Se balader petons à l’air pour se sentir plus libre, c’est tendance. Et ça génère des sensations insoupçonnées au niveau de la voûte plantaire. On a testé en famille le sentier  » pieds nus « du Lieteberg, dans le Limbourg. Même pas mal !

L’idée est belle, poétique même : une promenade sans chaussures, sans entraves, cheveux au vent et c£ur léger.  » Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds « , comme l’écrivait Rimbaud… En arrivant au lieu-dit De Lieteberg, non loin du centre de Zutendaal dans le Limbourg, pour tester son blotevoetenpad – en VO dans le texte -, le doute s’immisce toutefois. Et si le sol grouillait d’insectes, et si l’on se faisait mal, et si… D’emblée, Peter Berx, le coordinateur du site, met fin à nos craintes :  » Nous accueillons des milliers de visiteurs chaque année et seulement une dizaine d’entre eux repartent avec un petit bobo, une petite écharde.  » On se lance…

PREMIÈRES IMPRESSIONS

L’aventure commence à la case vestiaire. Sur un petit ponton de bois, chacun est invité à ranger ses chaussures dans un casier fermé. Le plancher est frais et doux au toucher, les terminaisons nerveuses de la peau entrent en action. Çà et là, on sent encore quelques réticences –  » On ne peut vraiment pas prendre des tongs dans son sac à dos ?  » Un tourniquet franchi, et nous voilà dans le sous-bois. Les premiers mètres sont les plus étranges. Le contact avec la terre spongieuse est un instant rebutant mais, très vite, cette sensation d’humidité devient familière. À peine habitués, nous traversons une première zone de copeaux de bois. Ça crie, ça rigole, certains rebrousseraient bien chemin… Nous pas, quoique, franchement, ça picote sérieusement. Soulagement : ce tapis végétal inconfortable laisse place à un pont suspendu en rondins polis, et un peu plus loin à une fosse remplie d’eau… glaciale. Progressivement, on redécouvre son environnement d’une autre manière. Les textures – tantôt chaudes, tantôt froides, agréables ou désagréables à fouler – rythment la progression. Jusque-là, on a le nez rivé sur nos orteils. Pas encore eu le temps de regarder le paysage. Un escalier aménagé à flanc de colline nous mène au sommet d’une butte. Ici, on prend conscience de la beauté du lieu.

DÉPAYSEMENT GARANTI

Le sentier du Lieteberg est aménagé dans une ancienne carrière de sable, intégrée au Parc national de Haute-Campine. La région est assez vallonnée et fait, sous certains traits, penser aux Ardennes. À l’horizon, des arbres à perte de vue, quelques champs… La ville semble bien loin. Une incursion dans une forêt de pins – et ses monticules d’aiguilles – réveille les sens, un passage sablonneux réconforte la peau. Et voilà que nous débouchons sur une clairière d’herbe toute douce où s’élève une immense tour de guet. Quatre-vingt-cinq marches plus tard, nous surplombons tout le Lieteberg et pouvons observer les ribambelles de promeneurs avançant tant bien que mal sur les divers revêtements jalonnant le circuit. Quand on voit l’affluence en ce week-end printanier, on se dit qu’il vaut mieux éviter l’endroit un samedi de juillet ou d’août.

Il est vrai que cette activité au grand air fait de plus en plus d’adeptes en ces temps où le retour aux sources est devenu un leitmotiv. Chez les joggeurs, on parle de barefoot running pour désigner ce footing de va-nu-pieds qui, tout comme la marche, aurait de multiples avantages. D’abord, cette course  » à cru  » stimule des zones sensibles de la voûte plantaire et par là même le c£ur et la circulation sanguine. Par ailleurs, une étude du magazine Nature a mis en exergue les bienfaits de cette discipline en analysant l’entraînement de coureurs chaussés ou non. Ces deuxièmes poseraient mieux leur pied au sol, de la pointe vers l’arrière, ce qui réduirait les risques de traumatisme. Les sportifs équipés de baskets, eux, surchargeraient davantage leur talon.

Ces considérations en tête, et sans prétendre pour autant se comparer à un marathonien kényan, notre expédition nous confirme ces observations scientifiques. Inconsciemment, nous posons d’abord les orteils, pour tâter le terrain, puis seulement, prenons appui. Un véritable réapprentissage de la marche…

LE ROYAUME DES INSECTES

Un bac rempli de galets, de petits rochers à escalader, de la dolomie… La balade se poursuit et mène le visiteur vers les zones boueuses et marécageuses. À certains moments de l’année, celles-ci peuvent atteindre 40 à 50 cm de profondeur. Certes, il est possible de les contourner, mais ce serait trop facile. Un torrent marque la fin du parcours. En file indienne, les marcheurs remontent le courant sur les pierres glissantes de mousse. Le froid revigore les panards endoloris (et accessoirement les nettoie). Encore quelques dizaines de mètres et nous voilà revenus au vestiaire après 2 heures d’aventure (pour 2 petits kilomètres ce n’est pas mal !). Un passage par les douchettes s’impose.

En contrebas, on peut apercevoir un véritable village de ruches. En effet, si le lieu est aujourd’hui connu, d’abord, pour son attraction atypique, il était au départ dédié à l’apiculture.  » En 1990, nous avons créé ici une zone de fertilisation pour abeilles. La commune nous a donné le terrain à condition que nous y ajoutions un volet pédagogique. Nous avons donc installé un musée, raconte Peter Berx. Petit à petit, l’initiative locale a pris de l’ampleur et, en 2005, suite à une visite en Allemagne, les responsables ont décidé d’implanter ce blotevoetenpad.  » Très vite, ce dernier a remporté un franc succès et sa gestion, d’abord bénévole, s’est professionnalisée. En 2010, un véritable complexe à l’architecture très contemporaine a vu le jour, regroupant un centre d’information, le musée des insectes agrandi et une volière à papillons…  » De quoi occuper largement une journée en famille « , conclut le coordinateur.

Il est temps de réenfiler ses chaussures. On le regretterait presque. C’est qu’on s’y habitue bien vite à  » sentir la fraîcheur à ses pieds « .

De Lieteberg, à 3690 Zutendaal. Tél. : 089 25 50 60.

www.lieteberg.be. 3 euros/adulte, 2 euros/enfant.

PAR FANNY BOUVRY / PHOTOS : BERTRAND NOËL

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