Il est venu à l’art contemporain par goût de l’altérité. Guillaume Désanges est le nouveau commissaire de La Verrière, à Bruxelles. Début d’une ère avec une expo collective autour de Marcel Duchamp où il n’y a rien à comprendre, tout à sentir.

Carnet d’adresses en page 64.

L’ennui et l’indifférence comme principaux ennemis, la théâtralisation, l’alchimie et le principe de l’écologie mentale, comme nécessités vitales. Ne soyez guère surpris si Guillaume Désanges, fraîchement désigné commissaire de La Verrière par la Fondation d’entreprise Hermès, débute sa programmation  » originale et internationale  » avec Des gestes de la pensée. Un peu par provocation, et parce qu’il s’intéresse à ces entrelacs entre l’idée et le savoir-faire dans la création, le successeur d’Alice Morgaine, au curriculum vitae performant et performatif, a bâti sa première expo  » très généreuse  » autour de Marcel Duchamp (1887-1968) et de dix autres talents, afin de laisser entendre, voir et sentir les échos vibratoires qui existent entre eux, avec tensions esthétiques à la clé.

Lui qui était  » frustré  » par les one-shots peut désormais s’inscrire dans la durée,  » travailler auprès des artistes dans des cycles de réflexion autour de questions d’art contemporain « , quel luxe. Sa méthode ? Il n’en a pas, sauf la fidélité et le long terme, dans une nécessité urgente de partage. Ce commissaire qui opère  » avec une part de connaissance mais presque minime par rapport à la part d’amour incommensurable  » n’est pas un  » professionnel de l’art « . Il y est venu tard, au début des années 2000, après une formation en économie puis un poste au ministère des Affaires étrangères à Paris, il n’était alors qu’un spectateur –  » Je fais partie des gens qui ont un penchant pour ce qui leur est étranger et qu’ils ne comprennent pas « .

Dans sa biographie, l’intime n’a pas sa place, seules comptent ses actions publiques de critique d’art et de commissaire, voire d’enseignant. Ses textes pour la revue Trouble – le premier surtout, en 2002,  » Questions pour un champion  » sous-titrées  » 100 milliards de propositions pour faire parler un artiste « . Ses projets curatoriaux – le premier toujours, en 2004, une expo intitulée Pick Up, installée dans une microscopique galerie parisienne, Public, qui posa les bases de sa façon de faire, un mélange d’idées, d’intuitions et d’intentions, une boulimie certaine pour les oeuvres. Ses écrits précédés de performances – le dernier par exemple, en 2011,  » Repliements successifs du vide sur du vide, récit d’une nuit avec Marcel Broodthaers « . On lui avait demandé de produire un texte sur le Belge, il s’exécuta, mais à sa manière, se laissant enfermer dans une cellule du musée d’art contemporain de Gand (SMAK), entouré d’oeuvres de l’artiste et tenant son journal de bord pendant 24 heures. L’homme est du genre à  » substituer à l’expertise la concentration d’un regard dans le temps et l’espace « . Ses pièces de théâtre enfin – l’ultime surtout, en février dernier, sur Marcel Duchamp, en collaboration avec le comparse de toujours, le comédien Frédéric Cherboeuf. Le seul détail privé qu’il racontera ne l’est plus, il est devenu matière à psychanalyse ultraprofessionnelle, cinq séances, afin de fournir la trame de l’une de ses conférences. La question était :  » Puisque « l’art en général et l’art contemporain en particulier mettent toujours le spectateur dans une situation d’inconfort », à quoi ressemblait la première oeuvre qui vous dérangea ?  » A un tabouret avec des branchages, dans une galerie d’art où il était entré avec sa grande soeur, il devait avoir 10 ans, il eut peur. De cette zone d’in-confort est né le désir, le choc trans- cendé. Guillaume Désanges croit à la persistance rétinienne de l’art.

PAR ANNE-FRANÇOISE MOYSON

 » LA CONCENTRATION D’UN REGARD DANS LE TEMPS ET L’ESPACE…  »

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