Christine Laurent
Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

Leur arrive-t-il, parfois, de baisser la garde, de se lâcher ? Pas sûr. Attiser des désirs inutiles, ce n’est pas leur genre. Pas grippe-sous, encore moins Picsou ou Harpagon, ils savent toutefois qu’un cent est un cent et qu’on ne badine pas avec l’argent. Leur credo : dépenser malin. Jamais, on ne les verra céder voluptueusement à l’excès. Les néoradins sont vigilants, attentifs. En catimini, ils s’organisent. Rayon consommation, ils font la fine bouche, prennent leur temps. Tout est pesé, soupesé, au milligramme près. Pas question de mordre à l’hameçon de la pub racoleuse dont ils se contrefichent. Eux, ce qu’ils aiment, c’est les tours de passe-passe, se faufiler entre les bonnes affaires, acheter juste. A flux tendu. Un jour le hard discount (lessive, eaux, chaussettes ou couches-culottes du petit dernier), le lendemain un chocolat au Sablon, ils ne se refusent rien, mais n’abusent pas non plus. Histoire de réaliser quelques économies et de ne pas se faire abuser comme des gobe-mouches. Au ras de leurs envies, ils pratiquent une sagesse consommatrice minimaliste… pour paradoxalement gâter leurs proches et, goûter aux douceurs de la vie. Les leurs. Voyages, sorties, cadeaux exceptionnels, l’épicurien, chez eux, se révèle en creux. Le libertaire aussi.

Car source d’indépendance réelle et symbolique, l’argent permet de prendre de la distance. Face à une société consumériste jusqu’à l’éc£urement, ces jouisseurs  » calvinistes  » affichent une vraie méfiance, voire de la suspicion. Electrons libres, certes, mais responsables. On ne les surprendra donc pas à dépenser tout le bas de laine dont ils disposent, et encore moins celui qu’ils n’ont pas. Sense and simplicity. D’accord pour éveiller l’être, pas d’accord pour se faire plumer.

Et les sociologues de s’agiter, épinglant une nouvelle tendance, des profils atypiques à décortiquer, des niches à explorer. Peut-être. Mais ils font tout de même drôlement penser aux bourgeois des xixe et xxe siècles, ces cigales-fourmis. Des bourgeois qui cédaient volontiers au plaisir de déguster un bourgogne de derrière les fagots, mais qui comptaient, aussi, les petits pois servis avec le rôti du dimanche. Sans parler (déjà) des économies de chauffage. Et la néoradinerie de virer en lame de fond transgénérationnelle qui pointerait son nez dès que la récession menace. Mais pas de panique ! Déjà le marketing se mobilise. Pour mieux prendre dans ses filets et piéger les adeptes de cette nouvelle frugalité. A suivre…

Christine Laurent

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