À la recherche d’un petit coin proche et sauvage pour s’évader ? Rendez-vous au Pays des Collines, où la nature se révèle mystérieuse et les hommes passionnés. L’aventure est au bout du chemin.

Pourquoi Ostiches ? L’exotisme du nom, peut-être. A côté des Flobecq et Ellezelles plus connus, ce patelin hennuyer m’a titillé l’ouïe. La promenade que je repère fait le tour du Blanc Moulin d’Ostiches, un vieux moulin à vent datant de 1789 et qui fait la célébrité du village. Le circuit opère une boucle de près de 7 km dans la campagne, au départ du bâtiment, entièrement rénové dans le respect de sa facture d’époque, et qui actionne encore ses ailes de temps en temps lors de visites pédagogiques.

Ostiches, donc. Quelque part au nord d’Ath, un vieux village centré sur l’agriculture, en témoignent les nombreuses et anciennes fermes alentour. Le calme campagnard y est contrebalancé par la ferveur de plusieurs passionnés du coin, déterminés à rendre le lieu accueillant et dynamique : Philippe, qui connaît le Moulin comme sa poche, Jacques, qui s’occupe de faire tourner la forge, Luc et Chantal, qui tiennent le bistrot de la place – le Saint Pierre -, et Eddy, le boulanger, meunier à ses heures, qui fabrique son pain avec la farine qu’il a lui-même moulue dans la localité. Leur passion du terroir n’a pas de limite, et chaque premier week-end de juillet, le village organise la Fête du Moulin pour mettre à l’honneur les métiers d’antan et attirer une foule toujours importante. Un charmant point de départ pour ma journée…

LES FRAIS BOCAGES

Matin brumeux et mouillé, chaussures de marche, veste imperméable, j’arrive sur la jolie Place d’Ostiches, étonnée de la tranquillité ambiante au sortir de ma voiture. Il fait bon, je sens que le soleil n’est pas loin de se montrer, les hirondelles volent bas en piaillant. Je repère le balisage à suivre pour commencer ma virée au vert et le sentier me fait rapidement sortir du village. Un jeune fermier intrigué me confirme qu’il faut suivre  » le chemin tout bétonné « . Je m’exécute, marchant vers des pâturages bordés de saules têtards, que l’ouate matinale rend encore plus bucoliques, et j’arrive au bord du Trimpont, petit ruisseau que je vais croiser plusieurs fois sur ma route. Dans les prairies, de nombreuses vaches, biquettes, chevaux, et dans les champs, les petites fleurs jaunes de colza transpercent le brouillard, façon Monet. C’est très beau.

Le sentier s’enfonce dans les hautes herbes humides, le silence est interrompu de temps à autre par le chant mystérieux d’un oiseau qui se cache dans le bois tout proche. La végétation est abondante et enveloppante : les arbres sont nombreux et enlacés de lierre, rendant l’atmosphère un rien ensorcelante. Le Pays des Collines, c’est aussi celui des légendes et de la sorcellerie. Je commence à en comprendre le sens quand j’aperçois des arbres aux formes biscornues qui trouveraient facilement leur place dans Le Seigneur des Anneaux. Un couple de pigeons ramiers me surprend en prenant bruyamment son envol sur mon passage. Les vaches paisibles se saisissent lorsque je sors de la forêt… Il semble que je sois vraiment seule au monde. Ah non : en sortant de cette Brocéliande hennuyère, je croise un promeneur du coin baladant son chien qui m’indique la direction à suivre.

Je rejoins l’agglomération d’un pas rapide : après une bonne heure de marche, j’ai rendez-vous avec Philippe Deschamps pour découvrir la forge et le moulin :  » Il est visité régulièrement parce qu’il existe un tourisme actif des moulins, notamment venu de Flandre, où ces infrastructures y sont vraiment mieux entretenues. Cet édifice a été rénové à l’initiative du gouverneur d’Ath. On a retrouvé tous les plans de l’époque et il a donc été reconstruit à l’identique.  » Au dernier étage, la magnifique vue permet d’admirer la campagne lointaine. On rejoint Jacques à la forge où un petit nombre d’amateurs réalisent régulièrement des merveilles : couteaux, ferrage de chevaux, armures, fer forgé mais aussi maroquinerie. Heureux comme des gamins, les deux habitants me montrent la saboterie et son impressionnante collection de vieux sabots.

LA PAUSE PHILOSOPHIQUE

Retour sur la petite place d’Ostiches, pour manger un bout au Saint Pierre, le bistrot où je prend connaissance aussi des précieuses bières locales, dont la bien nommée Blancs mongnîs (les Blancs meuniers),  » qui a tendance à sortir  » (comprendre : elle mousse énormément). Luc et Chantal m’accueillent, tout sourire. Le tenancier me raconte tout ce qui se passe à Ostiches : rencontres de motards, de cyclistes, promenades des  » anciens « , randonnées en tous genres, Fête au Moulin, formations à la forge…  » Dans un village comme celui-ci, si on ne fait rien pour voir du monde, on crève.  » Sur ces bonnes paroles, je salue mes hôtes et reprends ma voiture, direction Frasnes-lez-Buissenal et le Château des Mottes, à quelques kilomètres de là, pour visiter l’Asinerie du Pays des Collines.

LA FERME DES ÂNES

Ils sont 143 aujourd’hui : l’ânon Dakar est né ce matin.  » Tout s’est bien passé !  » me dit Marie, émue et affairée. Elle revient d’avoir été surveiller l’arrivée du  » petit dernier « . C’est la vraie vie de Marie Tack, éleveuse. Depuis près de quinze ans, l’élevage n’en finit pas de grandir :  » On a commencé tout petit, explique son mari. Au départ, on n’imaginait pas que l’élevage d’ânes et la production de lait d’ânesse nous permettraient de vivre !  » Pourtant, l’entreprise familiale est un grand succès : on vient désormais de loin pour visiter les lieux, et les savons, laits corporels, masques ou autres cures de lait d’ânesse sont exportés jusqu’en Grèce. Tout en me parlant, l’éleveuse profite du passage de quelques ânesses pour s’enquérir de l’état de leurs sabots :  » Ce qui m’a attiré, c’est que c’était un animal dénigré, rabaissé, raconte-t-elle. On dit toujours « pauvre petit âne », mais non ! Ils ne sont pas pauvres. Et, ils ne sont pas petits non plus !  » De fait, la taille de certaines bêtes dépasse largement celle du cheval.  » On prétend aussi qu’ils ont l’air triste, c’est peut-être à cause de leurs yeux bordés de noir, mais il ne le sont pas. Et puis qu’ils sont têtus mais c’est vraiment dommage parce qu’ils sont de très bonne composition. C’est un animal très doux, calme, qui cherche la compagnie. S’il était ingérable, jamais il n’aurait été aussi bien domestiqué. Je voudrais travailler à améliorer son image.  » En passant par la cour du Château, la plaque d’immatriculation de la voiture de ces mordus de l’ânesse me fait sourire : ANE 001. J’assiste à la traite manuelle et Olivier me fait goûter un peu de lait (mouais…). Je décide de laisser mes hôtes à leur passion, et de repartir des Collines, contente de mon voyage.

PAR STÉPHANIE GROSJEAN

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