Au centre de La Haye se cache une curieuse enclave japonaise, un jardin de thé dessiné au début du XXe siècle par une aristocrate néerlandaise globe-trotteur. Dépaysement assuré.

Carnet d’adresses en page 115.

Tapis de mousses, pièces d’eau constellées de lentilles, chemins de galets polis, petits ponts de bois rouge, lanternes de granit… Le jardin japonais classique. Et cependant unique. Car celui-ci ne se trouve pas à Kyôto mais au c£ur d’un parc boisé dans la capitale néerlandaise. Cette curiosité voit le jour au début du xxe siècle, grâce à une aventurière, la baronne Van Brienen, née en 1871, disparue en 1939. Grande voyageuse, fascinée par l’Asie, elle effectue plusieurs séjours au Japon dès 1895. Et y achète, avant de les expédier aux Pays-Bas par bateau, une kyrielle d’ornements caractéristiques des jardins zen : pavillon de thé, sculptures bouddhiques, lanternes chinoises (ishi-doro), tonneau à eau (tsukubai)… Propriétaire du domaine de Clingendael, à La Haye, elle entreprend de consacrer une partie du parc familial à la création d’un jardin japonais identique à ceux qu’elle a visités à Kyôto. Ce sera le premier du genre en Europe. Le plan respecte chacun des éléments qui figure dans la conception du jardin traditionnel : l’eau, métaphore du cours de la vie ; le minéral, avec les pierres de gué et les pas japonais ; le végétal, omniprésent dans la quête esthétique. Por-tiques et ponts de bois ponctuent les passages de ce parcours initiatique. La nature montre ici sa formidable capacité d’adaptation. Plus de cinquante espèces de mousses tapissent les rives des étangs et des ruisseaux. Les fleurs de lotus prolifèrent, les azalées japonica se prêtent avec grâce à la taille, les cerisiers et les érables dessinent au printemps et à l’automne un paysage d’estampes japonaises. Bordé par les allées du parc classique et les canaux de la ville, ce jardin de thé n’est pas très vaste. Mais ses contours doucement imprécis brouillent les notions d’espace, de lieu, de temps. Et lui confèrent une majesté paisible quasi abstraite. La baronne Van Brienen a réussi son pari fou : ce lieu est une invitation à la méditation qui respire la sérénité d’un jardin zen. Le long des sentiers sinueux convergeant vers le pavillon de thé, tout est signe : longues dalles de pierre pour franchir le seuil de la tranquillité, lanternes symboles de la connaissance, rochers évocateurs de péninsules, tonneau de pierre où coule l’eau purificatrice…

Dorénavant entretenu par la municipalité de La Haye, ce jar- din contemplatif est resté tel que l’avait rêvé sa créatrice. Préservant ses secrets, il s’ouvre un mois par an aux visiteurs.

Catherine Boissy

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