Bono est récompensé pour vingt ans d’activisme humanitaire, une consécration personnelle sonnant comme la reconnaissance un peu tardive du charity rock.

Posant entre les époux Bill et Melinda Gates, Bono est reconnu Personnalité de l’année par le Time (photo). C’est que, non content d’être le chanteur superstar de U2, l’un des groupes les plus populaires du monde, l’infatigable Bono se veut aussi roi de l’engagement humanitaire. Avocat de toutes les causes, il participe à Artists Against Apartheid, à la Conspiracy of Hope d’Amnesty, apporte son soutien à Oxfam ou aux enfants de Tchernobyl et trouve encore le temps de créer des fondations comme ONE, DATA ou (RED), qui militent pêle-mêle pour l’annulation de la dette du Tiers-Monde, la création de vêtements éthiques ou la prévention du sida. Et si les mauvaises langues prétendent qu’il aurait mieux fait de bosser sur les derniers albums de U2 au lieu de courir après le Nobel de la paix – pour lequel il a déjà été nominé trois fois -, la consécration de Bono sonne autant comme la reconnaissance d’un engagement personnel que comme celle de vingt ans de charity rock, au succès duquel le groupe irlandais a largement contribué. Ils furent parmi les premiers à répondre à l’appel de Bob Geldof qui, avec son supergroupe, le Band Aid, fit des années 80 l’ère des rockeurs au grand coeur prompts à se mobiliser. Double concert historique, son Live Aid électrisa 1,5 milliard de spectateurs. Inspirés par Geldof, Lionel Richie et Michael Jackson réunissent une dream team pour enregistrer en un temps record We Are the World au profit de l’Afrique. Et plus tard, l’industrie américaine fera du concert philanthropique une spécialité, organisant, depuis, son défilé de stars devant la bannière étoilée à chaque catastrophe nationale, comme après les attentats du 11 septembre 2001 ou le passage des ouragans Katrina et Sandy. Plus proche de chez nous, on se souvient des artistes français, mobilisés par Aznavour en faveur de son Arménie natale ou du SOS Ethiopie lancé par Renaud et ses Chanteurs Sans Frontières.

Les années passant, le charity rock a mué en charity business, et s’il y a encore des mégaconcerts au line-up inédit, l’exercice se résume désormais systématiquement à un show exceptionnel au service d’une gigantesque récolte de fonds, dont l’efficacité ou les partis pris artistiques sont souvent discutés. Loin de la spontanéité des débuts, ces grands-messes surmédiatisées, dopées par les bons sentiments, ont pris l’option de privilégier l’émotion et d’édulcorer les messages politiques, souvent au détriment des causes défendues. Il reste heureusement l’une ou l’autre bonne surprise pour s’en consoler, par exemple de voir McCartney s’éclater avec les membres de Nirvana à New York en décembre dernier, pour aider les victimes de Sandy.

MATHIEU NGUYEN

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