Un grand saut planétaire pour lutter contre le réchauffement de la Terre. L’idée paraît un peu folle mais démontre surtout l’incroyable puissance de la bulle Internet.

Retrouvez Frédéric Brébant chaque lundi matin, vers 9 h 45, dans l’émission  » Bonjour quand même « , de Jean-Pierre Hautier, sur La Première (RTBF radio).

Il y en a pour tous les goûts. Certaines sont dédiées à l’eau, à la santé, à la paix, à la jeunesse, à la poésie ou à l’environnement. D’autres entendent combattre vigoureusement le sida, la pauvreté, le tabac, l’homophobie ou encore la peine de mort. D’humeur sensibilisante, les Journées mondiales en tout genre squattent le calendrier avec plus ou moins de succès selon la gravité du thème épinglé. D’où l’intérêt pour tout scientifique ou écologiste convaincu de prendre le train de ces rendez-vous ponctuels en marche afin d’attirer l’attention des foules sur tel ou tel problème. Car il y a évidemment des trous à l’agenda. Prenez le 20 juillet, par exemple. Sur www.journee-mondiale.com,  » il n’y a pas de journée mondiale répertoriée à ce jour « , répond le moteur de recherche de ce site, ma foi, très utile. Un certain Hans Peter Niesward a donc sauté – si j’ose dire – sur l’occasion pour réclamer haut et fort un World Jump Day le 20 juillet 2006. Traduisez : une Journée mondiale du Saut. Attention, l’idée est noble et séduisante puisqu’il s’agit tout bonnement de lutter contre le réchauffement climatique ! Sceptique ? Voici l’explication développée par le Pr Niesward, membre émérite du département de physique gravitationnelle de l’Université de Munich sur l’adresse www.worldjumpday.org : si 600 millions de personnes sautaient exactement au même moment d’un seul côté de la Terre, l’impact pourrait, en effet, être suffisant pour faire dévier légèrement l’orbite de notre planète et l’éloigner un tout petit peu du soleil. On pourrait ainsi espérer perdre un ou deux degrés Celsius dans la grande aventure. Bref, un petit refroidissement pour l’homme, mais un grand bond pour l’Humanité ! A ce jour, près de 400 millions d’internautes se sont déjà inscrits sur www.worldjumpday.org, convaincus de la pertinence de l’analyse et de la force des graphiques reproduits sur le site. Le 20 juillet 2006, à 11 h 39 et 13 secondes très exactement (heure GMT), notre bonne vieille Terre subira donc un méchant coup de talon d’un bon paquet d’humains bien intentionnés. La plupart d’entre eux auront évidemment été rappelés à l’ordre, la veille, par e-mail et il sera intéressant d’observer cette grande sauterie planétaire avec un petit sourire en coin. Car le Pr Niesward n’existe pas. Et sa théorie gravitationnelle a autant de poids qu’un gros pétard mouillé. En réalité, le site en question – agencé de la manière la plus sérieuse qu’il soit – est l’£uvre d’un artiste allemand dont le travail consiste à jouer précisément sur les croyances scientifiques. Usant habilement du bouche à oreille virtuel, Torsten Lauschmann a ainsi réussi l’exploit de mobiliser des dizaines de millions de personnes avec du vent. Certes, son happening n’aura aucun impact sur le climat de notre bonne vieille Terre, mais l’artiste a d’ores et déjà gagné, en quelque sorte, le pari de réchauffer momentanément l’atmosphère à coup de cybersolidarité. Mieux, il a surtout démontré l’énorme pouvoir de la machine Internet, capable de mondialiser l’information et de mobiliser les foules en un temps record. Avec sa vraie-fausse Journée mondiale du Saut, Torsten Lauschmann met donc le doigt sur l’une des tendances  » lourdes  » de notre société : cet asservissement total à la  » vérité  » dictée par la bulle du Web. Une bulle qui induit le meilleur et le pire. Une bulle qu’il faut pouvoir, à un moment donné, éclater. Histoire de ne plus jouer à saute-mouton.

Frédéric Brébant

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content