UN COEUR EN NORD

© PHOTOS : MAGNUS NILSSON ET ERIK OLSSON

Le chef star venu de Laponie répertorie minutieusement les pratiques culinaires scandinaves dans une bible où de grands classiques, comme le gravlax et les boulettes suédoises, voisinent avec des préparations hallucinantes, tels que la baleine-pilote braisée ou le ragoût de renne.

Fäviken Magasinet. Le nom du restaurant de Magnus Nilsson, aux confins de la Laponie suédoise, sonne comme une invitation au voyage. Et sa cuisine en est une, direction le grand Nord évidemment. Chez lui, pas de maniérisme ou de gesticulations gastronomiques pour faire tourner la tête aux convives. Adepte de la cuisson au barbecue, récoltant la plupart de ses produits, au fil des saisons, sur les 10 000 hectares de son domaine, et s’inspirant des techniques ancestrales transmises de génération en génération dans son pays, le jeune trentenaire mise sur le trip authentique… Une escapade exclusive néanmoins, son antre du bout du monde ne pouvant accueillir que vingt-quatre foodies à la fois et le restaurant affichant complet pour les cinq prochains mois. A 300 euros le menu, payables à l’avance et sans compter les frais pour rejoindre cette destination perdue, c’est dire si l’expérience se mérite. En quoi elle consiste ?  » Je laisse généralement les gens raconter eux-mêmes ce que nous faisons ici, plutôt que de décrire à mes futurs clients ce qu’ils sont censés ressentir quand ils viendront chez moi « , rétorque le Viking des fourneaux qui ne suit aucune règle et ne s’accroche pas à un style.  » Chez moi, rien n’est délibéré. Je suis inspiré de tout ce qui se passe autour de moi et je suis mon intuition, c’est tout ! « , raconte le prodige qui, en quelques années, a glané deux étoiles au Michelin, gravi les places du classement World’s 50 Best Restaurants et donne désormais des conférences jusqu’en Californie…

Car s’il officie de façon ultraconfidentielle, Magnus Nilsson – qui a travaillé trois ans auprès du chef parisien Pascal Barbot et est diplômé en sommelerie – se plaît aussi à transmettre son savoir, à une échelle bien plus large. Il a ainsi arpenté la Scandinavie pour relever et analyser toutes les pratiques culinaires du cru avec une précision très scientifique.  » C’est important de répertorier ces coutumes culturelles pour qu’elles ne se perdent pas « , insiste le Suédois. De cette enquête menée aux quatre coins du territoire, l’homme a fait un livre, véritable bible exhaustive publiée chez Phaidon. On y trouve des préparations universelles comme le poulet rôti, mais concoctées  » comme là-bas « , ainsi que des plats bien plus typiques… Voire complètement irréalisables chez nous. Requin putréfié, tripes de phoques et coeur de renne feront ainsi chavirer les coeurs sensibles. L’auteur a d’ailleurs fait grincer quelques dents, au moment d’éditer son ouvrage, avec ses recettes à base de baleine, présentées dans un but  » ethnographique « , rappelle-t-il.

Un bouquin incontournable donc, à l’image de ce que fut à une époque La cuillère d’argent pour la gastronomie italienne, à utiliser au quotidien pour mitonner des mets façon nordique, et à feuilleter plus longuement, de temps à autre, par plaisir, juste pour regarder par-delà l’horizon. Dépaysant.

PAR FANNY BOUVRY

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