Focus sur la génération 20 ans. Quels sont ses rêves, ses attentes, ses craintes ? Son humeur ? Weekend Le Vif/L’Express a effectué un coup de sonde auprès de ces jeunes nés à la fin du siècle dernier.

Rappelez-vous. C’était il y a un an pile-poil. Weekend Le Vif/L’Express vous proposait un numéro entièrement consacré à la génération des 25 ans ( voir Weekend Le Vif /L’Express du 11 avril 2008). Nous avions donné carte blanche à une quarantaine de jeunes qui nous semblaient représenter, chacun à leur manière, une facette du nouveau monde. Le leur. Un beau cadeau signé par le collectif de bédéistes de l’Atelier A Nous, les rockers pop des Tellers, l’actrice engagée Aïssatou Diop, Tanguy Dumortier, journaliste encore nourri d’idéaux, Can, les néo-pubeux, les néo-écolos de Vert de grisà Chacun, à sa manière, nous offrant un coup de zoom sur la  » tribu  » à laquelle il appartient. Cette fois-ci, démarche inverse. Travelling arrière sur le monde des  » vingtenaires  » dans sa globalité. Qui sont ces jeunes nés entre les années 1980 et 1990, entre la mort de John Lennon et la chute du mur de Berlin ? Comment vivent-ils la crise économique, le réchauffement climatique, les grands chambardements qui traversent les institutions politiques ou religieuses ?

Un constat s’impose : fini de rêver la fleur aux lèvres, fini de croire au Grand Soir. Le pragmatisme est de mise, le capitalisme une réalité à gérer, qu’on l’aime ou pas, pas le choix. Comment envisagent-ils leur carrière, ces enfants de Mtv, du grunge, du hip-hop et de la techno ? Quels espoirs nourrissent-ils, ces maîtres des consoles de jeux, hyperconnectés, hyperinformés ? Quelles sont leurs valeurs à ces petits gars nés avec le sida, la légalisation de l’avortement et l’explosion des divorces ?

Nous avons donc mené l’enquête, avec l’aide de Mediapool, la cellule  » recherche  » de Roularta Média Group. Qui, via Facebook et par téléphone, a sondé 434 jeunes âgés de 18 à 30 ans. Encore aux études pour près de la moitié d’entre eux, les autres étant actifs dans des milieux très divers (employés, ouvriers, cadresà), le reste (5 %) à la recherche d’un emploi.

De ce coup de sonde ambitieux, nous avons tenté de retirer les enseignements majeurs sur des thèmes aussi variés que la confiance en l’avenir, l’emploi, la politique, la moraleà Le résultat : un bref et étonnant aperçu d’une jeunesse pleine d’ambition professionnelle, même si les critères de réussite ne correspondent plus à ceux de leurs parents. Se disant en grande majorité heureuse, même si elle craint que ses enfants le soient moins. Des jeunes capitalisant sur leur épanouissement personnel tout en gardant une attention particulière à la vie de famille, même si cette dernière semble pour eux un peu moins essentielle que leur développement en tant qu’individu. Des adultes frais émoulus, très sensibilisés aux problèmes d’environnement et prêts à sacrifier un peu de leur confort matériel contre un style de vie simple et naturel. Le remède à la crise a-t-il 20 ans à peine ?

Au boulot

Le constat : le score est sans appel : 82 % des jeunes se disent assez ambitieux à très ambitieux. Encore faut-il s’entendre sur ce terme. Pour eux, il s’agit avant tout d’une évolution personnelle en termes de connaissances et de compétences. Des priorités qu’ils placent avant la classique évolution dans la hiérarchie de l’entreprise, l’accès à une haute fonction et l’acquisition de responsabilités. Ils sont en outre plus de 8 sur 10 à accorder de l’impor-tance à la nature de leur carrière. Contre 2 sur 10 à valoriser avant tout la sécurité de l’emploi. Ils considèrent ainsi leur carrière réussie s’ils effectuent un travail épanouissant d’un point de vue intellectuel (41 %), ont trouvé un équilibre satisfaisant entre leur travail et leur vie privée (32 %) et, seulement en troisième position, si leur salaire leur permet de  » faire ce qu’ils veulent  » (15 %).

Échelle de valeurs

Le constat : près de 70 % des jeunes se disent prêts à accorder moins d’importance à l’argent et aux possessions matérielles, et sont d’accord d’observer un style de vie simple et naturel. La famille, qui reste une de leurs préoccupations majeures (83 % veulent prêter davantage d’attention à leur clan), est néanmoins concurrencée par l’épanouissement personnel qui suscite l’intérêt de près de 90 % des jeunes.

La réaction du sociologue : la réaction du sociologue Jean François Guillaume (ULG) :  » Lors d’enquêtes précédentes, on voit que la famille est placée au-dessus de tout dans l’échelle des valeurs. Pour la première fois, l’épanouissement personnel dépasse ici la famille, même si elle reste très importante aux yeux des jeunes. Cela pose beaucoup de questions. « 

Votez pour moi

Le constat : contrairement aux idées reçues, les jeunes pensent que les politiciens se préoccupent de leur sort. Loin de tout nihilisme, ils semblent valoriser les élections puisqu’ils sont moins de 10 % à considérer que leur vote ne change rien. Cela dit, ils se montrent très critiques sur l’électoralisme des partis, la moitié d’entre eux estimant que les formations politiques sont davantage obnubilées par les voix recueillies que par la défense de leur opinion. Veulent-ils eux-mêmes changer la donne ? En termes d’engagement (purement politique et dans leur commune), ils ne sont que 2 sur 10 à souhaiter jouer un rôle plus important dans ce secteur.

La réaction du sociologue :  » Les jeunes doutent des modalités du politique (d’autant plus en Belgique où ils sont face à des adultes qui ont eux-mêmes des difficultés à comprendre, décrypter les enjeux). Mais il n’y a effectivement pas de rejet fondamental de la cité. « 

Happy, happy, happy

Alors heureux ? Alors heureux ? Apparemment. Sur une échelle de 0 à 10, 80% des jeunes évaluent leur bonheur entre 7 et 10 sur 10 !

La réaction du sociologue :  » On vit dans un contexte normatif où le bonheur est une valeur en soi. « Si je ne suis pas heureux, je ne suis pas normal. » Aujourd’hui, être heureux est un devoir. Dans certains cas, cela peut engendrer beaucoup de souffrance, de la dépression, qui est le corollaire du bonheur individuel. « 

Dans l’avenir  » we trust « 

Le constat : conscients que le choix des études qu’ils posent sera déterminant pour le reste de leur vie, la majorité des jeunes estiment néanmoins que  » tout est encore possible  » à leur âge. Ils ne sont d’ailleurs que 30 % à avouer avoir une vision claire de leur avenir. Un avenir dans lequel ils ont confiance. Pour eux. Parce qu’ils sont près de 9 sur 10 à penser que le futur sera plus noir pour leurs enfants. Par ailleurs, ils imaginent que c’était plus simple pour la génération de leurs parents.

La réaction du sociologue :  » Entre 18 et 30 ans, l’enjeu est d’entrer dans la vie adulte. Dans les années 1960, cela signifiait décrocher un emploi salarié, un logement indépendant et se marier. Aujourd’hui, ces trois repères sont bousculés. On passe par l’interim, il y a de plus en plus d’allers-retours entre l’appartement individuel ou communautaire et la chambre chez les parents et le mariage n’est plus forcément évident. Pour leurs parents, devenir adulte était donc plus facile à déterminer en termes de repères, être adulte relevait d’indications plus précises. Mais était-ce plus simple en termes de pression sociale ? De ce point de vue-là, aujourd’hui, les jeunes ont plus de marge de man£uvre. « 

Green power

Les jeunes n’échappent pas au tsunami vert. Ils sont 84 % à se déclarer sensibilisés à très sensibilisés aux problèmes d’environnement. Concrètement, 8 jeunes sur 10 trient consciencieusement et minutieusement leurs déchets. 70 % utilisent des lampes économiques. Cela dit, ils sont seulement 4 sur 10 à éviter la voiture pour le bien de la planète et, même s’ils jugent en majorité ce type d’alimentation plus saine, seulement 24 % à consommer  » volontairement  » des produits bio.

Fais pas ci, fais pas Ça

Le constat : les jeunes justifient à 63 % l’usage de marijuana mais sont près de 7 sur 10 à refuser l’accès des fumeurs aux lieux publics. On remarque par ailleurs que seuls 2 % d’entre eux sont tout à fait contre l’euthanasie et 3 % tout à fait contre l’avortement. 7 jeunes sur 10 disent pouvoir comprendre le suicide. Il semble donc qu’ils considèrent comme un droit le fait de disposer de leur vie et de leur mort. Et de leur corps puisque seuls 2 % justifient toujours les relations extraconjugales mais 44 % à penser qu’elles sont parfois justifiées.

La réaction du sociologue :  » Les jeunes sont généralement plus tolérants. Leur tolérance par rapport au travail au noir, aux relations sexuelles avec un mineur sont en réalité des informations qui nous disent beaucoup sur leur quotidien : leur job d’étudiant, leur petite copine de 16 ans. On remarque par ailleurs leur intolérance par rapport à l’alcool au volant, car ils sont les premiers visés par les campagnes de prévention et ne peuvent pas ne pas être sensibilisés au fait que la voiture, c’est dangereux. « 

quelle Confiance en quoi ?

Si les jeunes affichent une grande confiance envers leurs contemporains en général (77 %), l’Union européenne (77 %), le mariage (71 %), la police (69 %) et le système éducatif (82 %), c’est une tout autre affaire en ce qui concerne l’Eglise (77 %, non confiants, dont 46 %  » pas du tout confiants « ), les banques (45 % de confiance) et les médias (49 % à peine).

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