La mère, profil bas, consciente d’avoir (encore) fait une connerie avec sa tablette :  » Tu peux me montrer comment remettre mon écran « comme avant » s’il te plaît ?  » L’ado, dans un soupir entre agacement et condescendance :  » Laisse, je vais le faire, ça ira plus vite.  » Scène de la vie quotidienne qui pourrait se jouer dans à peu près tous les foyers, y transposant ainsi le décalage déjà mis en évidence au boulot entre les digital natives, génération bénie des dieux de la haute technologie, et… tous les autres, qui n’ont pas la chance d’appartenir au peuple élu. Avec, dans le cadre familial, une dimension supplémentaire, celle du renversement de l’autorité entre les adultes, censés incarner ceux qui savent et transmettent leur connaissances, et leurs rejetons, en principe en position d’apprenants. Et que dire quand on pousse le bouchon jusqu’à leur demander de transgresser la légalité pour nous télécharger notre série préférée sur le Net ? Aldo Naouri et ses théories sur les limites et les impératifs, indispensables selon le célèbre pédiatre pour transformer nos gamins en êtres heureux et épanouis, semblent tout à coup bien difficiles à mettre en pratique. D’autant que ses bouquins, adulés ou détestés mais se vendant néanmoins par dizaines de milliers, ne font pas office de religion universelle. Ils partagent en effet les rayons  » éducation  » des librairies avec des ouvrages aux thèses diamétralement opposées, laissant perplexes les papas et mamans pourtant animés des meilleures intentions du monde. Il est loin le temps où toute jeune accouchée recevait en cadeau de naissance J’élève mon enfant, la bible de Laurence Pernoud, et s’y référait sans trop se poser de questions…

Cette peur de mal faire est encore renforcée par l’importance de la famille dans l’échelle de nos valeurs. A l’heure où la crise impose son horizon plombé, et à en croire un récent sondage publié par L’Express, ce cocon douillet est pour 53 % d’entre nous synonyme de  » bonheur « , alors que nous ne sommes que 4 % à y associer des  » contraintes « . Et si, selon une autre étude menée par le magazine Psychologies, trois parents sur quatre estiment que leurs congénères manquent d’autorité, ils ne sont que 16 % à reconnaître cette lacune dans leur propre chef. C’est que, si la chair de notre chair prenait ombrage d’une remarque et décidait de s’enfermer dans sa chambre, qui programmerait la sacro-sainte télé ?

Rédactrice en chef

Delphine Kindermans

Un renversement de l’autorité entre les adultes et leurs rejetons.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content