Un whisky en province de Liège… La dernière bonne blague belge qui circule à Edimbourg ? Pas vraiment : The Belgian Owl figure dans le top 10 des meilleurs nectars européens.

 » Arrête de fumer !  » : voilà ce que s’est longtemps entendu dire Etienne Bouillon… qui ne fume pas. Il faut avouer qu’avec le projet de vouloir faire  » le meilleur whisky du monde en Belgique « , ce visionnaire prenait le risque de susciter l’hilarité générale. Ce qui n’a pas raté. Dix ans plus tard, pourtant, plus personne n’a envie de rire. Son nectar, The Belgian Owl, fait l’unanimité. Notre distillateur  » par vocation et tradition familiale  » a construit, pièce par pièce, un puzzle qui redore le blason d’une région entière, la Hesbaye, et qui a inscrit un nouveau pays, la Belgique, sur la carte du whisky.

L’idée de créer un belgian single malt a un jour germé dans la tête d’Etienne Bouillon et il s’y est farouchement accroché.  » Le whisky est une appellation européenne qui est soumise à un cahier des charges précis. Je voulais y souscrire pour conférer une vraie légitimité à mon produit qui, par sa simple belgitude, constituait un fameux défi. Ensuite, je tenais à faire un single malt, soit un whisky qui, en matière de céréale, repose sur l’orge maltée ne provenant que d’une seule distillerie (la mienne), au contraire des « pure malts » qui sont des assemblages issus de plusieurs fabriques.  » Si ce programme ambitieux est le sol ferme du projet d’Etienne Bouillon, The Belgian Owl fait valoir des ambitions plus larges :  » Dès le départ, j’avais une vision précise de mon produit. Je tenais à ce qu’il soit le reflet de ma région. Qu’il soit comme la carte d’identité du terroir sur lequel il repose, un whisky belge créé avec des ingrédients belges « , insiste notre interlocuteur passionné.

Pour ce faire, pas question de transiger sur les matières premières. Dans le cas du single malt, elles sont au nombre de deux : l’orge et l’eau.  » Pour l’orge, j’en ai parlé à Pierre Roberti, un agriculteur que je connaissais (NDLR : l’homme est aujourd’hui associé à part entière, aux côtés du financier Christian Polis). Il m’a dit que la région était parfaite pour cette culture. Le souci était le prix de l’orge, soumis aux fluctuations du marché. Du coup, il ne voulait pas entrer dans ce système qui asphyxie les cultivateurs à petit feu. Mon propos était sans ambiguïté : je ne voulais pas faire le whisky le moins cher du monde mais bien le meilleur, c’est pourquoi je lui ai proposé de s’extraire de la mondialisation en appliquant les principes du commerce équitable « , poursuit le distillateur qui a débuté avec les 14 hectares de Pierre Roberti et qui embauche désormais 6 agriculteurs sur une superficie ayant quadruplé. Quant à l’eau, elle reposait sous ses pieds.  » Nous sommes sur un sol du crétacé secondaire, qu’on appelle la Hesbaye sèche. Les nappes phréatiques nagent à plus de 30 mètres, sous une triple couche de limon, de calcaire et d’argile. Une véritable manne protégée par l’Europe et qui oblige les agriculteurs des alentours à se soumettre à une législation stricte… Pas question d’y faire n’importe quoi !  »

ALAMBICS MYTHIQUES

En 2004, The Owl Distillery remplit son premier tonneau. Trois années supplémentaires de vieillissement dans des fûts à bourbon de chêne américain (ayant déjà servi une fois) seront nécessaires pour que ce distillat augural puisse prétendre au titre de  » whisky « . Le résultat étant plus que satisfaisant, Bouillon se crée un fan club de 800 personnes qui constitue un noyau de fidèles séduits par la rondeur du breuvage et sa palette gustative s’étendant du gingembre à la poire en passant par les fleurs blanches. En 2011, coup de tonnerre : Jim Murray, l’un des papes du whisky qui publie chaque année sa Whisky Bible, décerne au Belgian Owl le prix de l’European single cask whisky of the year. Parallèlement, le breuvage reçoit un Gold award au Mondial de Bruxelles.

Dès cette double distinction, chaque embouteillage débouche sur une inévitable rupture de stock. Frustré par cette situation, Etienne Bouillon se met en quête d’alambics de plus grande capacité.  » C’est très difficile à trouver. Grâce à un miracle qui n’arrive que dans les films, Jim McEwan, le distillateur de Bruichladdich, une maison de whisky de légende sur l’île d’Islay, m’a contacté pour me proposer deux modèles « col de cygne » datant de 1898 et provenant de la distillerie Caperdonich. La Rolls Royce du genre ! Ils figurent sur la liste des alambics mythiques d’Ecosse. C’est un peu comme si on prenait un morceau de Big Ben pour l’entreposer ici « , s’enthousiasme Bouillon. A nouvel équipement, nouvel emplacement. La Owl Distillery a désormais quitté Grâce-Hollogne pour la Ferme de Goreux, à Fexhe-le-Haut-Clocher, où un centre sera bientôt créé pour accueillir les visiteurs. Les deux totems écossais – installés fin février – reposent depuis dans l’ancien grenier à foin de cette imposante ferme en carré hesbignonne rafraîchie par les vents d’ouest. Un nouveau souffle et, surtout, une belle récompense pour celui qui a fait mentir l’adage  » Nul n’est prophète en son pays  » : The Belgian Owl est vendu à 95 % en Belgique (dont 60 % en Flandre). Etape suivante ? Produire 80 000 bouteilles – soit quatre fois plus qu’aujourd’hui – endéans les cinq ans…

www.belgianwhisky.com

PAR MICHEL VERLINDEN / PHOTOS : FRÉDÉRIC RAEVENS

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