Fini le temps du training  » peau de saucisse « , du jogging façon sac à patates et de la basket à la lourdeur indigeste. Pour les femmes, le sportswear fait rimer élégance et performance.

Le XXIe siècle n’a sans doute pas encore rencontré toutes nos espérances mais une chose est sûre: l’ère du Verseau coïncide avec une ode magistrale à la féminité et au-delà, peut-être, un nouveau féminisme qui sait faire rimer revendication et séduction. De la rondeur ronronnante des bagnoles aux couleurs douces et gaies des ordinateurs en passant par la résurrection des matières soyeuses, les courbes quasi charnelles des appareils électroménagers et les jeunes pères désormais conscients de la  » part femelle  » qui sommeille en eux, l’époque est au beau sexe ce que la météo californienne est au beau fixe.

Boosté par ce regain de féminité véritable et de contemporanéité élégante où la rigueur n’est pas fille de la raideur, l’univers du vêtement, qu’il soit mondain, pointu ou plus casual, est prêt à décloisonner les styles et à bouleverser les habitudes de l’habit. Ainsi, la trilogie  » urban chic  » du tailleur + pull + escarpins adopte un esprit décontracté, voire sportif. La semaine fait  » gouzi-gouzi  » avec le week-end par le biais du friday wear, la haute couture sort définitivement de son corset de convenances pour flirter avec le prêt-à-porter et… les tenues inhérentes au domaine du sport se piquent d’élégance extrême tout en conservant leurs qualités intrinsèques.

A ce propos, notons que le sport doit beaucoup aux filles d’Eve: pour accéder à la chaleur de la flamme olympique, celles que Pierre de Coubertin jugeait, en 1896, inaptes à pratiquer n’importe quelle activité physique, ont dû longtemps enfiler les gants de boxe d’un féminisme pur et dur. Mais ce saut d’obstacles machistes a porté ses fruits: au moment où vous parcourez cet article, il y a au moins deux femmes qui exercent un sport (fitness, jogging, vélo, tennis, natation, football sont quelques-unes de ses disciplines) pour un homme qui enfile short et chaussures à crampons (1). Et ce n’est pas tout: à l’échelle européenne, la moyenne des femmes pratiquant un sport dépasse largement celle de leurs homologues masculins. A âge égal, les athlètes féminines courent plus vite que les sprinters masculins et aux J.O. de Sydney, l’été passé, les athlètes présents étaient constitués, pour un bon 40%, de belles gazelles.

 » Le geste sportif n’a pas de genre propre. Mais quand je shoote dans le ballon, c’est un acte féminin parce que je suis une femme avant tout « , explique la footballeuse américaine Maren Seidler. Et la sprinteuse black Carla Sacramento d’ajouter:  » Quand je cours, je veux être élégante, pour moi-même, pour mon public et, aussi, pour chaque élément féminin de ce public.  » Certes, la chose est bien dite: les femmes  » assurent  » à fond sur le terrain du sport comme dans bien d’autres domaines d’ailleurs. Cependant, elles tiennent à le faire avec panache. Et les spécialistes du vêtement ad hoc l’ont parfaitement compris; pas question de fourguer à ces dames du sportswear masculin version taille menue.

Du podium au catwalk Fer de lance de ce sportswear subtilement sexy, le label Nike, no 1 mondial sur le marché des articles de sport, innove avec une ligne conçue par et pour les femmes (lire aussi l’interview ci-après, pages 50 à 54). Sans chichis bien que pourvue d’un chic percutant, la collection Nike Women’s marie performance et élégance. Plus encore, la marque illustrée par le  » Swoosh « , logo en forme de virgule, après avoir construit son image sur des silhouettes superbes comme celle de l’ancienne étoile du tennis féminin Dominique Monami-Van Roost (2), choisit à présent les ambassadrices de son style parmi les citoyennes modèles, voire les Madames (presque) Tout-le-monde telles que, par exemple, notre compatriote Emilie Dequenne, figure centrale de  » Rosetta  » et du  » Pacte des loups « . Lié de près aux sports-stars (athlétisme, jogging, tennis, basket, gymnastique d’élite, football, etc.) où l’individu supplante la machine et où les femmes se ménagent une place toujours plus grande sur la première marche du podium, le vêtement de sport contemporain ne se contente plus de faire de l’effet sur les pistes des stades. Alors que l’utility wear, mis notamment en musique par des créateurs comme Alain Mikli, Philippe Starck, Marithé & François Girbaud, Neil Barett, etc. s’inspire du vestiaire sportif pour rendre plus pratico-pratique la garde-robe de l’homme et de la femme modernes, le sportswear actuel suit un autre chemin. Si les premières velléités modeuses du sportswear chic (NDLR: elles ont débuté voici trois ou quatre saisons) appartiennent aux labels hype tels que, entre autres, Prada Sport, Blue Strenesse, Escada Sport, Polo Ralph Lauren, Scapa Sport, Chanel version sportswear et skiwear, D & G Golf, Mc Gregor ou encore la Versace Sport Collection qui, mise en route de manière assez confidentielle il y a presque dix ans, vient grimper cet été les marches du podium du chic décontracté. Même la Méduse, logo fétiche de la très glamour griffe italienne, a été repensée de manière plus dynamique. Inspirées par un rêve d’îles tropicales et d’océan immense, les créations de Versace Sport confèrent à la nonchalance un luxe joyeux tandis que les matières employées (Nylon ultra-light, coton imperméable, néoprène, daim, simili-cuir, etc.) garantissent un confort sans failles. Fidèles à leurs racines (performance, innovations textile et technologique, solidité, aérodynamisme, confort, etc.), les grandes pointures du vêtement de sport se greffent de nouveaux branchages (subtils camaïeux de couleurs, superbes touchers textiles, détails et coupes très féminines pour cause de sportswear sexué, collusion avec le streetwear des divas du rap ou du hip-hop, allusion au city wear des nouvelles businesswomen pas vraiment guindées, et même clin d’oeil aux années 1960 et 1970) afin de se composer une allure qui file à toute allure. En 2001, il est donc permis, voire indiqué, de séduire en sportswear: collections craquantes  » only for women  » chez Nike, ligne haute en couleur et un brin hippy chic chez K-Way alias  » l’as du coupe-vent zippé « , vestiaire pour une demoiselle vif-argent selon Reebok, bimbos bien dans leur peau chez le spécialiste du surf Quiksilver, reines des plages pas du tout débraillées chez O’Neill, silhouettes profilées sous la bannière à trois bandes d’Adidas qui lance, entre autres, son polo Anatomically Placed Precision (3), Diane chasseresse d’élégantes chez l’italien Superga, performante et pulpeuse chez Perry Ellis dont les chaussures de sport ont fait craquer tous les branchés d’Occident, citadine dynamique partagée entre shopping et course à pied chez la griffe anglaise Boxfresh…Utile et futile Bref, la sportive du XXIe siècle et, plus largement, la femme qui bouge au quotidien auront sous la main tout ce qu’il faut pour enchaîner triple salto et déhanchement façon Ava Gardner dans  » Mogambo « . Même le fameux crocodile du label Lacoste, plutôt catalogué BCBG jusqu’ici, a été remis au goût du jour par le styliste Gilles Rosier. Et à partir du printemps-été 2002, Mister Croco possédera un museau encore plus affûté grâce au crayon du créateur Christophe Lemaire pour qui le sportswear urbain mâtiné d’allure pointue n’a plus de secret (lire aussi notre article  » Coup de jeune  » en pages 64 à 68). N’en déplaise au mensuel  » Vogue France  » qui, dernièrement, contestait la puissance du vêtement fonctionnel alors que, selon lui, la mode n’a d’authentique objectif que celui d’être gracieusement superficielle et de ne servir à rien (4), le sportswear féminin se permet dorénavant d’être simultanément futile et utile, coquet et efficace. Les concepteurs et conceptrices de cette élégance bondissante ont-ils été inspirés par leurs célèbres prédécesseurs (la maison Hermès, cheval gagnant dans la course à la mode mais aussi le tennisman René Lacoste et le marquis Emilio Pucci, styliste génial et skieur émérite) qui furent, entre le début des années 1920 et l’aube des fifties, les géniteurs de l’habit de sport chic et classe? Probablement… Mais le sportswear nouvelle vague est surtout en train de se ménager un espace spécifique dans le grand territoire du prêt-à-porter. Pourvu d’une identité forte et d’une histoire remarquable (les  » papas  » de Nike et Reebok, par exemple, ont réalisé de fabuleuses success stories en partant de presque rien et à la force du poignet), servi par des figures quasi mythiques et des ambassadrices charismatiques, le sportswear d’aujourdhui se démarque, en aval, des méga-chaînes de vêtements bon marché et en amont, des lignes  » sporty-chic  » proposées par les caciques de la mode branchée. Prouvant ainsi qu’au temps de la collégialité tous azimuts des tribus du style et du mélange des genres, l’individualité et l’originalité, en matière de mode comme de société, n’ont pas l’intention de rester sur le banc de touche.

(1) Sources: Nike research division & Institute for Arthroscopy and Sports Medicine (San Francisco).

(2) La Belge Dominique Monami-Van Roost était l’une des égéries d' » Objects of Desire « , la campagne de Nike pour l’été 2000.

(3) Adidas, toujours au faîte et au fait des tendances, lance l’APPrecision Polo doté d’une manche courte et d’une manche longue afin de calibrer au mieux l’énergie des tennismen. Aussi programmée, la première ligne  » active-wear  » pour futures mères!

(4) Selon Sonia Rachline dans le  » Vogue  » d’octobre 2000.

Marianne Hublet

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