Colorée et vivifiante, sa cuisine est placée sous le signe de la fraîcheur. Zélandais pure souche, le chef 2 étoiles Sergio Herman séduit aussi par sa maîtrise de la technique.

Le restaurant de Sergio Herman, le Oud Sluis, était autrefois une petite ferme à l’orée des prairies, lorsque son grand-père et sa grand-mère décident de la transformer en salon de coiffure et magasin de souvenirs. Le tourisme se développe rapidement et on y sert de petits en-cas sur terrasse au soleil. La génération suivante transforme l’affaire en un restaurant de moules cossu et apprécié d’une clientèle essentiellement belge. Et pour cause, Knokke et Le Zoute ne sont guère éloignés, même en bicyclette.

Sergio a 20 ans en 1990, lorsqu’il se lance dans le métier pour aider son père. L’école ne l’a guère enthousiasmé. Mais un stage d’un mois chez Cas Spijkers (De Swaen à Oisterwijk), le plus célèbre cuisinier des Pays-Bas, s’est soldé par un engagement pour 8 mois complémentaires, comble de la reconnaissance. Pendant ce temps, Sergio a regardé, goûté, enregistré, comme il le fait aujourd’hui encore en voyageant là où les choses bougent en cuisine : Londres, Barcelone, l’Italie. Car ce chef qui aime Prada, Dries Van Noten et Armani est un homme de son temps.

Durant deux ans, la répartition des tâches entre le père et le fils est géographiquement organisée en cuisine. L’aîné est aux fourneaux tandis que le rejeton se lance dans la cuisine froide, interprétant et déclinant ce qu’il a vu et senti ailleurs. Mais, de jour en jour, la frontière entre les deux mondes s’étiole. Et les deux hommes partagent leurs saveurs. Jusqu’au moment où papa Ronnie, le sage, décide de s’effacer pour donner à ce fils surdoué les moyens de s’exprimer.

1992: la carte change et les clients aussi. Sergio se souvient de ses premières déceptions.  » Nous avons été malmenés par une partie de notre clientèle qui supportait difficilement l’abandon des casseroles de moules, confie-t-il. Beaucoup sont repartis dépités, sans entrer dans le restaurant. Ce qui m’a le plus blessé, c’est que ces mêmes personnes sont des connaisseurs qui fréquentent de grandes maisons, en Belgique comme en France.  » Bien mal leur en a pris car le jeune chef s’est envolé, pour rejoindre rapidement le firmament des étoiles. Michelin offre la première en 1995 et confirme par une deuxième en 1999, couronnant une assiette d’une grande délicatesse.

Chaque recette de Sergio Herman laisse en bouche un raffinement qui n’a d’égal que sa fraîcheur. Et plat après plat, le menu semble toujours s’affiner, jusqu’aux desserts. Les secrets sont multiples sans oublier la technique. Sergio aime les gelées, les granités ou les mousses, utilisant notamment le fameux siphon qui a rendu célèbre le Catalan Ferran Adria ( El Bulli, lire aussi Weekend Le Vif/L’Express du 30 mars dernier).

Mais cette fraîcheur vient davantage d’un savant mélange des fruits et des légumes qui s’accordent, comme la pomme et l’avocat (qu’il associe au potiron cru en automne) ou le citron et la tomate. Elle est confirmée dans la présentation de l’assiette, extraordinairement colorée, vivifiante.

Cela ne signifie pas pour autant que notre homme – qui fêtera ses 31 ans le 5 mai – ignore les cuissons traditionnelles. Lorsqu’il vous prépare un morceau de turbot, celui-ci est démarré dans une poêle, à l’huile et au beurre frais. Un petit filet de citron vient alors alléger le tout. Bien saisie et arrosée de sa sauce, la pièce de poisson passe alors au four, à température moyenne (autre petit secret). Pour la dernière étape, avant de glisser dans l’assiette chaude, le poisson repasse avec la poêle sur la flamme de manière à faire fondre une dernière noix de beurre. Servi avec des légumes, dont – en saison – des pousses de chou marin, ce plat constitue une véritable envolée de saveurs.

Carnet d’adresses en page 120.

Texte et photos: Jean-Pierre Gabriel

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