Comme un écrin chatoyant, la belle nature des premiers frimas habille ce festin de terrines. Des terrines fines et subtiles, relevées en sucré-salé par le chef Roger Souvereyns, et qui s’exposent telles des agapes forestières entre champignons et plumes de faisans.

C’ est un peu comme si la forêt s’était invitée à dîner avec, dans son sillage, tous les goûts et les saveurs de la terre en automne. Une table aux couleurs pourpres et or qui exhale des parfums de cèpes et de fruits mûrs, d’écorces et de mousse humide. Mais cette nature morte à la Chardin, avec ses coupes en étain, ses calices en verre soufflé de Bohême et quelques lapins mutins serait incomplète sans son plat de résistance. Où est le gibier ? Dépouillé, désossé, détaillé en lanières et mis en gelée, c’est dans une des plus anciennes recettes de cuisine, la terrine, qu’il s’est réincarné. Mais des terrines particulièrement originales et aériennes, sorties de l’imagination féconde du chef cuisinier Roger Souvereyns, qui régna autrefois sur le grand restaurant Scholteshof à Hasselt.

Ce  » plat du pauvre  » est détourné de son origine modeste – ne pas perdre les restes de la semaine comme dans la préparation du hachis – pour se transformer en mets de premier choix. Les apprêts tiennent de la haute gastronomie, foie gras, faon, canard sauvage, perdreau et autres poule faisane sont cuisinés aux herbes. Les plats eux-mêmes proviennent de la collection personnelle de terrines anciennes de son épouse, la décoratrice Walda Pairon. Pas de hasard, ce sont ces plats en terre cuite aux formes étonnantes, glanés en France et en Italie au fil de leur chine, qui ont servi de point de départ à l’élaboration du banquet. Selon Walda, les objets de décoration doivent vivre, s’animer, le panier avec le pain, la vaisselle avec des mets, car un objet derrière une vitrine est un objet mort. Une philosophie que l’on retrouve dans leur demeure de Kalmthout, au nord d’Anvers, où les saisons laissent leur empreinte dans toutes les pièces de la maison et où  » les objets ont du c£ur  » selon les mots de la maîtresse de maison. Et aussi parce que les vrais plats en terre donnent à la cuisson des préparations culinaires un goût incomparable, que l’on ne retrouve pas avec des plats en verre à feu !

Chez ce couple aussi sympathique que créatif, tout est partition à quatre mains. Une fois les recettes de terrines choisies, que Roger élabore avec des produits de saison, elles sont accompagnées de confitures et divers chutneys qui jouent le sucré-salé et adoucissent l’intensité de la farce en bouche. Walda, elle, privilégie toujours les fruits pour leur contraste en goût, coings en pièce montée très François Ier et coupes en étain remplies de raisins, quetsches, figues, petites pommes d’amour et noix. Pour la beauté de la desserte, la nappe de taffetas de soie mordoré se pare de verres d’Europe de l’Est, de couteaux à manches de bois de cerf, de corne ou de bois de buis, d’assiettes en faïence à décor de scènes de chasse et d’argenterie ancienne. Une harmonie en teintes bois que viennent relever d’éclatantes compositions florales jaunes et orangées, tout juste cueillies au jardin.

Comme poussés sur de la bruyère, des champignons ont été façonnés dans de petits troncs bruts, à peine taillés, et les faisans empaillés jouent à cache-cache au milieu des fougères sèches.

C’est un banquet unique comme tout ce que Walda réalise et éphémère à l’image de la nature qu’elle honore. Tout le contraire des choses immuables comme les magasins de décoration que Walda déteste. C’est la raison pour laquelle sa maison-showroom se transforme au fil des saisons, accueillant en fin de semaine les visiteurs émerveillés. Comme une promenade dans le jardin secret d’une décoratrice généreuse et passionnée.

Recettes en pages 90.

Agnès Benoit

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