On a rarement vu le gratin fashion se fixer rendez-vous chez le fromager du coin. Pourtant, ce 1er décembre, dans le studio N°5 de Cinecittà, cela n’avait rien d’incongru, même si, hors contexte, les textos échangés par les journalistes à la fin du show, genre  » Rejoins-moi à la charcuterie  » ou  » on se retrouve dans 10 minutes aux Bouillons de boeuf ?  » sembleraient surréalistes. C’est que tous ces commerces de bouche, dans une version sublimée évoquant le Paris d’autrefois, faisaient partie intégrante du décor du défilé Chanel et, une fois celui-ci terminé, s’animaient pour former un tableau vivant des plus élégants. Un grand moment, donc, que la douzième célébration des métiers d’art, quintessence du talent du parurier Desrues, du plumassier et fleuriste Lemarié, du modiste Maison Michel, du bottier Massaro, des brodeurs Lesage et Montex, de l’orfèvre Goossens, du gantier Causse ou du plisseur Lognon.  » Nos collections ne pourraient être développées sans cette diversité de savoir-faire que l’on a réussi à rassembler autour du studio « , a confié Bruno Pavlovsky, président des activités mode de Chanel, à Anne-Françoise Moyson.

C’est particulièrement vrai pour la haute couture, dont les accessoires se doivent de mettre en valeur les modèles d’exception réalisés deux fois par an dans le respect d’un strict cahier des charges : il en faut au moins vingt-cinq, uniques et sur mesure, exécutés entièrement à la main dans les ateliers (un  » flou « , un  » tailleur « ) de la griffe, sur la base d’un métrage minimum de tissu, etc. Tant de magnificence ne peut bien entendu être dévoilée que dans un écrin prestigieux. Ainsi, pour sa première incursion dans cet univers féerique, Raf Simons, qui a depuis lors quitté Dior, avait imaginé une oeuvre pointilliste éphémère, soit des dizaines de milliers de petites taches de couleur recouvrant les panneaux en verre d’une vaste structure installée au coeur du musée Rodin, à Paris. De son côté, pour ajouter encore à la magie, Franck Sorbier invitait la danseuse étoile Laura Hecquet à effectuer quelques entrechats en prélude à la présentation de ses créations de l’automne-hiver 15-16. Quant à John Galliano, à la tête de la direction artistique de Maison Margiela, il prenait possession du salon d’honneur du Grand Palais et en recouvrait le sol de métal, dans une option futuriste rappelant que la haute couture s’inscrit dans la tradition sans devenir obsolète pour autant. En revanche, à l’heure de l’immédiateté, de la surconsommation et des vêtements quasi jetables tellement ils coûtent peu, elle n’est jamais rentable… sauf en termes d’image de marque. Elle n’a donc pas de prix.

Delphine Kindermans

Des modèles d’exception réalisés deux fois par an dans le respect d’un strict cahier des charges.

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