Rolf Fehlbaum, PDG de Vitra, a 9 ans quand son père fonde, en 1950, l’entreprise qui aujourd’hui figure parmi les plus prestigieuses et avant-gardistes. La puissante firme suisse (278 millions d’euros/11,2 milliards de francs de chiffre d’affaires en 2000, quatre sites de production en Europe et aux Etats-Unis et 3 000 modèles au catalogue), qui détient les droits de réédition des oeuvres de Charles et Ray Eames et de Nelson, fabrique quelques-unes des plus belles créations de Starck, Gehry, Morrison, Kuramata…

Depuis 1989, à Weil-am-Rhein (en Allemagne), un musée témoigne de cette passion.

Weekend Le Vif/L’Express : Que représente la chaise pour vous?

Rolf Fehlbaum :  » Elle offre au designer une infinité de variations possibles, contrairement à la table ou à l’espace de rangement. C’est un objet complexe qui doit intégrer plus qu’un autre la notion de confort, et un miroir très subtil, puisqu’il révèle l’individu, à travers sa manière de s’asseoir ou de se tenir assis. C’est presque l’alter ego de l’homme. D’ailleurs on parle à son propos de dos et de pieds. Il est aussi proche de lui que le vêtement.

Comment choisissez-vous vos designers?

Je m’adresse à ceux que j’estime les plus compétents. Jasper Morrison (chaise Ply) s’affirme dans la  » normalité raffinée « ; Maarten Van Severen (chaise.03) réduit l’objet à l’essentiel. Pour sa première collaboration avec Vitra, Jakob Gebert vient de réaliser une prouesse technique : le piétement de la Taino, une chaise empilable en bois, est totalement intégré dans l’assise.

L’innovation technologique est-elle décisive dans vos choix?

Historiquement, le nom de Vitra est associé à celui des Eames, pionniers du polyester qui furent, les premiers, après guerre, à utiliser le plastique en série (chaise DAR, 1948). Ils abordaient les nouveaux matériaux sans préjugés. C’est une leçon que nous n’avons pas oubliée. Dans nos choix actuels, si l’invention technologique n’est pas nécessairement fondamentale, elle se révèle toujours stimulante. Ainsi, pour la chaise .03 de Maarten Van Severen (1998), nous n’avions jamais utilisé la mousse de polyuréthane sur une surface aussi importante. Sa chaise longue MVS (2001) a relancé le défi : c’est probablement la plus grande pièce de mobilier existante élaborée dans ce matériau.

Et la chaise de demain, à quoi ressemblera-t-elle?

En 1921, Marcel Breuer l’avait déjà imaginée à travers le dessin d’un homme assis dans le vide, miraculeusement suspendu dans les airs, le siège n’existant plus physiquement. Nous n’en sommes pas encore là, mais la chaise de bureau Ypsilon (2001) s’en rapproche d’une certaine manière. Grâce à son assise thermoactive, ses implants de thermoplast et de Techno Gel, des matériaux extrêmement souples qui permettent enfin de combiner détente et travail, Ypsilon épouse le corps, jusqu’à se faire oublier. C’est le début de la dématérialisation.

 » Chairman Rolf Fehlbaum « , par Tibor Kalman. Lars Müller Publishers, 1997.

Propos recueillis par Antoine Moreno

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