SILENCE, LELOUCH TOURNE !

Salaud, on t’aime !, le dernier film de Claude Lelouch, sort le 2 avril prochain dans les salles. L’occasion de replonger dans l’ambiance de fin de tournage. L’été dernier, au pied du Mont-Blanc, on y était…

Quel que soit votre degré d’affinité avec l’univers de Claude Lelouch, il sera difficile de passer à côté de son dernier film Salaud, on t’aime !. D’abord, parce que Lelouch, c’est quand même Lelouch : une grosse pointure du cinéma français, un réalisateur qui a connu les succès et les défaites, adulé et critiqué, se relevant toujours avec passion. Ensuite parce que son film réunit de grands noms : Johnny Hallyday et Eddy Mitchell, ses amis de longue date, Sandrine Bonnaire, Irène Jacob, Valérie Kaprisky… Et puis enfin, parce que la comédienne belge Isabelle De Hertogh, repérée il y a deux ans par le cinéaste grâce à sa performance dans le film Hasta la vista, y joue également. L’histoire du film est celle de Jacques Kaminsky (Johnny), ancien photographe de guerre, qui, après une vie professionnelle vécue intensément, se rend compte qu’il s’est plus occupé de sa carrière que de sa famille, même s’il a eu plusieurs enfants.

30 JUILLET 2013, 10 H 30

Nous sommes au Domaine de l’Aigle, en France, non loin du Mont-Blanc, dans un chalet perdu dans la montagne ; chalet que Jacques Kaminski veut acheter. La scène réunit Johnny et Sandrine Bonnaire, dans le rôle de l’agent immobilier venant lui faire signer des documents. Silence, on tourne. S’entame un long dialogue entre les deux personnages. De temps en temps, Lelouch lâche un  » C’est formidable ! « , encourageant les protagonistes sur leur voie. La scène se termine par un baiser auquel Johnny ne s’attendait pas à ce moment-là… Avec la complicité de Sandrine Bonnaire, le réalisateur a voulu surprendre l’acteur – en même temps que son personnage, pour arriver à capter l’émotion spontanée sur son visage. Mettre tout en oeuvre pour laisser place à cette spontanéité dans le jeu, c’est sans doute la clé du travail du chef d’orchestre.  » Claude a une manière très particulière de travailler, commente Isabelle De Hertogh. Il pose un cadre, des pions, un fil rouge, mais lors du tournage, les choses se passent toujours autrement. Je crois que c’est son plus grand plaisir de créateur. En tant qu’acteur, cela oblige à lui faire confiance et à être tout le temps en alerte.  » C’est aussi la raison pour laquelle, jusqu’à la fin du tournage, Lelouch préfère garder le mystère sur le scénario, limitant les informations qu’il donne à ses comédiens : certains en reçoivent des bribes, d’autres ne savent rien, quelques privilégiés l’ont eu dans son intégralité.  » Il nous explique souvent ceci : « Je ne vous dis pas ce qu’on va faire, je ne vous dis pas comment, mais on va le faire. Du chaos sort toujours quelque chose ! » « , raconte Irène Jacob… Surprise sur prise.

31 JUILLET 2013, 11 HEURES

Aujourd’hui, dernier jour de tournage, c’est l’effervescence. Au programme, une scène importante du film : l’ultime exposition de photos de Jacques Kaminski dans l’église de la ville de Saint-Gervais. Pas moins de 200 figurants à gérer, une chaleur de plomb, et les nombreux fans de Johnny, venus pour l’occasion, à canaliser. Claude Lelouch est concentré, dynamique et ferme dans ses recommandations aux figurants :  » Vous êtes les visiteurs de l’expo… Circulez, soyez toujours en mouvement, ne faites pas attention aux caméras, ni à Johnny qui va venir se mêler à vous.  » Tout le monde s’applique en silence, impressionné par l’expérience. Les acteurs et les figurants déambulent dans le lieu de culte. Une porte au fond de l’édifice s’ouvre et Johnny entre en scène, traverse la foule. On coupe. Du haut du balcon, Lelouch crie  » On l’a ! « , et c’est l’émoi, la foule se transforme en public pour acclamer le rockeur.

31 JUILLET 2013, 21 HEURES

L’équipe fête la fin du tournage sur une terrasse isolée au pied de la montagne, sous les étoiles et les lampions. L’humeur est rieuse, unissant les acteurs, les techniciens et la famille de Claude Lelouch, aussi présente : ce soir, on fête également les 15 ans de sa petite-fille Rebecca. Le réalisateur lève son verre en remerciant ses troupes, et dans ses yeux fatigués brille la fierté du travail accompli :  » Vous êtes des acteurs formidables. Si le film est raté, on saura que c’est à cause de moi !  » Tout le monde est très affable, s’extasiant sur la magie d’un  » tournage de Lelouch « , sur sa capacité à sonder l’âme humaine, sur son éternel enchantement :  » C’est un maître du cinéma, et c’est un enfant, explique encore Isabelle De Hertogh. Il s’émerveille de tout, il bondit dans tous les sens, il est imprévisible. C’est quelqu’un d’incroyablement surprenant, malgré ses 76 ans.  »

PAR STÉPHANIE GROSJEAN

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