En plein cour de Chimay, ceignant une ancienne maison de maître de forges, se niche un petit trésor du patrimoine wallon. Dessiné par Jean Canneel-Claes, un des fers de lance du mouvement moderniste, ce beau jardin est conservé et soigneusement entretenu par son propriétaire actuel. Visite exclusive.

En 1945, Franz de Voghel est ministre des Finances. Il acquiert alors une propriété à Chimay : une ancienne maison de maître de forges située à proximité du chemin de fer et dotée d’un jardin Renaissance d’un hectare. Deux ans plus tard, il confie à Jean Canneel-Claes le dessin d’un nouvel espace vert bien dans l’air du temps.

Fils du sculpteur Eugène Canneel, Jean Canneel-Claes (1909-1989) a reçu, en 1929, le titre d’architecte de jardin, au terme de ses études à l’Institut supérieur des Arts décoratifs de La Cambre, à Bruxelles. Il est très tôt impliqué dans le mouvement moderniste et fréquente des architectes comme Huib Hoste (qui réalise la maison d’un autre de ses jardins, à Liedekerke), Victor Bourgeois ou Louis Herman De Koninck (qui dessine, en 1931 sa maison, à Auderghem). Ses opus se concentrent essentiellement à Bruxelles et dans le Brabant. Entre 1950 et 1962, il quitte la scène belge pour exercer la fonction d’architecte urbaniste à Léopoldville, au Congo.

Jusqu’à présent, peu d’ouvrages ont paru sur le travail de ce surdoué qui se définissait lui-même comme un  » architecte-jardiniste  » (*). Fondateur de l’Association internationale des Architectes de Jardins modernistes, il est l’inventeur du jardin rationnel et fonctionnel, encore appelé en  » plan libre « . L’historienne Nathalie de Harlez de Deulin (voir encadré page 34) définit ce concept comme :  » un jardin caractérisé par une distribution géométrique des espaces en une suite de couloirs plantés et chambres de verdure thématiques. De nombreux compartiments de buis sont plantés de fleurs unicolores : tulipes, narcisses, salvias, lobélias, bégonias, roses.  »

Le  » vocabulaire  » de Jean Canneel-Claes fait référence aux grands classiques de l’architecture de jardin. Dans ses projets, il intègre des topiaires, ces arbustes sculptés par la taille, et des alignements de tilleuls palissés. Une autre de ses  » signatures  » se retrouve aussi à Chimay : de hauts pins qui évoquent les climats méditerranéens.

Bourgeois éclairé et amateur de modernité, Franz de Voghel souhaite marier les nouvelles fonctions de plaisance aux anciennes  » valeurs  » du jardin de la Renaissance. Le plan de Jean Canneel-Claes prévoit ainsi une piscine avec son pavillon et un terrain de tennis, lui aussi flanqué d’un espace de détenteà. Sans oublier un potager agrémenté d’une serre et un verger.

Outre ceux qui ont été aménagés dans le jardin de la cour d’entrée, des parterres rectangulaires ont été créés le long de deux des façades de la maison. On y admire les plantations de vivaces et d’annuelles qui constituent autant de palettes monochromes. L’allée qui relie l’habitation à la piscine est bordée de tilleuls palissés sous lesquels ont été disposées, en contraste, des roses rouge carmin. Perpendiculaire à cet axe, une autre allée conduit vers le terrain de tennis, bordé, lui, de gros ifs taillés en pointe de diamant. Le propriétaire actuel, le notaire Vincent Maillard, a entrepris une taille sévère des arbres afin de leur rendre leur forme initiale. Ce sont ses parents qui ont acquis, en 1958 déjà, ce merveilleux patrimoine.  » Ma mère aimait ce jardin qu’elle a fait vivre dans le respect total du plan originel, s’enthousiasme-t-il. C’est un jardin de plaisance, conçu pour une vie de famille, qui invite à la découverte en empruntant les sentiers.  » Des sentiers pavés, ici à l’aide de pierres taillées ou non, là de béton, ailleurs de terres cuitesà. Une illustration de plus du rationalisme selon Jean Canneel-Claes.

(*) Un livre sera bientôt disponible, en anglais : Between Garden and City : Jean Canneel-Claes and Landscape Modernism, par Dorothee Imbert, University of Pittsburgh Press, 360 pages.

Reportage : Jean-Pierre Gabriel

L’allée qui relie l’habitation à la piscine est bordée de tilleuls palissés sous lesquels ont été disposées, en contraste, des roses rouge carmin. Superbe !

Une parfaite harmonie des lignes règne dans ce jardin moderniste. A noter : des parterres rectangulaires ont aussi été créés le long de deux des façades de la maison. On y admire les plantations de vivaces et d’annuelles qui constituent autant de palettes monochromes.

Une belle invitation à la promenadeà Un soin tout particulier a été apporté à l’aménagement des allées et sentiers.

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