Le 20 avril prochain, la seconde édition du Land Rover G4 Challenge partira de Bangkok. L’occasion pour 18 participants triés sur le volet de montrer leurs aptitudes à affronter les pires situations en 4×4. Un gagnant sera désigné le 21 mai prochain à l’arrivée en Bolivie… Petit avant-goût très soft de cette compétition où obstacles et débrouillardise ont les rôles principaux.

La formule n’est pas neuve : un groupe de jeunes gens se retrouve lâché dans la jungle, au volant d’une Land Rover, avec le matériel indispensable pour relever un maximum de défis… Un défi au parfum de déjà-vu puisque ce Challenge G4 est le successeur du Camel Trophy dont la disparition, après l’interdiction de la publicité pour le tabac, avait laissé un vide. Très vite, chez Land Rover, fournisseur attitré du matériel destiné au Camel Trophy, quelques passionnés ont caressé l’idée de mettre sur pied un événement similaire. La première édition eut lieu en 2003 et vit la victoire d’un Belge, Rudi Toelen. Place aujourd’hui à la deuxième édition, avec de nouveaux challenges et la découverte de la Thaïlande, du Laos, du Brésil et enfin de la Bolivie. Le tout agrémenté d’une multitude d’épreuves. Weekend Le Vif/L’Express a voulu, aussi, découvrir l’événement de l’intérieur. Départ pour la Bolivie et la ville de Santa Cruz de la Sierra à la découverte en avant-première du parcours.

Sur les routes et les pistes boliviennes

Premières impressions et premiers chocs : Santa Cruz révèle des côtés surprenants et inattendus. Juste après l’aéroport, la route vers l’hôtel laisse entrevoir des paysages évoquant… Las Vegas. On y trouve pêle-mêle un Caesars Palace suivi d’un gigantesque centre de karting avec des jeunes rassemblés autour de radios portables trônant sur leurs voitures à l’arrêt. Une marée de voitures envahit également nuit et jour le centre-ville.

En matière de G4, les choses sérieuses commencent dès le lendemain matin. Quatre voitures attendent les aventuriers de quelques jours : un nouveau Discovery et trois Land Rover Defender à châssis long – un modèle considéré depuis longtemps comme le plus solide de la marque. A quelques kilomètres à peine de Santa Cruz, une ville de plus d’un million d’habitants, le paysage se modifie rapidement, faisant place à un univers de simplicité et de pauvreté, au décor de huttes couvertes de branchages et de feuillages entourées d’une multitude d’enfants au regard curieux. Finies les routes, place à la piste, relativement praticable grâce à la sécheresse mais cependant creusée de profondes ornières. Un terrain que le Discovery aborde avec beaucoup d’entrain, tout au moins lorsque le conducteur choisit, au moment opportun, l’option  » terrain response « . Peu à peu le terrain se fait plus rude ; les différences de niveau s’accentuant, les coteaux boisés succédant aux vallées couvertes de forêts aux arbres immenses, tantôt denses, tantôt calcinés, parfois même encore fumantes. Dans un village sans nom, la route se retrouve soudainement barrée par un grand camion dans lequel quatre hommes tentent en vain de faire monter un taureau à l’aide d’une corde qu’ils lui ont passée autour du cou. L’animal se laisse tomber sur les genoux, se coince lui-même entre les rochers. Et le convoi passe…

Durant toute la journée, les quatre voitures progressent avec peine à travers sable et lits de rivières. Le convoi et ses passagers finissent par arriver, au cours de la soirée, à Samaipata, un village tout droit sorti d’un livre de Gabriel García Márquez. Haut en couleur et d’allure très traditionnelle, on découvre cependant, dans un petit magasin de crèmes glacées, un service de connexion Internet.

Le lendemain, peu après notre départ, le guide désigne une chaîne de collines sur laquelle on aperçoit deux pistes.  » Nous allons emprunter la plus raide des deux « , annonce-t-il avant de marquer une pause pour mieux mesurer notre réaction. Et cela se comprend : jamais encore, de mémoire d’automobiliste, il nous a été donné de voir une côte aussi raide. En réalité, il n’existe même pas de chemin. Cela ressemble davantage à une paroi rocheuse avec des amas de gros cailloux. Au volant du Discovery, il n’existe qu’une seule option : sélectionner le programme  » rochers et cailloux  » et la première vitesse. En dosant les gaz, les pneus semblent chercher une prise, la voiture se positionnant chaque fois avec aisance entre les rochers. Impressionnant !

Le voyage dans la montagne n’en finit pas. Les virages s’enchaînent par dizaines. Très vite, l’air se fait plus rare, tandis que le soleil décline rapidement. Il est temps de s’arrêter dans le village de La Higuera, où quelques maisons se drapent dans l’obscurité, tandis qu’une seule bougie brûle dans la petite épicerie qui fait aussi office de café. Ce village est entré dans l’Histoire, un certain soir d’octobre 1967.

Manuel Cortez assure l’accueil. D’aspect aimable, cet homme mince au teint pâle, arborant une moustache noire et un chapeau, a un regard qui reflète toute sa bonté naturelle. L’homme sait déjà pertinemment ce que les participants de cette expédition vont lui demander… La même question que chaque étranger de passage lui pose. Comme il s’avère impossible d’entamer une conversation chez lui – il n’y a qu’une pièce où dort sa vieille tante malade -, il nous déniche un endroit dans la petite épicerie et nous parle d’un mythe : le Che.

 » La première fois que j’ai vu le Che, c’était le 25 septembre 1967. Lorsqu’il est venu acheter des feuilles de coca en compagnie de quelques Cubains armés. Les villageois avaient peur de lui. Il y avait tant d’histoires qui circulaient à son sujet et le bruit courait qu’il était un homme méchant. Le jour suivant, durant la fête, le Che et ses hommes sont descendus en grand nombre des montagnes où ils se terraient, et ont acheté un cochon qu’ils ont découpé en deux, se réservant une moitié et offrant l’autre aux villageois. Il a dit que nous n’avions pas à avoir peur, que le combat qu’il menait était en faveur du peuple, puis il a à nouveau disparu.  » J’avais 20 ans, continue-t-il, et je ne connaissais rien à la politique. La propagande était contre le Che et ce n’est qu’après sa mort que nous avons réellement pris conscience qu’il était un héros. Quelques semaines après l’épisode du cochon, quelques-uns de ses compagnons ont été tués ici, dans les environs, et des hélicoptères sont apparus. Le lendemain, des soldats ont amené le Che dans le village. Il avait été blessé par balle et saignait. Les soldats l’ont laissé devant l’école durant une heure, comme s’ils voulaient nous convaincre qu’il était enfin en leur pouvoir. Après quoi, ils l’ont enfermé dans l’école et ce fut le silence. Le jour suivant, je me trouvais dans mon jardin qui jouxte l’école, lorsque j’ai vu passer deux soldats portant chacun deux verres de bière. A leur retour, j’ai entendu l’un d’eux demander qui s’en chargerait, puis l’autre répondre que cela n’avait pas d’importance. Ils se sont ensuite glissés à l’intérieur de l’école, quelques coups de feu ont retenti et nous avons été invités à aller contempler la scène : le Che, étendu mort à terre, les yeux encore ouverts. Nous étions le 9 octobre 1967…  »

Il est presque minuit lorsque nous regagnons la vallée. La journée a été trop longue et les émotions, trop intenses. Quelqu’un a dressé les petites tentes orange dans le lit asséché du Rio Grande. Coiffés de lampes Petzl, les aspirants baroudeurs s’accroupissent autour de l’une des Defender pour déguster une portion de haricots mexicains agrémentés de viande. Ici, la nature semble avoir tous les droits. La sensation de retourner à l’état naturel étreint l’être humain, faisant tomber une à une les règles oppressantes de la société et le vernis superficiel de la civilisation. Une brève nuit de sommeil et il est temps de reprendre la route : direction Sucre. A 2 800 mètres d’altitude, il fait plutôt frais mais la cité de 230 000 habitants arbore une allure plutôt pimpante, elle que l’on surnomme la cité blanche et qui fait partie depuis 1991 du Patrimoine mondial de l’humanité. Capitale constitutionnelle du pays, elle offre de charmantes ruelles à l’éclairage public inégal, héritage de la cité coloniale et un insolite marché du soir. Une dizaine de musées consacrés au thème du baroque bolivien permettent aux visiteurs de se faire une idée de la richesse culturelle du pays. Mais, déjà, il est temps de regagner Santa Cruz et ceci d’une traite – un trajet de près de quatorze heures à travers des paysages spectaculaires de canyons et de cactus, de fêtes de villages et… d’un soleil qui décline chaque jour brutalement…

Reportage: Pierre Darge

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