Achille Maramotti (1927-2005) était un fin amateur d’art contemporain. A Reggio Emilia, fief du fondateur de MaxMara, ses enfants ont accompli son rêve : ouvrir sa collection au public. Et poursuivre son soutien à la jeune création. Visite guidée.

C’est sans doute un samedi comme un autre à Reggio Emilia. Pour le visiteur de passage, cette petite ville doucement baroque, plantée entre Parme et Bologne, est une leçon de style. Est-ce parce que les couleurs actuelles du drapeau italien ont été adoptées ici que les clichés transalpins les plus délicieux se doivent d’y être vérifiés ? Sous un doux soleil d’automne, le marché matinal prend des airs de chorégraphie toute dédiée à l’élégance et à la gourmandise. Des hommes fraîchement peignés, le manteau parfaitement coupé, soignent leur dégaine jusque dans la manière rigoureusement nonchalante de porter leur sac en plastique lourd de parmiggiano regione et de prosciutto di Parma. Deux trésors du coin auxquels il faut ajouter l’incontournable vinaigre balsamique de Modène. Ingrédients endémiques du régime alimentaire des habitants de cette terre apparemment bénie par le dieu du raffinement.

C’est dans cet écrin conjuguant ambiance provinciale et classicisme bon teint que la saga MaxMara a pris naissance. Nous sommes en 1951. Un certain Achille Maramotti, fils d’une couturière, diplômé en droit, imagine avec l’audace caractéristique de l’après-guerre de marier le savoir-faire manuel et la confection industrielle. Celui que l’on tient généralement comme un des initiateurs du prêt-à-porter contemporain propose alors deux modèles : un manteau camel et un tailleur rouge. Assez pour signer les débuts d’une affaire exemplaire : aujourd’hui, le groupe compte 23 lignes (MaxMara, SportMax, Marina Rinaldià), est présent dans 90 pays et réalise un chiffre d’affaires dépassant le milliard d’euros. Mais, fidèle à ses racines, reste implanté dans son fief d’origine et continue d’être entièrement piloté par la famille Maramotti – Luigi, Ignazio et Maria Ludovica, les trois enfants d’Achille(6.). A qui ce dernier a visiblement inoculé son profond intérêt pour la création artistique. Les héritiers poursuivent en effet une politique d’acquisition vivace doublée d’un soutien à l’art contemporain à travers le Max Art Prize for Women. Ce prix bisannuel, mis en place en collaboration avec la vénérable Whitechapel Gallery de Londres, est destiné à encourager le travail de jeunes femmes artistes (lire interview de Iwona Blazwick, directrice de la Whitechapel en page 28). Par ailleurs, selon la volonté de leur père, les enfants Maramotti ont rendu une bonne partie de la collection familiale accessible gratuitement au public.

A cet effet, l’usine originelle du groupe (5.), vaisseau fonctionnaliste de verre et de béton a été allégé par l’architecte britannique Andrew Hapgood. Résultat : 6000 m2 divisés en 43 salles aux cimaises desquelles sont accrochées environ 200 pièces (1. et 3.). Qui racontent, à travers les goûts de ce collectionneur gourmand, sinon les grandes lignes de l’art contemporain, du moins celles de la peinture contemporaine. Joyeusement éclectique, la collection n’obéit à aucune limite en termes de courants et affiche un bel équilibre entre art italien et international. On s’arrêtera particulièrement devant trois beaux tableaux matiéristes d’Alberto Burri, dialoguant avec une huile de Francis Bacon et une petite toile informelle de Jean Fautrier. La poésie contemplative de Claudio Parmigiani (4.), artiste coup de c£ur de Maramotti, occupe deux salles, dont une exclusivement consacrée à une imposante sculpture dédiée au peintre Caspar David Friedrich. A la présence des grands noms de l’Arte Povera (Giovanni Anselmo, Mario Merzà) s’ajoute un véritable festival des têtes de pont de la Transavanguardia (Sandro Chia, Enzo Cucchià). Un goût pour la matière picturale et la spontanéité du geste que l’on retrouve dans une salle réservée aux néoexpressionnistes allemands (Baselitz, Penck, Kiefer) (7.). Des fulgurances tempérées par le néogéométrisme d’un Peter Halley (2.) ou la délicatesse monumentale d’une Ellen Gallagher, très bien représentée. Voici, résumée en quelques lignes, la richesse des confrontations entre les £uvres scénographiées par l’historienne de l’art Marina Dacci, responsable de la collection. Un dialogue esthétique qu’il est possible de vivre quasiment seul. Pour favoriser la qualité des visites, celles-ci se font sur rendez-vous et n’accueillent que 25 personnes à la fois. Une leçon de style, on vous disait.

Par Baudouin Galler

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