Puisant généreusement à la source de l’expérimentation, les projets de Ron Arad ne passent jamais inaperçus. Weekend a rencontré ce designer surdoué dans son QG londonien. Et c’est dans son antre même qu’il a levé le voile pour nous sur ses dernières créations. Attention les yeux !

Le grand talent de Ron Arad ? Signer des pièces produites en série et des créations élevées au rang d’£uvres d’art. Le designer israélien (Tel Aviv, 1951), rendu célèbre, entre autres, par sa  » Tom Vac « , une chaise-coque polyvalente, élégante et confortable (éditée par Vitra) ou son  » Bookworm « , une sympathique bibliothèque murale flexible (éditée par Kartell) témoignera encore de son inépuisable créativité lors du tout prochain Tetaf (*), le Salon international d’art et d’antiquité, à Maastricht, accueillant les plus prestigieuses galeries. A ne pas rater : la nouvelle métamorphose de  » Oh Void « , sa chaise longue à bascule composée de deux ellipses.

Dans ses bureaux de Chalk Farm à Londres, où il s’est établi en 1973, Ron Arad n’est pas peu fier de nous dévoiler, en avant-première, sur le grand écran plat d’un de ses ordinateurs, le fruit de ses cogitations.  » Nous travaillons actuellement sur des déclinaisons de  » Blo Void « , un fauteuil en métal, confie-t-il. Mais aussi et surtout sur les nouvelles variations de  » Oh Void « .  » A la pointe des technologies et des matériaux employés, ce siège innovant et audacieux a été tout spécialement imaginé, rappelons-le, par Ron Arad Associates pour The Gallery Mourmans, à Knokke.

 » Oh Void  » a d’abord été conçu en fibre de carbone, avec l’idée de magnifier deux des caractéristiques de ce matériau : sa résistance et sa légèreté. L’exercice réussi, il a fait l’objet de séries limitées réservées aux galeries contemporaines et à leur public de collectionneurs. Mais depuis plusieurs années déjà, Ron Arad exploite les possibilités du Corian®, un matériau à haute valeur technologique ajoutée.  » J’avais eu des contacts avec du Pont de Nemours, l’inventeur du Corian®, qui souhaitait me voir réaliser quelque chose avec ce matériau, embraie Ron Arad. J’ai donc interprété la forme de « Oh Void » avec du Corian®. Celui-ci se présente sous la forme de feuilles qui peuvent être moulées à votre guise et ensuite polies. Pour les assembler, on utilise de la colle Corian® qui a la propriété de devenir invisible lorsqu’elle est mise en £uvre. Lorsque le bloc est formé, vous ne discernez aucune différence entre les couches successives. Moi, au contraire, j’ai voulu les faire ressortir. J’ai donc utilisé une colle qui n’est pas de la même couleur que les tranches. A noter : « Oh Void » en Corian® pèse 180 kg, ce qui donne une tout autre perception du dessin originel. Pour Maastricht, nous avons franchi un pas supplémentaire. Le Corian® est un acrylate qui est « mélangé » avec des poudres minérales. Nous avons donc essayé de réaliser ce que tous les spécialistes estimaient impossible : coller de l’acrylate avec de la colle pour Corian®. Et nous y sommes arrivés ! L’intérêt ? L’acrylate est transparent, la colle pas. Par cette transparence, nous avons donc réintroduit un sentiment de légèreté, même si, en réalité, le poids de cette nouvelle version est similaire au 100 % Corian®.  »

Les nouveaux  » Oh Void  » seront exposés au Tefaf par la galerie Mourmans (qui fabrique, en Belgique, et qui diffuse, dans le monde entier, les petites séries) en compagnie de quelques  » Blo Void  » et d’une série intitulée  » Chair by its Cover  » où une coque en métal extralégère recèle des originaux de grands créateurs de mobilier comme Le Corbusier ou Rietveld. En collaboration avec une galerie néerlandaise, le stand présentera aussi un choix de pièces originales de Rietveld.

Hôtels futuristes

Le jour de notre rencontre, Ron Arad rentre de New York, où il a bravé la fin de l’hiver à Manhattan, ce qui explique son couvre-chef, une sorte de casquette d’aviateur en mouton retourné. Il achève une réunion avec le promoteur du nouveau National Design Museum, à Holon, en Israël. Son équipe de designers travaille comme lui au premier étage de son QG londonien, tandis que les architectes £uvrent au rez-de-chaussée. Ils ont fort à faire parce qu’ils vivent les dernières semaines du chantier de la rénovation complète de l’hôtel Duomo à Rimini, un projet qui leur aura pris près de trois ans. Ici encore, Ron Arad a créé quelques éléments emblématiques, comme ce comptoir d’accueil qui prend la forme d’un immense anneau en acier inoxydable posé incliné contre la cloison, dont la réalisation a été confiée aux carrossiers orfèvres de Maserati…

Nul doute qu’à son ouverture, prévue au début du printemps, soit quelques mois seulement après le très médiatisé Puerta America, à Madrid, l’hôtel Duomo de Rimini fera lui aussi abondamment parler de lui. L’hôtel Puerta America s’impose comme une véritable superproduction : chacun des 12 étages de cet établissement grand luxe a été confié à un designer ou à un architecte de renommée internationale. Le 7e a été dévolu à Ron Arad… et s’avère être l’un des plus réussis, tant du point de vue de son design que de sa fonctionnalité.  » Je suis parti du principe qu’une chambre d’hôtel est un endroit où l’on séjourne une ou deux nuits, martèle Ron Arad. Elle ne doit pas être la réplique de ce que vous avez chez vous. Vous n’avez pas besoin d’un living. L’élément essentiel est donc le lit rond qui se prolonge par un bureau, qui aboutit lui-même à une cloison qui, de l’autre côté, intègre la salle de bains, le tout réalisé dans un matériau contemporain que l’on peut former à sa guise, comme le Corian® de du Pont de Nemours.  »

Au programme également : un hôtel, à Wattens dans les Alpes autrichiennes, pour la cristallerie Swarovski (le designer surdoué lui a récemment dessiné les lustres  » Lolita  » et  » Miss Haze « ). Cette commande offrira une architecture entièrement élaborée par Ron Arad, avec une immense façade évoquant le cristal.  » Dans ce genre de sites et même en bord de mer ou de lac, vous avez toujours deux côtés, celui avec la vue sur mer, lac, etc. et l’autre, à l’opposé, et défavorisé, souligne l’intéressé. Ici, il n’y aura des chambres que d’un côté : celui de la façade vitrée. De l’autre côté prendra place le couloir qui mènera aux chambres et abritera toutes les fonctionnalités.  »

A plus long terme, Arad signera Upperworld Hotel qui se déploiera au-dessus d’un des monuments industriels les plus impressionnants de Londres : la fameuse station électrique de Battersea. Pour vous faire entrer dans l’univers fabuleux de cette architecture futuriste, Ron Arad vous installe devant un film d’animation. Et vous vous apercevez médusés que l’ascenseur véhiculera les hôtes à l’horizontale, que deux étages seront aménagés au-dessus de l’édifice existant, que les chambres ressembleront à des capsules ovoïdes… Un scénario digne des meilleurs cinéastes d’anticipation.

(*) Tefaf, du 10 au 19 mars. Maastricht Exhibition & Congress Centre (MECC) Forum 100 – 6229 GV Maastricht. Tél. : +31 43 383 83 83

Pour connaître le travail de Ron Arad, visitez son site Internet : www.ronarad.com

Jean-Pierre Gabriel

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