En prélude à la sortie de Ciao !, son nouvel album, l’Akela de l’électro-pop canadienne a accepté de jouer les mannequins en exclusivité pour Weekend. Récit backstage.

Avouons-le : on l’a d’abord pris pour une diva insupportable, un de ces fêlés du dance-floor déconnectés du plancher. Jugement hâtif, sorry Tiga. Il faut dire que tous les éléments étaient réunis pour nous fourvoyer. A commencer par un report de date de shooting mollement justifié. A la dernière minute (bien entendu). Suivi dans la foulée d’un deuxième report. Plutôt gonflé quand on sait l’organisation que requiert ce type d’exercice : trouver un lieu, composer un vestiaire, commander ce dressing aux différentes griffes, accorder les agendas du styliste, de son assistante, du photographe, de ses assistants, du maquilleur, de votre serviteur. Ça ne s’improvise pas.

Passe pour cet épisode, la flexibilité est une des lois bien connues du genre. Passe moins la suite. Mail de la maison de disques, PIAS, une semaine avant la séance photo :  » Pourrais-tu prévoir un repas chaud pour Tiga. Je ne sais pas par contre te dire avant le jour même à quel moment il voudra manger. S’il peut y avoir quelques sandwiches aussi (dont des végétariens), ce serait super. Au niveau des boissons, on sait Tiga friand Ginger Ale. Quelques Red Bull et de l’eau minérale viendront à point également « . Bref, le jour venu, toute l’équipe s’attend à devoir gérer pendant quelques heures l’ego et les humeurs du DJ. D’autant qu’en ce vendredi de février, il gèle à pierre fendre. L’immeuble de bureaux à l’abandon qu’on a choisi comme décor tient plus du frigo que du studio. Cerise sur le gâteau : la chance n’est pas de notre côté. Vous saurez tout : le canon à chaleur qu’on finit par louer met tant de plombes à arriver qu’il ne reste plus qu’à le décommander. Mea culpa, Tiga. Ça caille sec, donc.

Casser la glace

On est finalement agréablement surpris : malgré la température limite insupportable, et les soupirs froids des membres de la maison de disques présents sur le shooting, c’est Tiga lui-même qui se charge de briser la glace. En fait, il suffisait de lire les paroles de Hott in Here du rappeur Nelly, un des remix les plus fameux du Canadien, pour comprendre que ce complice des frères Dewaele ( Soulwax) n’est pas le glaçon maniéré qu’on nous a présenté :  » It’s getting hot in here, so take off all your clothes « , assène le refrain (NDLR : Il commence à faire chaud, ici. Déshabillez-vous). Pince-sans-rire ( » n’oubliez pas d’écrire que je suis supérieurement intelligent « ), gentiment ironique, il se prête à fond au jeu, pendant six heures. S’enthousiasme des fringues que notre styliste, a sélectionnées, minaude à peine quand le photographe le fait asseoir dans un canapé souillé, mange toute la viande de sa pizza ( » Oui, j’aime la viande, pourquoi ? « ), feinte entre deux prises, répond spontanément à nos questions alors qu’on nous avait prévenu :  » Tiga ne donnera pas d’interviews.  »

Question de style

Prolixe le Tiga, en réalité. Sur son rapport à la mode, entre autres. Pas désintéressé si l’on en juge par sa silhouette, ce jour-là. Manteau en laine à chevrons noir et blanc, cardigan noir, sac Louis Vuitton collection Damier Graphite, gants en cuir Bottega Veneta, montre Audemars Piguet or età Nike rouges.  » Chic with a twist « , comme on dit dans la langue de Paul Smith. Pas fashion victim pour autant.  » Contrairement à une femme, un homme qui fait trop attention à son look, qui se prend trop au sérieux n’est pas séduisant, dit-il. Le tout c’est de raconter quelque chose à travers tes vêtements. C’est ça la différence entre la fashion et le style.  » Pas mal. Ses designers préférés ? Raf Simons, Reï Kawakubo pour Comme des Garçons, Dior Homme ( » quand c’était Hedi Slimane « ), Kris Van Assche ( » pour sa propre marque « ), et APC (pour les basiques). Que du pointu.  » Mon style est beaucoup plus conservateur qu’avant, remarque-t-il en franglais. J’aime de plus en plus la simplicité, voire un certain minimalisme.  » Surprise encore, de la part de ce DJ qui avance glam et khôlé dans ses clips,  » ridicule comme un minet Star Ac’  » ( Libération), parfois kitsch comme une note de proto-synthétiseur new wave.  » Quand tu es artiste, tu as la chance de pouvoir te métamorphoser. Ça m’amuse, c’est tout.  » Car, lui,  » the real lui  » dirait-il, trouve ses références esthétiques favorites du côté du Patient anglais ou du Humphrey Bogart de Casablanca. Des classiques old school qu’il aime saupoudrer de sel légèrement glitter,  » pour la ponctuation. J’aime les combinaisons subtilement bizarres. C’est comme pour ma musique à la fois pop, disco, techno, je n’aime pas le purisme « . On a donc décidé de casser l’image qu’il donne généralement de lui dans les médias. En allant chercher  » the real lui « , donc. Un gars qui ne crâne pas, qui opte pour les belles matières plus que pour les mauvaises manières. Un esthète. Un gentil dandy. Un bon p’Tiga.

Baudouin Galler

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