Quand India Mahdavi, Christian Biecher, Christian Ghion et Christophe Pillet, quatre designers français très en vue, se piquent de décorer une table d’été à leur image, le résultat ne manque ni de style ni de panache. Tous en terrasse !

Q uelques rayons de soleil suffisent parfois à transformer un simple repas partagé en famille ou entre amis en une véritable fête. Mais lorsque des créateurs de renom mettent les petits plats dans les grands pour dresser la table, la surprise et le rêve sont au rendez-vous. Avec la complicité d’India Mahdavi, de Christian Ghion, de Christian Biecher et de Christophe Pillet, Weekend vous invite à Paris pour découvrir des tables d’été originales et élégantes, nichées dans des endroits au charme fou. Ces mises en scène agrémentées de mobilier design et d’accessoires chics aux couleurs chocs ont été pensées rien que pour le plaisir des yeux…

Sur une terrasse, l’élégant dîner d’India Mahdavi.

A l’image de ses créations, India Mahdavi a imaginé une table simple et élégante, avec des objets venus des quatre coins du monde. Ses créations aux lignes pures et douces se dévoilent aussi bien dans des boutiques, des restaurants, des hôtels de luxe ou encore des lieux uniques comme le  » APT « , un bar-lounge new-yorkais conçu comme un appartement. Sa collection de mobilier est désormais présentée dans une nouvelle galerie dans le VIIe arrondissement de Paris.

Comment avez-vous imaginé votre table ?

C’est un dîner en tête à tête, très léger, avec une vue carte postale sur Paris d’où l’on peut entendre le bourdonnement de la ville.

L’organisation de la table et de la cuisine a considérablement évolué, comment la voyez-vous ?

Je déteste les salles à manger classiques, je préfère l’idée d’une table que l’on peut déplacer pour pouvoir recréer une ambiance, l’idée d’avoir plusieurs endroits pour déjeuner ou dîner dans la maison. Aujourd’hui, on se met à table de façon moins formelle. Il y a une répercussion directe sur le dessin des objets.

Qu’avez-vous réalisé dans le domaine des arts de la table ?

Je n’ai pas encore réalisé de collection mais cela m’amuserait beaucoup ! Dans mes intérieurs et mes décors, je conçois des compositions très simples ponctuées de taches de couleurs qui accrochent le regard. Il en est de même pour les tables. Je pars d’une base avec des assiettes blanches pour la plupart des tables que je dresse. En fonction du dîner ou du déjeuner, elles peuvent devenir chics ou rester simples avec, toujours, ces touches de couleur. A New York, dans le restaurant que je suis en train de réaliser, il y a du bois et des tons neutres dans les beiges et les roses pâles, et j’ai rehaussé le décor avec des petits éléments, comme le menu, de couleur vive, vert gazon. n

Dans un petit écrin de verdure, le dîner de copains de Christian Biecher.

Ce touche-à-tout voyage aux quatre coins du monde mais surtout en Asie ! Après les packagings du pâtissier star Pierre Hermé, le restaurant du musée des Arts décoratifs, le salon vidéo du pavillon de l’Arsenal, à Paris, Christian Biecher vient de terminer un luxueux grand magasin à Tokyo, de dessiner le flaconnage du nouveau parfum féminin de Lancôme (sortie prévue en septembre prochain) et réalise, toujours à Tokyo, la première boutique, de la créatrice de bijoux en vogue, Marie-Hélène de Taillac.

Comment avez-vous imaginé votre table ?

Je l’ai faite comme d’habitude avec mes couleurs fétiches rouge et orange et j’ai choisi les sets de table bleu ciel parce que c’est l’été. Quand il fait beau, on sort la table dans la cour avec des amis.

L’organisation de la table et de la cuisine a considérablement évolué, comment la voyez-vous ?

On est passé d’un certain formalisme à quelque chose de beaucoup plus ouvert. Je l’ai vu en travaillant sur plusieurs projets de restaurants : chaque fois le choix de la vaisselle et l’aménagement de la table étaient une constante importante. De plus les gens voyagent davantage. Les nouvelles manières de se nourrir influencent les comportements. Aujourd’hui, on dîne aussi sur une table basse, par terre, assis sur des coussins.

Qu’avez-vous réalisé dans le domaine des arts de la table ?

J’ai plutôt réalisé des objets de décoration, comme cette coupe et ces vases en céramique. On peut les utiliser sur la table, comme ici. Je travaille aussi sur des objets en argent et en métal argenté. Dans le design, ce sont des objets nécessaires. Ils ont une fonctionnalité première par rapport aux besoins de l’homme. La nourriture est le premier véhicule de la culture. Ce sont de beaux sujets. Dans ce domaine comme dans le reste, j’aime les choses évidentes, les formes maîtrisées. Les verres  » Harcourt  » de Baccarat ont une géométrie éternelle. Ils fonctionnent autant avec des objets contemporains que le dessin de ces vieilles assiettes tunisiennes. Ces formes m’attirent. Je les mélange instinctivement. n

Dans une cour pavée du quartier du Marais, le festin de Christian Ghion.

Bon vivant, fin gastronome, il souhaiterait dessiner la maison autour de la cuisine. Pour Christian Ghion la table est un monde de plaisir, de partage, d’humanité, nécessaire. Le jeune designer s’apprête à créer une collection complète de meubles avec l’éditeur italien Driade et à collaborer avec le souffleur de verre italien Salviati.

Comment avez-vous imaginé votre table ?

Je l’ai imaginée à l’image des tables que je fais pour recevoir des amis à la maison. Je trouvais amusante l’idée de transposer, à l’extérieur, dans cette cour pavée du Marais, cette table, habituelle chez moi. Elle est festive et décalée. Malgré les apparences et la présence de beaux objets très chers comme le chandelier de Murano, il y a des objets basiques et simples. J’aime mélanger les genres et les choses

L’organisation de la table et de la cuisine a considérablement évolué, comment la voyez-vous ?

Je pense qu’on peut faire sa cuisine dans son salon et vice versa. J’ai vu une cuisine installée au centre du salon et tout d’un coup le repas et le rythme de vie devenaient complètement différents. Cela économise une pièce et les personnes qui cuisinent ne disparaissent pas, ils ne sont pas coupés des autres. C’est vraiment la fusion des deux qui m’intéressent et non pas juste une ouverture.

Quelles sont vos créations dans le domaine des arts de la table ?

Il y en a assez peu pour l’instant. Excepté cette collection de vaisselle en céramique présentée sur la table. Elle est éditée par Silvera et sera en exclusivité chez Food, à Paris. Et j’ai dessiné des objets autour du champagne comme un seau, une vasque, des flûtes. Ils seront vendus au grand public au mois de décembre prochain. J’ai très envie de dessiner d’autres collections et surtout des couverts. Malgré la multitude de propositions, ils ne sont pas très originaux, à part ceux de Paola Navone. n

Sur les quais de la Marne, le pique-nique urbain de Christophe Pillet.

Christophe Pillet n’aime pas passer à table et préfère les réunions informelles entre amis. Il balaye les conventions en imaginant des journées non rythmées par les heures de repas et une cuisine se résumant à un beau meuble fonctionnel comme celui des hi-fi. Il présentera sa nouvelle collection d’art de la table chez Bernardaud en septembre prochain et ouvrira cet hiver un hôtel dans le XVIe arrondissement de Paris.

Comment avez-vous imaginé votre table ?

J’ai essayé de cristalliser le moment avec l’idée du pique-nique, plutôt que me concentrer sur la composition de la table. J’ai envie de passer du temps avec des amis mais pas forcément l’envie de passer à table. Je trouve plus rigolo l’idée d’une table qui parle des gens, de la manière dont on peut les rassembler plutôt que de parler de la table elle-même. On n’est pas là seulement pour manger, on est là pour passer du bon temps.

L’organisation de la table et de la cuisine a considérablement évolué, comment la voyez-vous ?

Dans des espaces de plus en plus petit, il est archaïque de consacrer 12 m2 juste à la cuisine, surtout pour y faire cuire des £ufs deux fois par semaine. Les cuisines ont longtemps été fermées pour des raisons d’odeur, de bruits et de fumée. Aujourd’hui, en étant un peu imaginatif, on pourrait créer des cuisines aussi belles que des meubles hi-fi, par exemple, avec toute la technique nécessaire. Une cuisine moderne devrait être comme un meuble moderne. Il faut ouvrir les murs pour qu’elle devienne un élément de la pièce à vivre.

Qu’avez-vous réalisé dans le domaine des arts de la table ?

Une collection de vaisselle chez Bernardaud. La nouvelle collection sera présentée au salon  » Maison & Objet « , à Paris, en septembre prochain. C’est une aventure plaisante. Ce n’est pas une source d’inspiration mais plutôt un terrain de jeu. C’est intéressant de voir comment les techniques de ces grandes maisons peuvent être mises au service d’objets ou de comportements contemporains. n

Propos recueillis par Capucine Gougenheim

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