(RE)PRENDRE LA MAIN

DELPHINE KINDERMANS RÉDACTRICE EN CHEF © FRÉDÉRIC RAEVENS

Souvenez-vous, c’était à la fin de l’année dernière. En 24 heures, le Youtubeur Jérôme Jarre réussissait, grâce à sa notoriété phénoménale sur les réseaux sociaux, à lever plus d’un million de dollars pour venir en aide aux Rohingyas parqués dans des camps de réfugiés. Le Français de 27 ans n’en était d’ailleurs pas à son coup d’essai : par le passé, il a déjà appelé à la mobilisation générale en faveur de la Somalie ou du Mexique. A chaque fois, des stars du Web, du cinéma ou du petit écran le soutiennent. Dans ce cas-ci, l’acteur Omar Sy n’a pas hésité à témoigner en direct depuis le Bangladesh, aux côtés de ceux qui ont été chassés de chez eux par la Birmanie.

Une conception participative de l’action citoyenne.

Que des people mettent leur célébrité à profit pour récolter des fonds n’a évidemment rien de neuf – à quelques jours du début de la tournée des Enfoirés, on a tous à l’esprit l’élan de solidarité initié par Coluche et ses Restos du Coeur, dès 1985. Mais les méthodes désormais prônées par les influenceurs peuvent, à juste titre, déstabiliser : n’est-il pas indécent de surfer sur l’émotion en temps réel ? Peut-on scénariser la misère, à l’instar de ces images esthétisantes d’enfants malheureux, sur lesquelles a été appliqué un filtre Instagram ? Sous prétexte d’efficacité et de formatage pour les médias digitaux, le message ne devient-il pas réducteur, voire simpliste ?

Ce qui importe, rétorquait l’intéressé dans le reportage télé que lui consacrait Complément d’enquête en mai dernier,  » c’est la manière dont ces êtres humains, qui veulent aider, le font ensemble « . De fait, plus que le côté un brin show off inhérent à cette nouvelle manière de susciter la générosité, c’est sans doute l’impulsion altruiste qu’il faut en retenir.

Une attitude révélatrice d’une conception participative de l’action citoyenne, dans laquelle, même avec une logistique rudimentaire, on peut agir. Solveig Vinamont et Véronique Cranenbrouck, fondatrices de Wapa, s’inscrivent dans cette ligne quand elles expliquent vouloir, via leur ASBL épaulant de petites associations locales visant à la réinsertion de victimes de guerres,  » transformer une profonde indignation en action tout en offrant au public de quoi s’identifier plutôt que de quoi culpabiliser « . Idem pour Dimitri Verboomen, à la tête de l’antenne belge de Bibliothèques Sans Frontières, ou pour Maxence Lacroix et Pierre-Yves Orban qui, effarés par le nombre de dosettes de café consommées à travers la planète, ont développé les premières capsules biodégradables. Ni ceux-là ni les autres intervenants rencontrés pour réaliser ce numéro ne changeront à eux seuls la face du monde. Mais y auront au moins apporté leur contribution.

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