Les enfants aussi sortent les griffes ! Mais pour être dans la tendance, la vraie nouveauté, en 2005, c’est adopter le style créateur. Vêtements et meubles pointus… Pour assurer leur look, les mômes ont aujourd’hui l’embarras du choix.

Léo porte un jean Dolce & Gabbana. Léa arbore une robe Christian Lacroix. Et au moindre coup de froid, ces kids bien dans l’air du temps enfileront un petit pull en cachemire… griffé comme il se doit. Au royaume des juniors également, les grands noms de la couture règnent sur le look. Dior a joué les précurseurs. En 1967 déjà, la boutique Baby Dior ouvrait ses portes sur la sélecte avenue Montaigne, à Paris. D’abord consacrée aux 0-4 ans, la ligne Baby Dior, elle, habille désormais jusqu’au 12 ans et reprend les thèmes majeurs des collections de John Galliano pour le prêt-à-porter. On retrouve donc les imprimés emblématiques de la prestigieuse maison de couture et quelques détails chic, avec biberons siglés et autre layette brodée d’un C et d’un D.

Depuis l’apparition du label Gucci Baby, en 2000, les lignes pour enfants ou bébés des griffes de luxe se sont multipliées. Christian Lacroix, Burberry, Ungaro, Dolce & Gabbana ou bien encore Iceberg habillent désormais aussi les mômes. Mais la vraie nouveauté, en 2005, vient surtout d’une ribambelle de créateurs qui chahutent le monde de l’enfance et mettent leur grain de sel dans les garde-robes et les chambres des gosses. Les enfants ont droit à leur vestiaire et à leur mobilier branchés. La preuve ? En juin dernier, à côté des traditionnelles grandes marques, des dizaines de créateurs tenaient un stand au Kid’s Fashion Fairs, à Bruxelles. Prenez en vrac : le style rétro de Violette Janvier, l’Orient rêveur et capiteux de Kim et Garo, la panoplie sucrée et insouciante de T-Cap, les pièces uniques d’Uni & Vintage, la lingerie de jour et de nuit de Les Fées en parlent, la maille pleine de charme de Nikkitabella ou les vêtements faits main de La Rainette Dit.

Toute une génération de surdoués – relayée par quelques magazines hype, comme les parisiens  » Milk  » et  » Extra-Small  » – booste le prêt-à-porter pour enfants. Le credo : des pièces pointues. Remisés les indémodables pyjamas bleu ciel et les combinaisons molletonnées pour bébés, on exhibe une garde-robe ultrafashion. Oublié les tristes landaus bleu marine, on adopte des poussettes high-tech et des lits suspendus. Boudés les tee-shirts  » comme les copains « , on privilégie le sien ! En somme, on ose l’unique… avec des prix à la mesure de cette exception.

Au rayon mobilier, c’est la même effervescence. Anne et Philippe Ossona de Mendez, les créateurs suisses de Castor & Chouca, associent le fonctionnel et l’émotionnel. Ils travaillent les meubles pour enfants dans de nouvelles matières et avec une approche évolutive : latté de bambou et Plexiglas pour le berceau Hop Hop Hop, qui se transforme ensuite en coffre à jouets et sofa baldaquin. L’Anversois Sébastien François, lui, signe la collection Bald & Beautiful et dessine des modèles au design remarquable. Son siège pour bébé se replie en un clin d’£il, ose des contours carrés et un intérieur rose fluo.

Le choix de l’unique

L’exclusivité, c’est bel et bien le pari de Christine Ekodo, directrice de collection et de production chez Bill Tornade, pendant quatorze ans. Cette créatrice parisienne de 42 ans a lancé Uni & Vintage, il y a un an et demi. La philosophie de ce label se retrouve sur les étiquettes numérotées des vêtements :  » Cette pièce est unique. Elle est numérotée. Elle a été coupée dans un vêtement vintage choisi avec soin. Elle redonne ainsi une deuxième vie à un vêtement oublié. Uni & Vintage conjugue couture et industrie.  » Christine Ekodo passe donc des heures à fouiller les réserves des friperies industrielles. Elle y dégote d’anciens vêtements, dans lesquels elle coupe ses modèles.  » Je suis partie de l’idée que l’imprimé est important dans une collection pour enfants, commente- t-elle. Seulement, au niveau industriel, on ne peut l’utiliser qu’à partir de 300 mètres de tissu, en général. Je ne pouvais donc pas vraiment me le permettre, ou alors uniquement sur une ou deux pièces. C’est très frustrant. Or, on trouve des merveilles dans les tissus anciens, et je me suis tournée vers cette solution.  »

Résultat ? Christine Ekodo taille des robes dans des tenues de mamy en polyamide, ou des manteaux dans d’anciennes gabardines. Et chaque vêtement est absolument unique. Son concept, la créatrice le peaufine dans le moindre vêtement. Ses pulls et gilets sont tricotés main dans un petit atelier parisien. Elle lave et coupe elle-même ses pièces vintage, et les fait coudre ensuite par un autre atelier parisien. Quant à l’uni d’Uni & Vintage, on le retrouve dans une collection fabriquée industriellement dans un tissu écru prêt à teindre.  » Je trouve que pour certaines pièces, comme les pantalons, le procédé industriel est vraiment idéal, poursuit Christine Ekodo. Je fais donc fabriquer quelques modèles dans une toile écrue qu’un teinturier va ensuite traiter selon mes envies et les demandes des boutiques. Cela permet, entre autres, d’accorder au ton près ces vêtements avec un imprimé vintage, par exemple.  » Mais cela permet, surtout, aux quelques boutiques qui diffusent Uni & Vintage de conserver l’exclusivité sur chaque modèle. On ne verra pas le même pantalon à Paris, Knokke ou New York, parce qu’il sera teint dans un autre ton, selon les souhaits des boutiques.

Uni & Vintage compte une dizaine de points de vente à travers le monde. Pas plus ! Pour Christine Ekodo rien ne sert d’additionner les adresses : le principe de pièce unique en perdrait tout son intérêt. Quant aux prix des vêtements Uni & Vintage, ils sont à la mesure du travail qu’ils exigent.  » Cet hiver, je propose des manteaux taillés dans d’anciennes gabardines, avec une doublure en fausse fourrure, commente-t-elle. En boutique, ils seront vendus à 375 euros. C’est, certes, élevé, mais ma marge est toute petite. Il me faut trois heures pour couper chaque manteau, et trois autres heures pour poser les pressions, cousues à la main avec un petit point de broderie. Sans compter le travail de montage dans l’atelier, le prix de la fripe et celui des fournitures. Au final, le prix reflète le travail.  »

La Belgique à la pointe

En Belgique, on peut se targuer d’être à la pointe de la tendance. En donnant naissance à Max & Lola, en 1987, Kaatje Sandra a été l’une des premières à se distinguer.  » Nous étions plusieurs à nous lancer en même temps, souligne-t-elle. Mais c’est assez logique, nous avions tous l’âge d’avoir des enfants et ne trouvions pas, pour eux, une garde-robe qui corresponde à notre sensibilité. Il faut bien reconnaître aussi que les autres pays avaient du retard et n’étaient pas prêts à investir dans une garde-robe de créateur pour leurs enfants. En Belgique, on a fait ce pas depuis longtemps. Le marché belge est très ouvert.  »

Aujourd’hui, Max & Lola distille son style dans quelques boutiques ciblées à travers le monde, à Paris, New York ou Tokyo… avec inévitablement une politique de prix haut de gamme.  » Je ne fais pas de salon et je n’ai pas d’agent, Max & Lola reste très confidentiel, embraie Kaatje Sandra. Et les boutiques qui nous diffusent nous ont cherchés, et trouvés ! Je fonctionne au coup de c£ur, si j’aime une matière ou tiens absolument à faire telle robe ou tel manteau, je me lance. Si je faisais toujours attention au prix, je ne pourrais pas fonctionner. La mode pour enfant demande une gestion plus lourde que le prêt-à-porter pour adulte. Il faut réaliser des patronages en 10 ou 12 tailles, c’est très contraignant. Et c’est aussi cela qui explique des prix plus élevés.  »

Depuis l’arrivée de Max & Lola, d’autres griffes belges se sont fait un nom dans la mode pour enfant. Avec Ten fondé en 2000, Catherine Felstead se distingue grâce à de beaux basiques aux couleurs pétaradantes. Anne Kurris et Quincy jouent à merveille la carte de la couleur avec des vêtements aux multiples influences, bercées de clins d’£il et d’imprimés rétro. Kaat Tilley diffusait jusqu’ici Frederiek, sa collection pour filles, uniquement l’été, et avec une orientation cérémonie et communion. Cet hiver, elle dévoile une première Frederiek hiver, plus décontractée mais fidèle à son style romantique et très personnel, dans la lignée des collections pour femmes. Le fils de Nicole Cadine, Esfandar Eghtessadi, et sa femme, Inge, proposent, eux, depuis trois ans la collection Essentiel Girls à grand renfort de métissages et de détails précieux.

Les classiques et les modernes

Dans son catalogue de vente par correspondance, le très classique groupe français Vert Baudet a invité les créateurs d’Oona L’ourse et de Wowo à signer des mini-collections à l’esprit bohème. Habituellement, ces deux griffes sont plutôt réservées aux concept-stores branchés. Et côté meubles, c’est la designer Matali Crasset qui s’y colle. En Belgique, le décoiffant Walter Van Beirendonck a conçu pour JBC une ligne baptisée Zulupapuwa. Le créateur anversois signe une collection colorée où fourmillent les détails ethniques et futuristes. Sans parler de tous ces motifs au crochet, broderies légères et autres imprimés imaginés par les jeunes créateurs et repris par les grands groupes, qui insufflent ainsi un look plus pointu à leurs collections. De l’unique ! Les grandes marques ont capté le message 5 sur 5. Et elles se damneraient bien pour retrouver la fougue de leurs premières années.

Amandine Maziers

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