Né il y a presque deux cents ans, Pringle of Scotland ressort ses griffes pour faire rugir de plaisir les aficionados de la mode. Gros plan sur une marque légendaire qui revient en force dans l’univers des défilés.

Carnet d’adresses en page 95.

Les petits losanges sont à nouveau tendance. Exploitant l’adage populaire selon lequel les vieilles marmites donnent les meilleures soupes, la marque Pringle of Scotland connaît actuellement un revival des plus spectaculaires. Tant sur les podiums masculins que féminins, la mythique griffe écossaise a en effet créé l’événement au c£ur des défilés de l’été 2004, à tel point que le vénérable quotidien britannique  » The Guardian  » a écrit à son sujet :  » Pringle is the new Burberry  » ( » Pringle est le nouveau Burberry « ). Evidemment, la comparaison était assez tentante…

Petit rappel des faits : en 1998, Burberry’s (à l’époque, la marque arborait un ‘s) ressemble à une vieille dame respectable qui fait partie de l’establishment vestimentaire. Histoire de l’extraire de sa vénérable torpeur, la nouvelle directrice générale Rose Marie Bravo opère un lifting de choc. Objectif : rajeunir Burberry (qui perd son ‘s pour l’occasion) afin de prévenir le tourbillon infernal d’une éventuelle faillite à venir. Armes de poids : une stratégie marketing agressive et un nouveau directeur artistique, tous deux orientés très mode. En quelques mois à peine, le pari est gagné : toutes les fashion victims arborent le célèbre imprimé écossais tissé de rouge, de noir et de beige ; la marque revient au goût du jour et les ventes explosent littéralement.

Dans le paysage de la mode internationale, le retour de Burberry sur le devant de la scène branchée a évidemment fait des envieux. Petit à petit, d’autres marques endormies ont ainsi suivi le mouvement, à coups de repositionnements audacieux et de nominations retentissantes. Christophe Lemaire chez Lacoste, le duo Clements-Ribeiro chez Cacharel ou encore Jérôme L’Huillier chez Rodier sont autant d’exemples révélateurs de cette volonté légitime d’offrir un bain de jouvence salutaire à de prestigieuses maisons délaissées. Fort de son histoire séculaire, Pringle of Scotland n’a pas résisté à la tentation et s’est donc aussi prise au jeu de faire du neuf avec du vieux.

Un précieux héritage

Fondée en 1815 par l’ancêtre Robert Pringle, l’entreprise écossaise s’illustre d’abord dans la bonneterie, avant de lancer ses premiers vêtements en maille au début du XXe siècle et de connaître véritablement la gloire à partir des années 1930 grâce à ses fameux twin-sets. Durant trois décennies, Pringle of Scotland vit alors sur son petit nuage de notoriété enviable, séduisant à tour de rôle stars hollywoodiennes et têtes couronnées. Mais l’éclat finit par ternir. Tombée en désuétude à l’aube des années 1970, la marque connaît un premier repositionnement  » golf  » caractérisé notamment par ses fameux pulls à losanges et tente de survivre tant bien que mal dans un paysage textile de plus en plus impitoyable. En mars 2000, l’entreprise familiale signe un nouveau chapitre de son histoire vestimentaire : SC Fang & Sons, le géant hongkongais de l’industrie textile, rachète Pringle of Scotland dans l’espoir de redynamiser la griffe.

D’emblée, l’étonnante réussite de Burberry sert d’exemple. L’inventeur du trench fut relancé par Rose Marie Bravo, une spécialiste de la distribution aux Etats-Unis ? Kenneth Fang, président de SC Fang & Sons, ira donc chercher la perle rare pour rajeunir Pringle of Scotland : Kim Winser, une Ecossaise qui fit ses armes dans les plus hautes sphères du groupe Marks & Spencer, est nommée directrice générale de l’entreprise. L’opération de dépoussiérage est enclenchée et une nouvelle stratégie se met rapidement en place. Dans cette logique, la renaissance passe évidemment par le vêtement. Tout l’art consiste dès lors à offrir une vision novatrice sans renier pour autant l’histoire et les acquis de la marque. Pour mener à bien cet exercice de style plutôt délicat, Kim Winser embauche au début de l’année 2002 un créateur inconnu mais déjà très talentueux : Stuart Stockdale, 33 ans, diplômé de la prestigieuse école Central Saint Martins de Londres et actif au sein de la maison italienne Romeo Gigli. Premières collections, premiers défilés, premières surprises : Pringle of Scotland est porté par un vent de fraîcheur retrouvée ; les rédactrices de mode internationale s’intéressent à nouveau à la marque légendaire.

 » J’ai grandi dans les environs de cette entreprise, confie aujourd’hui Stuart Stockdale, directeur artistique de Pringle of Scotland. Je suis anglais, mais j’ai longtemps habité à la frontière écossaise, à une petite heure de voiture de l’usine mère. J’ai donc des souvenirs très précis de ce qu’était la marque il y a une vingtaine d’années. Quand on m’a demandé de reprendre en main la création de Pringle, j’ai hésité un instant. A vrai dire, je n’étais pas très excité par cette proposition, mais j’ai eu l’opportunité de visiter l’entreprise et de me plonger dans les archives familiales. C’était incroyable ! J’avais sous la main quelque chose d’énorme, un grand label qui était en train de dormir et qui ne demandait qu’à se réveiller. Alors, j’ai relevé le défi, parce que j’étais captivé par l’histoire de la marque et surtout très excité par ce challenge de la rendre moderne.  »

Animé par le désir d’insuffler une nouvelle vie à la griffe, Stuart Stockdale examine attentivement les archives séculaires de la maison et interprète, à sa manière, l’histoire et la renommée de Pringle of Scotland. Il revisite la maille, réinterprète l’éternel losange et injecte une bonne dose de modernité sportive dans ses premières silhouettes signées Pringle of Scotland. Très vite, la marque renaît et le buzz se répand. Car dans cette aventure stylistique, quelques alliés de taille surgissent soudainement. Ici et là, des people renommés tels que le footballeur David Beckham, le chanteur Robbie Williams ou encore le jeune chef déjanté Jamie Oliver apparaissent vêtus des nouvelles créations de Stuart Stockdale pour le label écossais. Il n’en faut pas plus pour mettre le feu aux poudres. En quelques mois à peine, Pringle of Scotland devient à nouveau très tendance.

Tradition et modernité

Parallèlement à cet engouement inespéré pour le nouveau style de la griffe, la directrice générale Kim Winser poursuit son opération  » coup de jeune  » au sein de l’entreprise. Elle modernise l’usine de fabrication en Ecosse, tente de récupérer un maximum de licences internationales et lance un plan d’expansion plutôt ambitieux à travers le monde. Outre les points de vente qu’elle entend désormais inaugurer dans une cinquantaine de grands magasins internationaux, Kim Winser prévoit également de multiplier, petit à petit, les magasins en nom propre. A l’heure actuelle, Pringle of Scotland compte trois enseignes éponymes à Londres et à Tokyo et compte en ouvrir prochainement deux autres à Milan et à New York.

 » Nous ne sommes qu’au tout début de l’histoire, poursuit le designer Stuart Stockdale. Cela fait à peine deux ans que je travaille pour Pringle et je sais qu’il y a encore beaucoup à faire. Il est évident que je vois une progression et que j’en suis très fier, mais il y a encore de nombreux domaines à explorer dans la marque. Donc, je sais que nous sommes en bonne voie, mais je sais aussi que le chemin est encore long.  » Et lorsque l’on demande au créateur trentenaire s’il ne rêve pas parfois de monter sa propre marque de vêtements, Stuart Stockdale poursuit sur sa lancée :  » Ce que je fais pour le moment est assez rare, affirme-t-il. C’est unique et c’est très excitant. Donc, j’ai envie de continuer mon aventure avec Pringle parce que je veux surtout en faire un grand succès. Après cela, je me dirigerai peut-être vers d’autres horizons. Mais pour le moment, je me sens très bien au sein de cette entreprise et puis surtout, j’apprends énormément.  »

De nature modeste et plutôt effacée, Stuart Stockdale enchaîne donc les collections avec un malin plaisir au sein de Pringle of Scotland. S’il reconnaît volontiers chercher un équilibre entre les dimensions créative et commerciale de son travail, il avoue également être animé par le désir constant de dompter les contradictions entre chaque ligne de la griffe. Comme, par exemple, injecter un souffle de féminité dans la collection masculine et, inversement, une dose de masculinité dans la ligne Femme de l’honorable maison. De même, le designer n’hésite pas à mélanger glamour et sportivité, tradition et modernité, ou encore assurance et nonchalance au c£ur de ses créations rafraîchissantes. Ainsi, pour la collection masculine de l’été 2004, c’est précisément cette tension apparente entre l’héritage très sage de la griffe et un certain esprit footballistique qui a donné naissance à ces silhouettes sages mais dynamiques, a priori classiques et pourtant terriblement modernes.

Relancé sur les rails de la notoriété, Pringle of Scotland poursuit désormais ses rêves d’expansion internationale, à l’instar d’autres marques légendaires qui ont réussi ce mariage intelligent entre une tradition joliment préservée et une inventivité résolument novatrice. Lentement mais sûrement, la griffe au lion rugissant est en train de réussir son pari sur l’avant-scène de la mode branchée…

Frédéric Brébant

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