Barbara Witkowska Journaliste

Chanel, Louis Vuitton et Hermès. Leurs noms associent luxe, excellence, tradition et innovation. Leurs accessoires aussi fascinent les esthètes et inspirent les créateurs. Visite exclusive des ateliers de ces belles maisons parisiennes qui pratiquent l’art d’être unique.

L’accessoire ? Essentiel ! Un vent de création souffle donc en permanence sur les bureaux de style des grandes maisons de luxe parisiennes. Mais, l’innovation, seule, ne mène nulle part si elle n’est pas solidement ancrée dans la tradition. Ainsi, la vraie richesse de Louis Vuitton, d’Hermès et de Chanel, c’est le savoir-faire ancestral, l’adresse de bons artisans, ainsi que quelques secrets de fabrication qu’on a réussi à préserver et qu’on se transmet  » familialement « .

Chanel La joaillerie haute couture

 » Il faut beaucoup de sérieux pour réaliser le frivole « , aimait affirmer Mademoiselle Chanel qui ne supportait pas l’à-peu-près. Elle s’est toujours entourée d’artisans aux doigts d’or, triés sur le volet. Doués d’un savoir-faire ancestral, ils sont toujours la fierté de la maison. Cette obligation d’excellence, c’est une obsession chez Chanel : combiner un savoir-faire authentique, enraciné dans les mains d’artisans, allié aux technologies les plus pointues. Très attentive à ce que ces métiers précieux et irremplaçables ne tombent pas dans l’oubli, la maison a acquis plusieurs ateliers, dont les plus connus sont le brodeur Lesage, le bottier Massaro et le plumassier Lemarié, auxquels il faut ajouter l’Atelier Bouder, situé au c£ur de Paris, qui fournit les pièces de joaillerie les plus somptueuses.

L’histoire d’amour entre Coco Chanel et la joaillerie commence tout au début des années 1930. La grande nouveauté ? La Grande Mademoiselle aborde le bijou précieux non pas comme un joaillier, mais comme une couturière, une designer. Les pièces, très originales, sont transformables. Ainsi, un bracelet ressemblant à une frange, entièrement sertie de diamants, devient collier si on lui ajoute un clip. La comète et l’étoile sont les thèmes principaux de cette première collection. La pièce- phare ? Le collier Comète, sans fermoir, souple volute qui étincelle autour de l’épaule, enlace la nuque et dépose au creux de la gorge une étoile, montée sur platine et or blanc 18 carats, composée de 654 diamants. Symbole de beauté, de mouvement et de liberté, la comète deviendra l’emblème de la maison de haute joaillerie Chanel, inaugurée officiellement en 1993.

La réalisation des parures est donc confiée à l’Atelier Bouder. Aujourd’hui, l’ordinateur y a fait son entrée. C’est un outil incomparable pour réaliser des dessins en 3D et étudier la faisabilité de chaque pièce. Mais les techniques n’ont pas changé. Ainsi, la technique de la cire perdue s’avère toujours très précise pour conserver les volumes justes et parfaits. L’assemblage, le sertissage et le polissage sont effectués patiemment à la main. Ainsi, le fameux collier Comète, nécessite plus de neuf mois de travail, sans doute autant qu’en 1932.

Lors de son 70e anniversaire, en 2002, la maison a conçu la collection  » Bijoux de diamants « , entièrement dédiée au diamant. En vedette ? Une nouvelle version du collier Comète, encore plus extraordinaire et spectaculaire. Le collier Comète 2002 en or blanc 18 carats et 3 590 diamants est un long ruban fluide d’un mètre de long, entièrement articulé. Il s’enroule comme un lasso, sur les épaules, sur la nuque, autour de la taille et autour des hanches. Ses extrémités sont décorées de motifs amovibles et interchangeables prenant la forme du soleil, de la lune ou des étoiles. Son extrême simplicité et la désinvolture du geste pour le mettre en place contrastent avec la prouesse technique que représente sa réalisation exceptionnelle qui a demandé un an de travail ! Font partie de la même collection, la bague Comète, le pendentif et les motifs d’oreilles  » Poussières d’Etoiles « , inspirés par un galon dentelé utilisé comme ornement en couture, ainsi que la broche Etoile, le collier et le bracelet Franges et la broche Soleil, quatre rééditions de 1932. Ces pièces surprenantes et poétiques, cette apologie du diamant et de la lumière placent la joaillerie Chanel dans un contexte futuriste de créativité et de luxe intemporel.

Louis Vuitton 150 ans de rêve

En 2004, pour les 150 ans de la maison, les célèbres ateliers de Louis Vuitton, nichés à Asnières-sur-Seine, ont subi un formidable lifting. L’intervention quasi  » invisible  » de l’architecte Gilles Carnoy a permis d’agrandir les locaux de 1 000 m2. Dans ce bel ensemble lumineux, les artisans se concentrent, ce jour-là, sur la fabrication du Lockit,  » le  » sac de cet hiver qui se balance déjà au poignet de toutes les élégantes. Il a été dessiné, en 1958, par Suzanne Ozanneau, l’une des proches collaboratrices de Gaston Vuitton, le troisième de la dynastie. Elle l’a habillé de lignes pures et  » tendues « , s’évasant légèrement vers le haut, l’a pourvu d’une fermeture à glissière arrondie et l’a terminé par un cadenas, pour protéger son contenu. D’où son nom Lockit. Grand succès au début des sixties, le Lockit a été évincé, petit à petit, par de multiples concurrents, plus en phase avec l’air du temps. Aujourd’hui, il est relancé. Son look intemporel, ses formes nettes et pures s’inscrivent admirablement dans la mentalité de notre époque qui aspire plus que jamais à une élégance simple, chic et décontractée.

Dans sa version du IIIe millénaire le Lockit opte pour la toile Monogram ou encore pour le cuir Nomade. Il s’agit d’un cuir de vache, coloré dans le ton caramel cuivré, et moins fragile que le cuir naturel. Cette teinte chaude et chatoyante,  » qui va avec tout « , est obtenue grâce à un tannage secret avec des tanins végétaux. Au fil du temps, le cuir se couvrira d’une belle patine.

Le cuir est prédécoupé à la main. Puis l’artisan dépose les emporte-pièces pour obtenir les différentes parties du modèle. Ainsi, la découpe est nette,  » chirurgicale « , impeccable. Suivent les multiples et patientes étapes de l’assemblage. Enfin, le modèle est prêt à être cousu. Aujourd’hui, les machines hyperpointues et très précises assurent très bien cette tâche. Mais l’£il et la main de l’artisan inter-viennent à chaque instant. L’objectif de Louis Vuitton n’est pas d’offrir un produit 100 % fait main, mais un produit 100 % qualitatif. Pour obtenir le point d’arrêt irréprochable, par exemple, la machine ne garantit pas une qualité optimale. Alors on finit la couture à la main, avec le double n£ud. Les fils ne sont pas coupés mais brûlés, pour assurer une résistance à toute épreuve. Les tranches sont colorées manuellement, dans un grand souci de précision.

Le département des commandes spéciales est le plus spectaculaire et le plus passionnant. Ici, on réalise les souhaits les plus insolites et les plus inattendus. Toujours uniques. Toute commande acceptée (il y en a environ 450 par an) est réalisée à la main de A à Z par un seul artisan.

Passionnée de tradition, la maison Louis Vuitton est très attentive à tous les courants créatifs et artistiques qui dessinent le futur. Il y a quelques années, les plus grands stylistes, dont Vivienne Westwood et Azzedine Alaïa, se sont prêtés au jeu et ont donné leur vision, très personnelle, du style Vuitton. On peut aussi citer la collaboration avec l’artiste japonais Murakami, dont les modèles colorés et pleins de fraîcheur sont toujours parmi les best-sellers ès ventes. En ce moment, une exposition inédite,  » Icônes  » (*), montre des £uvres de neuf artistes de renom qui ont interprété les sacs mythiques de la maison. Quelques exemples ? La Suissesse Sylvie Fleury a créé une version hyperréaliste en bronze chromé et argent du modèle Keepall. Andrée Putman compte parmi ses ancêtres les frères Montgolfier. Elle leur rend hommage en habillant le Steamer Bag de damier noir et blanc et en le transformant en nacelle d’une montgolfière. L’Américain James Turrell a métamorphosé la malle Wardrobe en un écrin de lumière, visible à l’ouverture de la malle, sous forme d’un rayon de lumière tridimensionnel.

Hermès Des trésors d’imagination

L’atelier de Pantin, au nord de Paris, est l’un des douze sites de fabrication (tous situés en France) de la maison Hermès. Au sein de cette superbe architecture industrielle, on fabrique les sacs et la petite maroquinerie. Le jour de notre visite, les artisans s’activent à la réalisation de Paris Bombay, le dernier  » bébé « , considéré, déjà, comme le futur grand classique de la maison. Il a une forme joliment proportionnée, inspirée des sacs des médecins de campagne. Lorsqu’il est fermé, il a l’air très compact. Il suffit de tirer la fermeture à glissière pour que le soufflet se déploie généreusement et que le sac s’ouvre entièrement. Miracle ! D’aspect plutôt petit, il est alors capable d’accueillir toute la  » panoplie  » d’objets que les femmes aiment transporter. Le bonus supplémentaire ? Il est doublé de veau végétal naturel, donc très clair, pour que l’on puisse balayer, d’un seul coup d’£il, tout le contenu.

L’idée de ce sac ravissant, avec sa touche moderne et très design, vient de Ramesh, créateur au studio de prêt-à-porter D’apparence très simple, la réalisation du Paris Bombay, conçu en 2005, exige un savoir-faire inouï. Il arrive sur la table d’artisan sous la forme d’une petite caisse, contenant une trentaine de morceaux de cuir préformés. Le sac est monté à l’envers, comme le célèbre modèle Birkin, puis retourné. Sur la partie basse, on applique un renfort pour que la forme soit parfaite. Enfin, une doublure volante est glissée à l’intérieur. Elle a l’avantage d’offrir davantage de souplesse, par rapport à une doublure collée, plus rigide, mais elle présente une difficulté. Elle doit être parfaitement et très précisément ajustée avant d’être cousue contre la fermeture à glissière. L’autre difficulté consiste à bien aplatir toutes les coutures, trouver des astuces pour que les fils soient invisibles. Une fois de plus, le talent et l’expérience de l’artisan font des merveilles.

Chez Hermès, l’artisan n’est pas un  » simple exécutant « . Il s’implique à fond dans la réalisation de chaque nouveau modèle. Certes, le studio réalise le dessin, le bureau d’études examine sa faisabilité, mais une fois à l’atelier, le modèle évoluera sans cesse. But de l’opération ? Que le sac soit le plus joli et vieillisse le mieux possible. Les matières conseillées par le studio de création peuvent ainsi changer si l’atelier les juge trop fragiles ou trop rigides. Dans le cas de Paris Bombay, c’est la doublure qui a fait l’objet de modifications importantes. Au début, elle a été prévue uniquement en une seule pièce, ce qui ne posait aucun problème pour réaliser le petit modèle, de 27 cm de longueur. Très vite, il a été décidé de compléter la collection par des modèles plus grands. Les artisans ont dû déployer des trésors d’imagination pour adapter la doublure qui sera finalement réalisée en trois morceaux.

Chaque sac est confectionné du début à la fin par la même personne, dont il porte la signature. Elle sera la plus compétente pour le rafraîchir au bout de quelques années ou lui offrir un petit lifting. Paris Bombay se décline en quatre dimensions, 27 cm, 35 cm, 40 cm et 50 cm (ce dernier modèle étant finalisé dans l’atelier  » malles  » de la maison) et s’habille de veau Epsom, de vache liégée ou d’autruche. La palette de coloris est vaste : orange, bleu jeans, cognac, raisin, cyclamen ou tangerine. Réalisé dans la plus pure tradition artisanale, il est à la fois classique et moderne, susceptible de séduire une Parisienne chic, une jeune branchée de 18 ans ou un top model.

(*) Exposition  » Icônes  » à l’espace Louis Vuitton, 60, rue de Bassano, à 75008 Paris. Jusqu’au 31 décembre prochain.

Barbara Witkowska

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