La déco bouge, le design avance, la maison évolue… Telle est la philosophie de Rip Hopkins et de Godefroy de Virieu, deux jeunes créateurs d’objets décoiffants.

Ensemble, l’Anglais Rip Hopkins et le Français Godefroy de Virieu, ont à peine un demi-siècle. Ils se sont croisés en France, à l’Ecole nationale supérieure de création industrielle, un lieu ouvert à tous les courants, toutes les expériences, toutes les créativités. En 1998, ils décrochent leur diplôme avec les félicitations du jury. Pendant deux ans, chacun va de son côté : photo et cinéma pour Rip, scénographie et muséographie pour Godefroy. Ils se retrouvent au tournant du siècle et décident de jouer à quatre mains, en mettant en commun ce qu’ils ont dans leurs bagages. Même goût pour l’aventure, l’engagement citoyen, l’écologie, même envie d’autre chose, autrement. Une de leurs idées?  » Donner une impulsion nouvelle à l’artisanat en trouvant de nouvelles applications, imaginer d’autres moyens d’utiliser la matière, de la façonner au plus juste… « .

Premier essai : le produit le plus basique qui soit, le savon de Marseille. Avant la Seconde Guerre mondiale, il y avait encore quelque trois cents savonniers en France. Il n’en subsiste plus que trois, dont le fameux Marius Fabre, à Salon-de-Provence. C’est avec lui que les duettistes vont concevoir la gamme  » Aquamanile « . Il y a un hic avec le savon: ça coule, ça colle, ça devient gluant et mou, ça se dissout… Leur trouvaille? Simple et judicieuse : poser le savon sur une brosse. Il suffisait d’y penser. Second problème à résoudre : le sel, qui s’agglomère, se gâte et se gâche dans son emballage traditionnel. Ils viennent de proposer un concept ingénieux aux producteurs de Guérande. Leur démarche créative, méthodique, peut s’appliquer à toutes sortes de matériaux. Ils cherchent, ils tâtonnent, ils trouvent. Avec toujours ce même désir de rendre le produit plus efficace, plus fonctionnel, plus séduisant dans sa peau de savon, de sel, de riz, de brique, de papier d’Arménie, de plastique ou de cuir…

Innovation dans le respect de la tradition : cette exigence n’a pas échappé à la maison Hermès qui leur commande alors la création d’une brosse. Mais cette réflexion commune sur l’objet ne les empêche pas d’avoir chacun son chemin à soi. Rip, lauréat d’une multitude de bourses, fait le tour du monde. Reporter à l’agence Vu, il réalise des documentaires : l’aide humanitaire au Timor-Oriental, une famille de Tsiganes en Roumanie ou en Grèce… Son sens de l’humain est partout en éveil. Dans une Afrique ravagée par le sida, il développe un projet avec  » Details « , une société d’injection plastique anglaise, et Médecins sans frontières. Il s’agit de collecter les seringues usagées des campagnes de vaccination. Les cartons ne sont pas adaptés aux pays de mousson. Il invente donc un récupérateur d’aiguille : un couvercle sans retour qui s’adapte à tous les bidons de plastique, qu’on trouve en abondance sur place. Coût de fabrication de ce dispositif aussi simple que miraculeux : 0,04 euro (2 F).

Quant à Godefroy, c’est la nature qui le passionne. Il conçoit le Musée de la sylviculture à Garein, dans les Landes. Il y tient un cycle pédagogique destiné aux enfants… L’été dernier, il s’est rendu au Kazakhstan pour animer un atelier sur le travail du feutre –  » où le design et l’écologie s’allient… « . Rip, lui, est allé en Ouzbékistan, pour un reportage photo sur l’art des tapis.

Un proverbe arabe dit :  » Mieux vaut allumer une bougie que de maudire l’obscurité…  » C’est en somme l’idée que Rip Hopkins et Godefroy de Virieu se font de leur travail.

Isabelle Forestier et Maya Lebas

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