Une maison semblable à un bloc de pierre encastré dans le paysage des polders d’Amstelveen, aux Pays-Bas, mais offrant une vue magnifique. L’architecte Don Murphy signe ce polyèdre asymétrique à dix faces diagonales conçu sur le principe du bunker… Pour voir sans être vu.

Oser remettre en question toutes les conventions en faveur d’un habitat plus convivial, en harmonie avec la nature environnante et aussi à haute valeur créative ajoutée. L’architecte Don Murphy, irlandais d’origine, associé au bureau néerlandais VMX, en a fait sa règle d’or. Et sa maison en est la parfaite illustration.

Il y a quatre ans, avec son épouse Sylvie, il fait l’acquisition d’un terrain tout proche d’Amsterdam sur lequel se dresse une vieille bâtisse qui menace ruine. Le couple la fait aussitôt démolir pour la remplacer par cette nouvelle maison aux lignes très originales. Le plan d’urbanisme communal impose toutefois des règles très strictes.  » La surface bâtie ne pouvait pas dépasser 9 m sur 21 m, se souvient Don Murphy. En outre, les gouttières devaient se trouver à trois mètres du sol, la hauteur totale ne pouvant pas excéder 7 m, et la construction devait avoir un toit pointu, avec un angle de 15° à 60° – bref, la commune voulait une maison traditionnelle…  » Et ce n’était évidemment pas ce que l’architecte avait en tête.  » Il a fallu déployer des trésors d’inventivité pour contourner les restrictions qui nous étaient imposées. « 

Baptisée Sodae Huis, cette résidence familiale inédite est plantée au c£ur des polders d’Amstelveen, à l’embranchement de deux cours d’eau. L’endroit forme une sorte d’îlot au sein d’une réserve naturelle protégée. Un environnement de toute beauté qui ne pouvait manquer d’influencer le concept.  » Nous souhaitions pourvoir profiter pleinement de la vue, où que l’on se trouve dans la maison, confirme Don Murphy. Et nous avons donc opté pour de grandes baies vitrées. Je voulais aussi que la maison se fonde dans le paysage, qu’elle apparaisse comme un « objet » le plus naturel possible. Je me suis laissé inspirer par les blocs erratiques ( NDLR : des rochers déplacés par un glacier et abandonnés à un endroit donné par la fonte de celui-ci).  » Le résultat ? Un sweet home en partie enterré, pensé sur le principe du bunker : voir sans être vu.  » L’idée est que, sous l’action de la pluie et de la mousse, le bâtiment prenne l’apparence d’un gros rocher naturel.  »

TROIS PLATEAUX

Les quatre faces du volume de base ont été retaillées de telle manière que la maison présente sous chaque angle un aspect différent, ce qui lui confère sa forme à la fois unique et caractéristique, celle d’un décaèdre irrégulier aux captivants jeux de lignes droites et d’espaces tout en coins.

Pour répondre aux exigences du plan d’urbanisme, deux faces du premier étage ont été placées de biais, formant un angle de 60°. Pour un look d’un minimalisme consommé. Car cette apparente simplicité dissimule en réalité un processus complexe.  » Mis à l’envers, le volume reste rigoureusement identique, explique Don Murphy en retournant la maquette préalable dans ses mains. Il est important que l’ensemble dégage une certaine pureté, un sentiment d’évidence, comme si la maison avait toujours été là. « 

Le bâtiment a été construit en parpaings, béton et acier. Pour leur donner du caractère, les murs de parpaings ont été recouverts de béton projeté.  » La première couche a été lissée, tandis que la seconde a été laissée telle quelle pour un effet irrégulier.  » L’une des portes extérieures a également été enduite de béton, de manière à se fondre parfaitement dans le mur, tandis que l’autre, coulissante, est en acier.

L’habitation se compose de trois plateaux d’orientations différentes. C’est à l’étage, vitré sur trois côtés, que la vue est la plus spectaculaire. Ce plateau comporte, d’un côté, un living – avec piano et bar – et, de l’autre, un salon plus douillet – avec feu ouvert et télévision. Le rez-de-chaussée, lui, s’ouvre sur la direction diamétralement opposée. Seule une façade est ouverte, ce qui permet d’assurer aux chambres une certaine intimité. Le sous-sol, enfin, accueille les pièces où la lumière est moins nécessaire, comme le home cinéma ou la salle de fitness.

UNE DIVISION VERTICALE

Les trois étages de la maison présentent également une division verticale, séparant l’espace réservé aux parents, à gauche, de celui des enfants. Les deux zones possèdent chacune son entrée, son escalier et ses sanitaires. L’aménagement intérieur s’appuie lui aussi sur des matériaux et des coloris qui rejoignent ceux de l’environnement naturel. Une seule teinte vive revient de façon récurrente : l’orange, qui se retrouve jusque dans la cuisine-îlot, également conçue par l’architecte.  » C’est la couleur préférée de mon épouse, confie-t-il. La cuisine occupe le centre de l’espace. Sylvie est un vrai cordon-bleu, et je voulais lui offrir cette position centrale, avec une vue splendide du côté du chemin. « 

La maison répond-elle aux desiderata de la commune ?  » Pas vraiment, lâche Don Murphy dans un sourire. Au début, les fonctionnaires qui ont examiné notre dossier ont été épouvantés… mais ils ont été forcés de conclure que le projet respectait tous leurs critères.  » La construction ne manque cependant pas d’attirer l’attention.  » Les passants ne se privent d’ailleurs pas de nous communiquer leur avis… enthousiastes ou sceptiques. Un jour, quelqu’un est même venu mettre un mot dans la boîte pour nous demander pourquoi nous avions construit une telle horreur. « 

PAR EVELIEN VANHERCK / PHOTOS : SVEN EVERAERT

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