Je sais, cher et fidèle lecteur, je vous ai jusqu’à présent habitué à un humour subtil et raffiné, tout en nuances et en légèreté… Et voilà que je vous assène, ci-dessus, un piètre jeu de mots de bas étage pour tenter de vous faire avaler aujourd’hui un pavé – que dis-je – un parpaing de mauvaise réputation.

Vous vous rappelez certainement qu’il y a quelques semaines, j’ai entamé une croisade de réhabilitation de certains produits généralement haïs. Faisant fi du qu’en-dira-t-on, je me suis efforcée d’adoucir le regard sévère que, peut-être, vous portiez sur le ketchup. Me revoici aujourd’hui avec une substance si communément décriée en nos pays latins qu’en comparaison, la célèbre sauce rouge fait figure de produit encensé : j’ai nommé le beurre de cacahuètes.

 » Quoi ? Cette pâte immonde inventée par ces amerloques qui obésifient la population de la planète en diffusant de tels cauchemars diététiques ?  » Raté ! Ce  » beurre végétal  » est d’origine multiculturel : américain oui, mais aussi africain, où il agrémente de nombreuses recettes, ou encore indonésien, où il constitue la base liante de la traditionnelle sauce satay qui accompagne les brochettes. Les anciens colons néerlandais, séduits par cet ingrédient, l’ont ramené dans leur pays et l’ont adopté avec bonheur et sans chichis sous le nom de pindakaas. Sont-ils plus gros ou en moins bonne santé que nous ?

 » D’accord… mais c’est monstrueusement gras ! Non seulement c’est constitué d’un fruit oléagineux mais, en plus, on a le vice d’y ajouter de l’huile, ainsi que sucre et sel « , termine notre compatriote indigné tout en actionnant au-dessus de son cornet de frites au blanc de b£uf, la pompe à mayo et en houspillant le gamin pour qu’il achève fissa sa double tartine beurre-choco.

 » Ouais, raillez ! Il n’en reste pas moins que c’est proprement immonde ! ça colle au palais, les papilles en sont plâtrées pendant des heures après ingestion, on dirait du mastic mais on ne peut même pas s’en servir pour colmater les fissures de la salle de bains. « 

Là, je m’incline, car il s’agit d’une question de goût. Une personne qui m’est proche et qui, si elle manque peut-être d’indulgence ne manque pas d’humour, n’a-t-elle pas un jour qualifié cette pâte d’  » atteinte aux Droits de l’Homme  » ?

Je ne rétorque pas mais fais simplement remarquer qu’une saveur un peu  » sauvage « , il faut avoir grandi en sa compagnie. Ancienne écolière américaine, ma tartine du goûter recouverte de cet enduit sulfureux me comblait d’aise. Comprenez donc : les Anglais raffolent d’une certaine pâte à tartiner salée appelée  » marmite  » (prononcer  » marmaït « ) à base d’extrait de levure et de viande. ça ressemble plus ou moins à un cocktail d’Oxo et de Viandox très épais. Personnellement, je trouve ça… hum… enfin, vous comprenez, quoi… mais si, toute petite, ma Maman pleine d’amour en avait badigeonné ma tartine et me l’avait tendue avec des yeux gourmands qui me promettaient mille délices, ne serais-je pas aujourd’hui férue de cette barbare tartinade ? l

Un peu de diététique

Oui, le beurre de cacahuètes, c’est gras. Selon les recettes diverses, le taux de matière grasse oscille entre 50 et 75 % alors que le beurre et la mayo atteignent les 82 %, dont beaucoup de graisses saturées. Les graisses du peanut butter sont, par ailleurs, 100 % végétales et majoritairement insaturées. Et, si vous voulez vous la jouer light, adoptez le beurre de cacahuètes africain (100 % cacahuètes, et un tout petit peu de sel) ou, mieux encore, sa version bio (100 % arachides bio, sans sel ni sucre ajoutés). Seul inconvénient : comme il ne contient pas d’émulsifiant, l’huile surnage et il faut touiller avant utilisation. Très riche en protéines végétales, cette pâte est un atout précieux pour végétariens(-liens) de tout poil (ouh, encore un mauvais jeu de mots…)

En version 100 %, il est exempt de cholestérol et riche en oméga-3. Attention toutefois à l’adjonction de graisses hydrogénées et  » trans  » dans certaines versions : lisez les étiquettes.

… Et puis, comme dit mon éminente amie diététicienne, le Dr G. Padsellulit, le peanut butter ne fait pas grossir, au contraire : badigeonnez-vous donc cuisses et fesses de cette pâte huileuse, et vous vous  » glisserez  » sans peine dans votre jean slim préféré ! l

(*) Juliette Nothomb est aussi l’auteur de La Cuisine d’Amélie, 80 recettes de derrière les fagots (Albin Michel).

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content