Longtemps perçue comme aussi froide que ses habitants, la deuxième ville des Pays-Bas est aujourd’hui devenue une métropole moderne, débordante de vie et de créativité.

Les Rotterdamois ont vécu pendant des années au milieu d’un immense chantier.  » On n’a jamais connu une nuit sans le bruit des machines « , nous confie-t-on. Des travaux de démolition et de reconstruction dont le résultat est pour le moins spectaculaire. Alors qu’on lui a longtemps reproché son manque d’authenticité, d’intimité et même d’humanité, ces dernières décennies ont redonné des couleurs à la ville, qui a trouvé l’équilibre idéal entre ses bâtiments ultramodernes et ses vieilles bâtisses réhabilitées. Rotterdam tient clairement à se profiler comme un lieu de tous les possibles, qui ne craint ni le futur, ni les paris osés. Véritable panorama de l’architecture contemporaine, ce  » Manhattan sur Meuse  » porte la griffe des créateurs urbains les plus réputés de notre époque.

LA FOLIE DES HAUTEURS

Très souvent, durant notre escapade, nous aurons les yeux rivés vers le haut. L’expérience commence dès la sortie de la gare centrale, d’où l’on aperçoit des angles qui se découpent un peu partout dans le ciel. Le Markthal, immense marché couvert en forme de fer à cheval, est une création particulièrement impressionnante du bureau MVRDV : au cours de l’année qui a suivi son inauguration, en 2014, il a attiré pas moins de huit millions de visiteurs. L’intérieur est un paradis pour les foodies, où se côtoient restos internationaux, échoppes gourmandes et apéro-bars. La presqu’île du Kop van Zuid, d’où partaient naguère les bateaux pour l’Amérique, accueille aujourd’hui les  » cartes de visite  » d’innombrables architectes phares, de Francine Houben (Mecanoo) à Renzo Piano, en passant par Norman Foster. Sans oublier Rem Koolhaas, l’enfant du pays dont le building baptisé De Rotterdam, avec ses trois tours reliées entre elles, forme une véritable cité verticale. A la fois belle et presque hautaine, l’architecture nouvelle est ici le témoin d’une volonté de renaître au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, qui a su conserver l’optimisme de cette vision tournée vers l’avenir. Et ce malgré quelques projets plus farfelus : chacun jugera les maisons-cubes de Piet Blom, par exemple…

SURNOMS À GOGO

Autre observation, qui se révèle d’autant plus cocasse quand on parle un peu la langue locale : la manie des habitants de donner un surnom à chaque nouveau monument. Jamais à court de jeux de mots, ils ont ainsi rebaptisé la gare  » kapsalon « , un mot qui désigne littéralement un  » salon de coiffure « , mais surtout un plat typique composé de frites, de viande à pitas, de concombres, de tomates, de fromage fondu, ainsi que de sauce aux piments et à l’ail – oui, tout ça. Une petite bombe calorique dont l’un des coiffeurs réputés de l’ouest de la ville était jadis particulièrement friand… Le rapport avec la gare ? Cette spécialité est généralement servie dans une barquette en aluminium dont la forme évoque celle du toit du bâtiment.

Plus loin, la Beurstraverse, rue commerçante couverte, a immédiatement été renommée  » koopgoot « , la gouttière aux achats. Le Rijnhavenbrug, qui relie le Kop van Zuid à l’ancien quartier louche du Katendrecht, lui, est aussi connu sous le nom de  » hoerenloper  » (la passerelle aux prostituées, on a opté pour l’euphémisme). L’élégant Erasmusbrug, plus chanceux, a hérité du sobriquet de  » cygne  » en raison de sa forme, tandis que la tour de logements Blaaktoren est surnommée  » le crayon  » à cause de son couvre-chef pointu. Inutile de dire qu’en ouvrant un restaurant en mai dernier, le Hilton a préféré anticiper en organisant un concours pour demander aux Rotterdamois de lui trouver un nom… qu’on attend avec impatience de connaître.

SHOPPING & FOOD

Les bonnes adresses, à Rotterdam, se comptent sur les doigts de plusieurs mains. L’Oude Noorden a particulièrement retenu notre attention : il constitue l’un de ces quartiers qui montent, où les cafés populaires et les agences de voyages (quasi toutes spécialisées dans la Turquie) jouxtent les enseignes branchées pour déguster un cappuccino et un brownie maison. Chez Hopper, les clients pianotent paisiblement sur leurs portables, tandis que les pâtisseries artisanales leur font de l’oeil. Pas de grandes chaînes à l’horizon, mais un joli panorama de petites boutiques dotées d’une personnalité authentique. Chez Kookpunt, on trouve tout ce qu’on peut imaginer – et plus encore – en matière d’ustensiles ou d’appareils culinaires. Jouw Marktkraam affiche un concept unique : chacun peut y louer un petit étal pour y vendre ses propres produits ou créations, pendant une semaine ou plus, histoire que l’offre change en permanence. Une pause est aussi nécessaire chez Bertmans, le temps d’un petit-déjeuner santé, d’un brunch tardif ou d’un verre en fin d’après-midi.

Autre quartier qui bouge, mais dans un autre style : le Hofbogen wijk, avec ses magasins et restaurants installés sous les arcades d’un ancien pont de chemin de fer. Une boulangerie urbaine, un disquaire regorgeant de vieux vinyles, un réparateur de vélos doublé d’un bar à café, l’enseigne Opporto et ses fruits de mer, le jazz club Bird… L’ambiance se veut bohème et détendue. La place voisine du Hofplein est reliée au centre-ville par un joli pont piétonnier financé en partie grâce au crowdfunding, le Luchtsingel, qui a littéralement insufflé une vie nouvelle au vieux viaduc après des années de décrépitude. Un peu plus loin, il ne faut pas manquer, dans le complexe du Schieblock, le grand magasin Groos et son panel de produits du cru (design, mode et alimentation) de première qualité.

Pour un plan shopping plus classique, direction la Van Oldenbarneveldtstraat, où se trouve notamment l’excellent Ansh46, avec des marques comme Isabel Marant ou Yamamoto. Sur une note plus décalée, Susan Bijl propose des sacs de shopping en Nylon coloré (également utilisé dans la fabrication de cerfs-volants), tandis que la boutique de sport Goliath (Witte de Withstraat) décline des labels un peu oubliés comme Robey, une marque de baskets locale, ou encore Dutch army trainers. La parenthèse parfaite pour reprendre des forces ? Direction le NRCafé, installé dans les anciens locaux du journal éponyme, dont les murs arborent les photos de quelques Rotterdamois célèbres. Ensuite, on prend le temps de flâner sur De Meent, en s’arrêtant dans l’une des adresses de De IJssalon, à la chocolaterie De Bonte Koe pour quelques cadeaux-souvenirs comestibles (tulipes, clés, soleils…), dans un sympathique bar à vin (le 1NUL8) ou encore à la brasserie Doduk, le classique des classiques avec sa longue table de lecture, son affolant café et sa savoureuse tarte aux pommes.

… ET UN PEU DE CULTURE

Le quotidien londonien Evening Standard a un jour résumé en trois mots l’attrait de Rotterdam : gastronomie, alcool et culture. Le dernier point est loin d’être à négliger : la ville abrite une abondance de musées, concentrés principalement dans les environs de la Witte de Withstraat. Quelques exemples ? L’incomparable Boijmans Van Beuningen (l’un des plus anciens du pays), l’imposant Kunsthal (qui accueille en permanence des expositions passionnantes), la maison Sonneveld (une demeure d’habitation des années 30 en style moderniste, parfaitement conservée), le Nieuwe Instituut (provisoirement, il s’agit du musée de la mode) ou encore le Maritiem Museum consacré au glorieux passé du port… A côté de cela, partout dans la ville, sont éparpillées de nombreuses sculptures – en particulier au fil de la Beeldenroute Westersingel – dont la Sylvette de Picasso et plusieurs oeuvres de Rodin, Karel Appel et Alexander Calder. Sans oublier, bien sûr, le célèbre et très controversé Santa Claus de Paul McCarthy sur l’Eendrachtsplein… que la population a surnommé Kabouter Buttplug ( » le lutin au plug anal « ), avec cet humour qui, décidément, fait partie intégrante de la philosophie locale…

PAR LENE KEMPS

UN QUOTIDIEN LONDONIEN A UN JOUR RÉSUMÉ EN TROIS MOTS L’ATTRAIT DE ROTTERDAM : GASTRONOMIE, ALCOOL ET CULTURE.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content