Le compositeur est né dans les faubourgs de Varsovie, en 1810. Ce bicentenaire est l’occasion de le redécouvrir au travers d’un musée flambant neuf et d’une balade dans les rues de la capitale polonaise.

Frédéric Chopin n’a vécu à Varsovie que les vingt premières années de sa vie, avant de s’exiler en France où la phtisie laryngée allait le tuer en 1849, à l’âge de 39 ans. Et pourtant, les souvenirs liés à sa vie et à son £uvre y foisonnent. Entamée en 1899, l’immense collection (la plus grande au monde) de manuscrits, lettres, partitions, documents iconographiques et objets personnels fut gérée par l’Institut Frédéric Chopin, établi dans un ravissant palais en plein c£ur de la ville. Élevé à la fin du xviie siècle par le duc Ostrogski, rasé en 1944, il fut reconstruit à l’identique après la Seconde Guerre mondiale. En prévision des célébrations du 200e anniversaire de la naissance de Chopin, il a été décidé de transformer le palais en musée, d’y imaginer une scénographie alléchante et moderne afin de rendre la collection accessible à tous les publics. Sous la baguette d’un duo d’architectes milanais, Ico Migliore et Mara Servetto, la bâtisse a subi un fantastique lifting intérieur et le défi de  » montrer la musique  » a été relevé avec maestria.

Un musée high-tech

Le flamboyant musée Frédéric Chopin, inauguré en mars dernier, se déploie sur quatre niveaux dont deux en sous-sol et se targue d’être l’un des plus modernes au monde. Les architectes y ont intégré un dispositif technologique audiovisuel interactif le plus pointu du moment, censé amplifier les émotions au niveau des trois sens : la vue, le toucher et l’ouïe. Le visiteur reçoit une carte à puce qui sert de ticket et de clé ouvrant les différents éléments de l’exposition. La technologie RFID (Radio Frequency Identification) incorporée dans la carte permet d’encoder la langue (il y en a huit, dont le français) et de personnaliser la visite en choisissant le niveau du récit. Celui-ci est adapté aux enfants, aux adultes  » débutants  » et  » avancés  » et aux malvoyants. Pour feuilleter des albums photos ou des partitions, pour écouter une valse, bref pour ouvrir  » les paysages visuels et sonores  » de son choix, il suffit donc d’effleurer avec la carte l’un des innombrables écrans tactiles.

L’espace n’est pas cloisonné et il y a des moments où mazurkas, préludes, polonaises et nocturnes se mélangent dans une joyeuse petite cacophonie. Peu importe. On apprend tout sur la vie, la famille, la musique et les amours du compositeur. Cette scénographie futuriste fait grincer les dents des mélomanes purs et durs, certes. Les installations high-tech se marieraient mal avec la mélancolie et le romantisme de Chopin, avec ses  » doigts de velours « , son piano évanescent, ses états d’âme et ses clairs de lune. Mais le propos du musée est bel et bien d’inscrire Chopin dans le xxie siècle, de faire connaître sa musique aux (très) jeunes qui, comme partout ailleurs, boudent le classique au profit d’autres sons. Et ce grâce aux moyens qui leur  » parlent « . Vu sous cet angle-là, l’objectif est parfaitement atteint.

Une promenade en musique

Varsovie célèbre aussi son compositeur préféré dans tout le centre historique de la ville, peaufiné, pimpant, et repeint de couleurs baroques originelles.  » Relais de Chopin  » est un nouvel itinéraire de promenades multimédias qui fait le tour des endroits liés à la jeunesse du musicien. La balade est rythmée par quinze bancs sonores en pierre noire polie qui invitent au repos en compagnie de quelques notes de musique. Comme dans un juke-box, il suffit de pousser sur un bouton pour écouter le morceau de son choix.

Pour commencer, on déambule le long de la rue Miodowa. Bordée de jolies façades blondes, elle regorgeait jadis de maisons d’édition, de librairies de musique et de cafés où Chopin aimait à flâner. À côté, la place Zamkowy, estampillée de sa célèbre colonne du roi Sigismond iii de Pologne, est le point de départ d’une belle promenade le long du Faubourg de Cracovie et de la rue Nowy Swiat (rue du Nouveau Monde), itinéraire préféré du compositeur. Au 46/48 du Faubourg, on admire le Palais des Radziwill (aujourd’hui résidence du président de la République) où le petit virtuose âgé de 8 ans a donné son premier concert public. Au 26/28, on pénètre dans l’entrelacs de cours et d’impasses du vaste Palais Kazimierz (actuelle Université de Varsovie) abritant autrefois le lycée où Chopin décrocha son diplôme avec mention. Au numéro 5, dans le Palais Czapski (siège de l’Académie des beaux-arts), dernière résidence de la famille dans la capitale (1827-30), Chopin joua pour la première fois ses concertos célèbres. Juste à côté, à l’église de la Sainte-Croix, se trouve le c£ur du compositeur, enchâssé dans une urne, amenée de Paris où il est décédé, par sa s£ur Louise, selon ses dernières volontés.

L’allée Ujazdowskie abrite dans ses jardins des maisons nobles qui sont des ambassades et des ministères. Le parc Lazienki et son palais sur l’eau, résidence d’été du dernier roi de Pologne et chef-d’£uvre de l’architecture classique, est le clou de ce  » salon vert « . On y découvre le plus célèbre monument à Chopin : on le voit alangui sous un saule pleureur, arbre emblématique de la campagne environnante qui l’a vu naître. En été, les mélomanes s’y donnent rendez-vous tous les dimanches pour écouter des récitals en plein air.

Cap, enfin, sur le village de Zelazowa Wola, situé à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de Varsovie. Le Français Nicolas Chopin, professeur de littérature française au Lycée de Varsovie, y emménagea avec sa jeune femme polonaise dans un élégant manoir. Frédéric y est né le 1er mars 1810. Sept mois plus tard, la famille quitta définitivement les lieux pour s’installer à Varsovie. Au début du xxe siècle, une poignée de bénévoles ont aménagé la demeure en musée en  » imaginant  » un décor qui aurait pu être celui créé par les Chopin. Cette reconstitution approximative vient d’être remise à plat. Désormais, on vise la rigueur. En l’absence de toute source  » scientifique  » fiable, les responsables actuels planchent sur une mise en scène plus symbolique, se limitant à des expositions de photos et de souvenirs de la famille dont l’authenticité est certifiée. La  » marque de fabrique  » de Zelazowa Wola sera, elle, maintenue : ses célèbres concerts auront toujours lieu en période estivale, entre mai et septembre.

Par Barbara Witkowska

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