Revenu des étoiles et des cadences infernales, Patrice Brosse plaide, dans son Détail & Nous, en faveur d’une restauration sereine débarrassée du superflu. Portrait d’un chef bien dans sa cantine, nichée à Nalinnes.

Quand on voit Patrice Brosse évoluer aux fourneaux, on se dit qu’il est loin le temps où il affrontait la pression et la tempête des services en brigades. L’homme a pourtant bien connu tout cela ! Il a été second du Bruxellois Yves Mattagne entre 1995 et 1997, soit au moment où le Sea Grill est passé d’une à deux étoiles. Chaud. Il a également porté à bout de bras le projet Gaudron à Bruxelles, entre 2008 et 2011, en tant que chef de cuisine et general manager. Très chaud. Désormais, les coups de feu et les coups de gueule, c’est du passé. Il en conserve juste le vague souvenir de beaucoup d’énergie dépensée à autre chose qu’à l’essentiel : cuisiner.

Aujourd’hui, Patrice Brosse – dont le physique rappelle celui de son mentor du Sea Grill – dégage de bonnes ondes. En témoigne le large sourire affiché en permanence, qui a le don de répandre un calme olympien autour de lui. Plutôt que briguer les étoiles, ce chef né à Charleroi a voulu renouer avec la cuisine, la vraie, celle où l’on fait tout soi-même et l’on choisit avec soin ses fournisseurs. Il faut le voir passer d’une casserole à l’autre avec la légèreté d’un promeneur pour comprendre à quel point cette approche lui convient.

Poussé par le vent de profonde décontraction qui souffle actuellement sur la gastronomie, Patrice Brosse n’a pas laissé passer sa chance.  » C’est l’idée de me faire plaisir qui m’a guidé, confie-t-il. Me faire plaisir, ça veut dire travailler les produits qui me plaisent mais également ne pas perdre mon énergie dans des problèmes de gestion et de management. Je n’avais plus envie de donner des ordres, ni de bluffer, ni du geste technique pour le geste technique. La complexité ne vaut rien si elle n’a pas de finalité gustative. À 40 ans, il est important de poser des choix.  » S’il a renoncé au personnel, il travaille néanmoins en tandem avec son épouse. L’un aux fourneaux, l’autre en salle.

IDÉAL SIMPLIFIÉ

Pour correspondre à cet idéal, Brosse a mis toutes les cartes dans son jeu. Détail & Nous, son enseigne de Nalinnes, n’a rien d’un restaurant dans le sens classique du terme. Habillé de noir et de vert, il s’inscrit dans le registre des néo-cantines, ces adresses du déjeuner qui préfèrent la spontanéité de préparations simples aux conventions de la gastronomie.  » Pas de services à rallonge, pas de couverts en argent « , détaille le maître des lieux. Cet espace aux lignes contemporaines s’ouvre sur un comptoir pris d’assaut par une clientèle  » festive « , trop heureuse de pouvoir venir y déguster quelques tapas espagnoles autour d’un verre de vin  » surtout en fin de journée et le dimanche à n’importe quelle heure « . Car Patrice Brosse aime l’idée d’un endroit à vivre tout au long de la journée.  » Détail & Nous est ouvert sans interruption, il y a toujours une solution pour celui qui n’est pas dans les rythmes habituels. « 

En arrière-plan du comptoir, on trouve un choix pointu de produits d’épicerie fine comme autant de coups de c£ur. Soit, des beurres de chez Pascal Beillevaire – un Nantais, spécialiste des produits au lait cru – mais également une sélection de vins éclairés signée Benoît De Coster – entre autres le Riesling de Marc Tempé. À côté de cela, quelques tables pour savourer une cuisine décomplexée. Dans l’assiette, que du bon : des viandes de chez Jack O’Shea, le célèbre boucher irlandais de Bruxelles, de l’agneau en provenance de la boucherie Blaimont, à Jamioulx, ou des légumes venus en direct de la ferme du Fosteau, à côté de Ragnies.  » Quand on est seul et qu’on n’a pas de personnel, on peut prendre le temps de dénicher le meilleur et d’être intransigeant sur les produits, explique Patrice Brosse. Pour moi, c’est crucial car j’ai besoin d’une confrontation avec la matière première. Cela fait partie de mon fonctionnement, c’est en palpant un fenouil ou un morceau de viande que j’imagine mes assiettes. Avec la clientèle aussi, le rapport est différent. Les gens font preuve de plus de souplesse quand ils ne sont pas confrontés aux codes et aux additions propres à la restauration classique. « 

Ses plats signature ? Le bar de ligne au gros sel,  » un souvenir de mon passage chez Yves Mattagne « , mais également des joues de cochon au cidre ou, plus simplement, les £ufs Bénédicte et son fameux burger d’Angus beef bio accompagné de tomates fraîches et de bacon grillé. Ce retour à la simplicité  » salutaire  » est, comme il le souligne, l’occasion de se pencher sur des cuisines que l’on a trop longtemps négligées. Ainsi de la basque.  » Il s’agit d’une magnifique source d’inspiration qui fait des merveilles en faisant se rencontrer la terre et la mer. La cuisine basque réussit le pari de concilier goût, simplicité et santé.  » C’est également une bonne occasion de remettre les légumes à l’honneur.  » On s’est trop longtemps focalisé sur les protéines animales, or les légumes ont un apport considérable dans l’assiette, ils confèrent de la fraîcheur et de la couleur. « 

Détail & Nous, 6, rue des Ecoles, à 6120 Nalinnes. Tél. : 0475 22 45 14, www.detailetnous.be Ouvert du mercredi au dimanche, de 10 à 22 heures.

PAR MICHEL VERLINDEN / PHOTOS : FRÉDÉRIC RAEVENS

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