Perché tout en haut d’un immeuble parisien, cet appartement atypique a bien du caractère et du charme. En toute harmonie, il marie spectaculairement l’ancien et le contemporain. Sur le toit ? Un jardin luxuriant… avec salle de bains.

Nous sommes dans le XVIe arrondissement de Paris. De l’extérieur, l’immeuble est tout ce qu’il y a de plus banal. Au rez-de-chaussée, un supermarché. A l’entrée des parties privatives, un long couloir lugubre, tapissé d’un vieux lino au sol. Pas très réjouissant ! Mais, prenez l’ascenseur et, tout comme Alice, vous entrerez dans un pays… ou plutôt, un appartement des merveilles. Perché tout en haut, ce  » bijou  » déploie 240 m2 en offrant, outre un living spectaculaire, un jardin luxuriant sur le toit et une vue imprenable de la tour Eiffel.

 » C’est un lieu atypique, un lieu qui donne envie « , s’enthousiasme Angélique Benetti, la maîtresse de maison. Dans le salon lambrissé de sapin, on remarque un vitrail ancien et un antique parquet de Versailles. Le living, lui, surmonté d’une énorme verrière et entouré d’une balustrade en bois du xixe siècle, recèle une imposante cheminée au manteau en chêne.

La rénovation a été conçue autour des éléments décoratifs déjà en place. A l’origine, l’espace û la résidence de l’architecte de l’immeuble û était aéré et ouvert. Plus tard, un promoteur immobilier a fait ériger de nombreuses cloisons afin de le transformer en un appartement de famille plus classique. Lorsque Angélique et son mari Jean-Christophe Lavillette l’ont découvert, le décor était quelconque : la belle balustrade était entièrement peinte en blanc et la pièce principale paraissait étrangement petite.  » Il y avait une succession de pièces sans ouverture « , se souvient Angélique.

Pour orchestrer les transformations, le couple a fait appel à l’architecte parisien Christian Baquiast.  » Nous l’avons choisi pour son sens inouï de la perspective , précise Angélique. Il aime percer des trous dans des murs.  »  » Cela modifie agréablement la perception de l’espace , explique pour sa part Baquiast. L’£il peut s’échapper jusqu’à l’horizon.  » Ici, il a cassé une cloison entre l’ascenseur et le living, enlevé deux piliers qui se dressaient en dessous de la balustrade, créé une ouverture au-dessus de la cheminée et ajouté un hublot dans l’un des murs de la chambre. Le résultat ? Une vue ininterrompue d’une extrémité à l’autre de l’appartement.

Baquiast était aussi soucieux de respecter le patrimoine architectural.  » Mon idée était de prendre des matériaux industriels, mais de les mettre en scène de manière classique « , confie-t-il. Dans la galerie, il a recouvert le mur de panneaux d’acier, patinés avec de l’acide et pliés pour ressembler aux boiseries anciennes. Il a aussi inséré des disques de laiton dans le sol en tôle afin d’imiter les cabochons des sols en marbre des châteaux français. Dans la pièce principale, il a construit un mur en béton dont la surface reprend le dessin de la fibre de bois (chaque plaque de béton a été façonnée grâce à un moule en silicone d’une planche de chêne).

D’autres matériaux encore ont été élus par les propriétaires. Jean-Christophe souhaitait un escalier en acier tandis qu’Angélique a choisi une pierre de récupération du xviiie siècle pour le sol de la pièce principale. Tous deux avaient aussi projeté de recouvrir les murs d’une photo de paysage panoramique. Mais, en fin de compte, ils ont donné carte blanche à un jeune illustrateur, Alexandre Athané, qui les a ornés d’art graffiti.

Dans le living, une sculpture de Rona Pondick en inox associe un moulage de sa tête avec le corps d’un renard. Sur la cheminée trône  » Extrapolating Morphology « , une £uvre en verre et argent de Marc Quinn, achetée à la White Cube Gallery de Londres. Sur les murs, des photos accrocheuses attirent l’attention : dans le salon, le cliché d’un bébé-mutant de Bruno Bressolin et Bruno Juminer, et, dans la galerie, trois vues microscopiques de cellules provenant de la série  » Coutures Cellulaires 1999  » de l’artiste franco-vietnamienne Nicole Tran Va Bang.

Le mobilier est tout aussi impressionnant. Il y a des pièces uniques d’André Dubreuil et une commode en bronze martelé de Roland Mellan.  » C’est comme un personnage de science-fiction posé sur ses deux pattes « , suggère Jean-Christophe. Dans le salon, on remarque un canapé et trois fauteuils  » £uf « , créés dans les années 1950 par Jean Royère pour l’un de ses voisins en Bretagne.

Spectaculaires, tous ces éléments décoratifs ? Peut-être, mais les vrais trésors de cet appartement se retrouvent sur le toit. Sur l’une des deux terrasses, le paysagiste Hugues Peuvergne a imaginé un jardin  » exubérant et prolifique « . Il l’a divisé en quatre zones distinctes : un point d’accueil ; un coin convivial doté d’une table ; le petit royaume de Prune, la fillette des propriétaires (où ont été installés un bac à sable en zinc et une balançoire) ; un potager où poussent des pommes, des groseilles, des kiwis, du romarin, du thym… Pour séparer les différentes parties, Peuvergne a érigé des pergolas. Il a également semé la terrasse de bacs en zinc plantés de buis et aménagé des  » fenêtres  » dans le grillage réglementaire afin d’offrir des vues sur les toits de Paris.  » Je trouve que cette terrasse constitue une vraie surprise, affirme-t-il. C’est comme si la campagne avait émergé au milieu des cheminées.  »

Plus surprenant encore ? La salle de bains tout en verre montée telle une mini-serre par Baquiast sur l’autre terrasse.  » Au départ, cette terrasse n’avait aucune utilité, souligne l’architecte. Elle servait simplement d’accès technique aux gouttières et aux cheminées. Il n’y avait pas de vis-à-vis. Alors, pourquoi élever des murs opaques plutôt que de privilégier la transparence ? Mon idée était que l’on pourrait prendre un bain, le soir, sous les étoiles. A Paris, ce qui manque souvent, c’est de pouvoir contempler le ciel depuis son appartement. Pour moi, c’est en quelque sorte le luxe ultime.  »

Ian Phillips

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