Avec érudition et drôlerie, Juliette Nothomb nous livre chaque semaine ses recettes, tours de main et réflexions culinaires. Tout un art, brodé à petits points avec un humour bien de famille.

Que l’aimable lecteur répugnant à confier sa carcasse aux cieux ou aux flots – ou, tout simplement, à l’escarcelle trop légère pour se permettre de lointains voyages – se réjouisse. Plus besoin de cavaler au fin fond des steppes arides pour disputer avec des Cosaques poilus et éméchés une partie de roulette russe, ni même de pousser jusqu’au Japon pour y déguster avec d’exquis frémissements de terreur un sashimi de  » fugu  » où pourraient subsister d’infimes traces de poison mortel ! Grâce à votre bienveillante chroniqueuse, vous pourrez désormais vous offrir de défrisants frissons sans quitter votre cuisine, ou si peu…

Sachez, courageux pionnier de sensations périlleuses, qu’il vous suffit de cueillir, dans les eaux clapotantes de nos ruisseaux, l’une ou l’autre botte de cresson sauvage pour vous exposer à une très grave intoxication. Il arrive en effet que cette jolie petite salade dissimule sous ses feuilles patelines les £ufs de la  » fasciola hepatica  » ou grande douve du foie, un ver pas très amène, vous pouvez m’en croire. Lesdits £ufs attendent avec une patience qui est tout à leur honneur le moment où leur hôte définitif – bétail, homme – leur donnera l’occasion de croître et se multiplier, avec pour tout remerciement le cadeau-bonus d’une grave maladie, la distomatose. Si malgré (ou grâce à, selon que vous soyez suicidaire ou non) mes avertissements charitables vous désirez ardemment consommer votre récolte sauvage, un abondant rinçage à l’eau claire limite fortement les risques (ou les chances…) de contamination. Mais, entre nous, j’aime mieux vous que moi…

Et si vraiment vous trouvez que le Ciel peut encore poireauter en ce qui concerne votre personne, rabattez-vous en toute confiance sur l’excellent cresson domestique dont les tiges s’abreuvent une dernière fois aux clayettes remplies d’eau des supermarchés. Régalez-vous de ce bienfait de la nature à l’exquise saveur poivrée. Innocentes pour la ligne, indécemment riches en vitamines (dont les antioxydantes, comme la C) et minéraux (dont le calcium, le fer et le soufre, ce dernier excellent pour le trio peau-ongles-cheveux), ces petites feuilles – souvent délaissées  » paskifaut les nettoyer et ksa m’embête  » – sont avant tout… un délice. Pour le savourer dès demain, je vous livre ci-après mon adaptation au goût  » continental  » d’un grand classique british : le  » cress sandwich  » que l’on sert au  » high tea « . Traduction libre :  » du thé et quelque chose de sérieux et canon pour aller avec « . l

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