesse, voire à volontairement brider leur fantaisie pour rassurer des consom-mateurs soudain devenus frileux. En avant première, Weekend Le Vif/L’Express a épinglé pour vous les créations les plus marquantes de ce salon tout en nuances.

Cappellini Créations futuristes et classicisme revisité

Chez l’éditeur italien le plus hype du moment, les £uvres déjantées de Fabio Novembre sont exposées à deux pas de la collection de sièges très épurés du Belge Vincent Van Duysen. SOS, la gamme de fauteuils juxtaposables constitués de cubes en fibre de verre laquée noire dont l’assise est recouverte de polyuréthanne doré, dessinée par le designer transalpin, laisse plutôt pantois. En revanche, la justesse et l’élégance des lignes des fauteuils Nido Club et Nido Large de notre compatriote forcent le respect. Vincent Van Duysen revisite avec brio le thème du canapé classique : assise profonde, habillage en cuir ou en tissu, surpiqûres façon sellerie. Très fashion, la série limitée à 90 exemplaires de la S Chair créée en 1991 par Tom Dixon séduira, elle, les amateurs de pièces rares. Proposée en cuir blanc ou noir et ornée du logo Cappellini en lettres multicolores, elle fait immanquablement penser au travail de l’artiste japonais Takashi Murakami qui a relooké le logo Louis Vuitton pour la collection printemps-été du célèbre malletier parisien.

Kartell Pep et bonne humeur

Kartell, dont les meubles et compléments d’ameublement en plastique séduisent les adeptes de la couleur depuis plus de cinquante ans, voit la vie en couleurs. Pour ce cru 2003, l’incontournable Philippe Starck a donné naissance à Mademoiselle, un mini-fauteuil qui marie polycarbonate et polyuréthanne, deux matériaux difficilement conciliables. Proposé en deux versions, coloré dans la masse ou revêtu de tissu bigarré, ce petit siège ne passe pas inaperçu. Piero Lissoni, lui, a dessiné Plastics, une gamme de sièges et de tables basses qui assument plusieurs fonctions. En effet, il suffit de retourner la table basse en polycarbonate transparent et d’y déposer un jeu de coussins souples en polyuréthanne recouverts de tissus pour la transformer en fauteuil ou en pouf. Un véritable jeu de construction qui permet de composer, librement l’architecture de son choix.

Moroso Originalité et flexibilité

Sur un stand à la déco aussi originale que soignée, dont la superficie a presque doublé par rapport à l’année passée, Moroso accorde beaucoup d’importance à la flexibilité des meubles. La designer hispano-italienne Patricia Urquiola propose ainsi Highlands, un ensemble de sièges modulaires dont le dossier et les accoudoirs peuvent se relever ou s’abaisser à loisir afin de privilégier soit le côté esthétique, soit le confort. Simple, mais efficace ! Tom Dixon, lui, signe Serpentine, un canapé très élégant se composant de plusieurs éléments juxtaposables qui permettent de réaliser un long serpent modulable à souhait. Cet ingénieux système d’assise permet d’utiliser l’espace au mieux tout en créant des compositions très sculpturales.

BRF 100 % modulable

Modularité et flexibilité sont également les mots d’ordre chez BRF, dont les divans-lits Flip dessinés par Tim Power semblent sortis tout droit d’un film d’Austin Powers. Présentés en velours rouge vif ou bleu électrique orné de motifs psychédéliques, ces grands coussins s’empilent et s’emboîtent de diverses façons pour remplir le rôle de canapé, de chaise longue, de table basse ou encore de lit.

Si ces débordements de fantaisie et d’originalité font plaisir à voir et réchauffent les c£urs, ils ne sont pas toujours du goût de tout le monde. Qu’à cela ne tienne, les collec- tions présentées cette année à Milan séduiront aussi les amateurs de mobilier beaucoup plus sobre et classique.

Zanotta Classicisme élégant et formes sculpturales

Pour Zanotta, le bureau de design Emaf Progetti, créé en 1982 par Aurelio Zanotta, fait fureur avec Barocco, un ensemble de dormeuses, de chaises longues, de canapés et de poufs réinterprétant avec élégance et légèreté le thème du Chesterfield.  » Ce projet répond à l’intérêt sans cesse croissant du public pour le mobilier vintage, expliquent les créateurs. Ses formes baroques inspirées du passé rassurent alors que le dossier très bas, l’assise profonde et les pieds chromés sont très contemporains.  » Dans un registre beaucoup plus avant-gardiste, Marc Robson propose Fly, un fauteuil aux lignes ondulantes composé d’une armature en fibre de carbone, plus légère et plus résistante que le métal, tendue d’un tissu élastique en polyester. Il évoque les mouvements sensuels d’une raie se déplaçant sur un fond marin et soutient merveilleusement le corps, quelle que soit la position que l’on adopte.

Cassina Lignes simples mais fortes

C’est dans un showroom entièrement repensé, décoré en rouge et blanc, que Cassina a présenté ses dernières propositions. Le Suisse Hannes Wettstein explore les thèmes de la chaise, du fauteuil de lecture et de la chaise longue avec, respectivement, Hola, Spin et Thor. Le fauteuil Thor et son repose-pieds s’inscrivent résolument dans la tendance lounge. Pivotant sur lui-même de 45° à gauche et à droite, il est disponible soit en cuir soit en tissu synthétique aux superbes effets moirés. Pour sa première collaboration avec Cassina, le Français Patrick Jouin a conçu un univers complet comprenant le canapé Kami, les petits meubles de service Rond, la table Lebeau et le minifauteuil de table Mabelle. Des meubles aux lignes simplissimes mais à l’image forte.

Molteni & C Sobriété et épure

Chez Molteni & C, la sobriété et l’épure sont à l’honneur avec les dernières réalisations de Jean Nouvel et de Rodolfo Dordoni. La simplicité du système de rayonnage Graduate du créateur français n’est pourtant qu’apparente. En effet, l’imposante étagère en bois fixée au mur est dotée de montants métalliques crantés, accrochés à différentes hauteurs. Il suffit d’y accrocher des étagères horizontales en aluminium, dotées de crochets invisibles, pour créer la composition de son choix. Rodolfo Dordoni, lui, fait évoluer l’armoire Look qu’il a présentée en avant-première à Rimini. Ce meuble d’une ligne épurée à l’extrême fait appel à un mécanisme hautement sophistiqué permettant d’ouvrir les portes, en bois ou en verre, à 90° afin de donner un accès aisé à son contenu. Décliné en chêne foncé ou clair, cette superbe réalisation fera forte impression dans les intérieurs classiques ou contemporains.

B&B Italia et Maxalto Simplicité, raffinement et élégance

Nouveau showroom également pour les marques s£urs B&B Italia et Maxalto. Sur deux niveaux situés en plein c£ur de Milan, on a pu découvrir le très élégant canapé Marcel dessiné par Antonio Citterio. Pour que ce siège prodigue un confort extrême à ses occupants, le designer italien a imaginé un dossier et des accoudoirs légèrement inclinés accueillant de moelleux coussins de différentes tailles qui s’adaptent à toutes les morphologies et à toutes les positions. Patricia Urquiola, encore elle, joue la carte de la transparence avec la table Void. Cette longue table rectangulaire en chêne clair ou foncé d’allure on ne peut plus classique recèle malgré tout, design contemporain oblige, une astuce ludique. En effet, le large piétement en bois creux accueille un espace de rangement transversal dont on peut choisir la profondeur en déplaçant une tablette en verre. Pratique pour déposer des bouteilles, des revues ou des fleurs. Remarquable également, le fauteuil Mart, toujours d’Antonio Citterio, qui fait appel à de nouvelles techniques de production très pointues permettant de tendre le cuir à chaud sur une structure en plastique rembourrée de polyuréthanne. Disponible en version pivotante ou en version lounge réglable en deux positions pour un confort accru, ce bel objet à des accents résolument sixties.

Zerodisegno Le culte de l’antidesign

L’excentricité ne vous effraie pas ? Vous risquez alors de craquer pour le côté très exclusif des créations anti-design de Gaetano Pesce. Cette année, l’illustre designer italien enrichit sa collection Zerodisegno d’une série de tables et de sièges baptisés Nobody’s Perfect. Ces meubles en résine très colorés sont des pièces uniques dont l’aspect final dépend du bon vouloir de l’artisan qui les réalise. Un joli pied de nez à la logique de la production de masse et une manière originale d’encourager les métiers d’art.

Serge Lvoff

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