Bonaparte n’était pas beau. Question mode, il semblait même grotesque.  » Ses cheveux étaient coupés court, plats et assez mal. Avec son habit cerise et doré, il gardait une cravate noire, un jabot de dentelle à la chemise et point de manchette ; quelque fois une veste blanche bordée d’argent, le plus souvent sa veste d’uniforme, l’épée aussi, ainsi que des culottes, des bas de soie et des bottes. Cette toilette et sa petite taille lui donnaient ainsi la tournure la plus étrange, dont personne cependant ne se fût avisé de se moquer… « . Dressé par Madame de Rémusat, dame de compagnie de Joséphine, le portrait du futur empereur n’est pas flatteur. Il est assassin. Toujours aux premières loges, la comtesse n’avait pas l’£il dans sa poche. Sa plume n’était pas tendre. Observatrice privilégiée, elle voyait tout, notait le moindre détail. Pourtant, elle est restée prudente. Ses héritiers ont attendu que Napoléon ne soit plus, depuis longtemps, pour publier les Mémoires de leur aïeule. Napoléon m’obsède. Ses courtisans me fascinent. En matière de flagornerie, l’époque n’a guère changé. Seul, le style s’est adapté : brushing impeccable, veste trop large, chaussures à gland, pantalons à revers, montre voyante, bronzage et téléphone portable en guise d’épée. Le costume du pouvoir continue d’être ridicule. Chaque jour, les fautes de goût s’accumulent. Las. Plus l’allure est clinquante, plus elle plaît. Aujourd’hui encore, la fonction fascine. Même le magazine de mode américain Vanity Fair est conquis. Quant à la dramaturge Yasmina Reza n’en parlons pas. L’Aube le soir ou la nuit (Flammarion) est un journal de campagne tenu au jour le jour durant l’ascension du candidat Sarkozy. Comme Madame de Rémusat, elle tient le compte des bassesses, des faiblesses, des coups d’éclat. Elle pointe le faste, se moque du pathétique, égratigne, parfois. Mais, lorsqu’il s’agit de plaisanter, elle s’efface. Un manteau bleu marine trop imposant ? Un cou nu sans écharpe ?  » Signes de fragilité « , note-t-elle au lieu de s’amuser. Décidément, je ne comprends rien. Ni à la mode, ni aux écrivains. Aux hommes politiques encore moins.

(*) Chaque semaine, la journaliste écrivain Isabelle Spaak (Prix Rossel 2004) pour son roman d’inspiration autobiographique Ça ne se fait pas, Editions des Equateurs) nous gratifie de ses coups de c£ur et coups de griffe.

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