Dans une tornade de dentelle blanche, voile au vent et talons hauts scandant sa fuite, une femme tourne le dos au destin qu’on tente de lui imposer. C’est sur ces images puissantes que démarre ce Geronimo dont Céline Sallette interprète le rôle-titre, celui d’une écorchée vive mue par ses idéaux, éducatrice de rue confrontée à un drame aussi vieux que Shakespeare. Ici, Juliette prend les traits d’une jeune turque refusant l’union voulue par sa famille pour rejoindre un Roméo gitan, issu du clan ennemi.  » Les films de Tony Gatlif sont souvent des autobiographies déguisées, nous a confié l’actrice à qui cette fin d’année sourit pleinement. Son frère a vécu un mariage arrangé et lui-même a fugué des bidonvilles d’Alger à l’âge de 13 ans, pour ne pas subir le même sort.  » Car la coutume, bien que moins largement répandue auprès du sexe masculin, ne l’épargne pas pour autant : Plan International estime que 156 millions de ses représentants dans le monde ont été épousés mineurs, contre 720 millions de femmes. Des pratiques condamnées par le Comité des droits de l’enfant de l’ONU, la Déclaration universelle des droits de l’homme et une dizaine d’autres instruments juridiques régionaux et internationaux, sans pourtant qu’aucun ne soit parvenu à les éradiquer. Des pratiques qui, surtout, semblent d’un autre âge quand on les aborde au travers du prisme occidental mais qui touchent encore chaque jour 39 000 habitantes des pays en développement. Soit, chaque minute, vingt-sept d’entre elles qui voient leur vie basculer, leur nouveau statut signifiant bien souvent fin de la scolarité, grossesses à risques et parfois violences physiques et morales liées à une extrême vulnérabilité.

Derrière cette triste réalité, un faisceau de causes où interviennent tout à la fois des traditions tenaces, un manque d’éducation, des inégalités sociales ou encore une grande pauvreté.  » C’est bien entendu trop tôt, concède Monora, forcée de convoler à 9 ans et qui a à son tour reproduit le schéma avec sa fille alors qu’elle n’avait que 13 ans. Mais il faut comprendre. Notre espérance de vie est faible et les enfants représentent une lourde responsabilité. En mariant vite nos gamines, celles-ci bénéficient d’une sécurité financière et d’une protection contre les hommes et la criminalité.  » Au Bangladesh comme ailleurs, le chemin qui mène à la liberté et à l’égalité est encore long.

Rédactrice en chef.

Delphine Kindermans

39 000 jeunes filles mariées de force chaque jour dans le monde.

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