A l’aube de la sortie très attendue de  » Star Wars – Episode II « , Weekend Le Vif/L’Express vous offre en exclusivité les modèles d’une haute couture intergalactique. Rencontre avec Trisha Biggar, costumière en chef du film.

Encore un peu de patience. Dans une poignée de jours, le 17 mai exactement, l’un des événements cinématographiques les plus attendus de l’année 2002 fera vibrer toutes les salles du monde entier. Ce jour-là,  » Star Wars -Episode II « , sous-titré  » L’Attaque des clones « , entamera, en effet, une sortie planétaire, usage plutôt rare dans l’industrie actuelle du cinéma, mais stratégie cohérente dans le cadre précis de cette saga interstellaire.

Si le secret est toujours bien gardé quant au déroulement précis de l’histoire proprement dite, Weekend Le Vif/L’Express a eu le privilège de recueillir le témoignage de la costumière en chef du film, ainsi que quelques images inédites des modèles portés par la séduisante Natalie Portman. Pour cet épisode II, pas moins de 120 personnes ont travaillé pendant plusieurs mois à la confection des 1 500 costumes nécessaires à l’intrigue du film. Au sommet de cette impressionnante pyramide vestimentaire : l’Ecossaise Trisha Biggar dont le parcours professionnel a sillonné le monde du théâtre et de la télévision, avant de s’aventurer dans l’univers du cinéma en général et de  » Star Wars  » en particulier. Sur sa carte de visite se trouvent déjà les fameuses robes des épisodes I et II. Et bientôt, la créatrice de costumes se mettra à nouveau au travail pour l’épisode III prévu à la fin de l’année 2003.

Weekend Le Vif/L’Express : Les costumes du prochain épisode de  » Star Wars « , notamment ceux portés par Natalie Portman, semblent étonnamment imprégnés d’une atmosphère médiévale. Partagez-vous cette impression?

Trisha Biggar : Certains costumes peuvent, en effet, dégager cette impression. Je pense notamment à la robe jaune portée par Natalie Portman qui peut suggérer ce genre d’idée médiévale, mais tous les costumes n’ont pas été inspirés par cette période de l’Histoire. L’influence et les références sont multiples : ce sont différents pays, différents groupes ethniques et différentes périodes dans le temps qui donnent l’inspiration.

Mais d’une façon générale, on a le sentiment que les costumes du nouveau  » Star Wars  » sont plus tournés vers le passé que vers le futur. Ils n’ont pas cette dimension futuriste qui enrobe généralement les films de science-fiction…

 » Star Wars  » n’est pas vraiment un film futuriste. En tout cas, il ne l’est pas pour moi. Quand vous lisez le texte qui défile au début de chaque épisode, il n’évoque jamais le futur, mais plutôt une galaxie très lointaine. Cela pourrait être un monde parallèle, voire même notre galaxie dans le passé. Donc – et c’est ça que je trouve très bien -,  » Star Wars  » n’est pas un film futuriste. Voilà pourquoi j’ai pu utiliser des références à plusieurs cultures de notre monde situées à différentes périodes de l’Histoire en les réinterprétant ensuite à ma manière. J’ai donc puisé dans le passé de notre planète, dans la culture de différents pays, pour donner ensuite ma vision personnelle. La majorité de l’inspiration vient donc de l’art et de notre histoire.

Justement, à propos de l’inspiration, étiez-vous totalement libre ou George Lucas vous a-t-il imposé une ligne directrice?

Je n’avais aucune contrainte. Et c’est ça qui était fantastique! George Lucas a une connaissance pointue de l’histoire de l’art et un intérêt dans les cultures du monde. Il m’a laissé faire. J’étais absolument libre…

Mais il y avait tout de même les contraintes imposées par la première trilogie! Vous deviez repecter une certaine logique…

Oui, en effet. J’avais travaillé sur l’épisode I et il est vrai que, pour ce premier épisode comme pour le suivant qui va bientôt sortir sur les écrans, l’ambiance vestimentaire devait naturellement se fondre dans celle de la première trilogie qui est censée se passer après. Donc, effectivement, j’ai été influencée par cela. On a dû travailler d’une manière rétrospective sur les costumes des Jedi. Car il doit y avoir une continuité de l’épisode I à l’épisode VI. Cela dit, le tout premier  » Star Wars  » tourné, qui est l’épisode IV en fait, se déroule principalement sur la planète Tatooine qui est plus aride et un peu à l’écart des autres planètes. Or les premiers épisodes se passent surtout sur d’autres planètes plus riches et davantage liées au pouvoir. Inévitablement, cela se ressent sur les costumes…

Quel fut le costume le plus difficile à réaliser pour cet épisode II?

Je ne pense pas que l’on puisse parler en ces termes. Il n’y avait pas vraiment un costume en particulier qui était difficile à réaliser. En revanche, je dirais qu’il y avait certains groupes de costumes comme ceux du personnage de Padmé Amidala, incarné par Natalie Portman, qui étaient plus élaborés et qui exigeaient plus de style. Nous avons dû créer, par exemple, des matières pour certaines robes, faire des broderies pour d’autres, mais franchement, il est impossible d’épingler un seul costume plutôt qu’un autre comme étant le plus difficile.

Précisément, les costumes de Natalie Portman semblent avoir été dessinés dans un style très romantique. Etait-ce pour mieux souligner l’histoire d’amour qui est très présente dans le nouvel épisode?

Pour cet épisode II, George Lucas voulait que le personnage de Natalie Portman soit moins formel et moins cérémonial. Il est vrai qu’elle n’est plus reine. Elle peut donc être plus féminine. Souvenez-vous, dans l’épisode I, elle était plus cérémoniale. Elle avait d’ailleurs un maquillage très élaboré. Ici, elle peut être moins formelle. On la voit d’une manière plus réaliste, plus féminine, voire même plus sexy. Les costumes suivent donc l’évolution du personnage. Et c’est ce qui est aussi intéressant dans  » Star Wars  » : on voit les personnages grandir, évoluer et c’est assez excitant.

Un seul costume nécessite souvent de nombreux jours de travail pour n’apparaître parfois que quelques secondes à l’écran. N’est-ce pas trop frustrant?

Il est vrai que j’aimerais parfois voir certains costumes à l’écran un petit peu plus longtemps! Mais les costumes sont d’abord faits pour l’histoire. Donc, d’une certaine façon, vous savez dès le départ que vous n’en verrez qu’une toute petite partie. Mais la plus belle chose à propos de  » Star Wars « , c’est qu’il y a un tel intérêt pour le film que, de toute façon, l’on verra des photos des costumes en dehors des salles : dans les journaux, dans les magazines, dans certains reportages à la télévision… Cette interview en est d’ailleurs la preuve! En plus, tous les costumes sont conservés dans un même building en Californie et c’est bon de savoir qu’ils peuvent être vus d’une autre façon.

Dans le tout premier  » Star Wars  » réalisé en 1977, on ressent malgré tout une influence latente des années 1970, notamment à travers les costumes du film. La mode actuelle peut-elle également vous influencer dans votre travail?

Pas tellement. A vrai dire, je ne pense pas être influencée par la mode. En revanche, ce qui est intéressant de constater, c’est que la mode est elle-même toujours influencée par des grands événements, des artistes et des films. Dans l’épisode II, il est amusant de constater qu’il y a beaucoup de liens qui peuvent être faits avec la mode d’aujourd’hui, alors que les costumes ont été imaginés il y a deux ans déjà. Il y a beaucoup de broderies, de blouses flottantes, de choses légères… Cela arrive souvent. L’inspiration peut venir des décennies précédentes, se retrouver dans un film et rejaillir ensuite sur la mode actuelle.

A ce propos, n’avez-vous jamais eu l’envie, en tant que costumière, de réaliser votre propre collection de vêtements pour une femme actuelle?

Non, je n’y ai jamais pensé. J’aime la mode. J’admire énormément les créateurs de mode et je pense qu’il doit être très difficile d’imaginer des vêtements pour la vie de tous les jours. Je considère d’ailleurs que c’est aussi de l’art, mais c’est quelque chose de tout à fait différent du métier de costumière pour le cinéma. Les costumes de films, qu’ils soient historiques ou actuels, ne sont portés que pour un laps de temps très court. Les acteurs ne doivent faire qu’un nombre de choses très limité avec ces vêtements. Parfois, ils ne doivent même pas s’asseoir et on conçoit donc le costume en conséquence. Je pense vraiment que la mode et la création de costumes sont deux choses totalement différentes. Les attentes ne sont pas les mêmes. En ce qui me concerne, mes costumes ne doivent jamais être pratiques, sauf peut-être pour les scènes de combat.

Quel challenge serait le plus excitant pour vous : un nouvel épisode de  » Star Wars  » ou un film historique comme  » Titanic « ?

Je pense que  » Star Wars  » est un projet fantastique. Je suis terriblement chanceuse de pouvoir être impliquée dans ces films parce que, quelque part, il n’y a pas de limites. En revanche, dans les films historiques, qui sont très excitants aussi, il y a des limites. Il faut être en accord avec l’époque et la vérité historique. Dans  » Star Wars « , l’imagination ne connaît pas de frontières et c’est vraiment très amusant. Certes, il y a quelques limites imposées par le scénario, mais, globalement, je suis libre de faire ce que je veux. D’ailleurs, je vais bientôt commencer à réaliser les costumes de l’épisode III. Cela va m’emmener jusqu’à la fin de l’année 2003 et ensuite, je prendrai un peu de repos bien mérité.

Etes-vous confiante pour les prochains oscars?

Oh! Je n’y pense pas une seconde! Honnêtement, cela n’a jamais fait partie de mes préoccupations. Si je vivais aux Etats-Unis, peut-être penserais-je différemment. Mais en tant qu’Européenne, je ne base pas mes aspirations là-dessus. C »est vrai que, ces dernières années, pas mal de créateurs de costumes britanniques ont été récompensés, mais franchement, cela ne me préoccupe pas du tout.

Propos recueillis par Frédéric Brébant

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