A partir d’une simple cour oubliée, un architecte et son épouse, peintre, ont créé un patio inattendu, dans la ville d’Avignon. Bain de sérénité au coeur des remparts de la cité des Papes.

Lorsqu’en 1980 Marion et Yves Pochy achètent cette propriété située en plein centre d’Avignon, ils sont bien conscients de l’ampleur de la tâche qui les attend. Cette partie d’un ancien grand cloître était en effet à l’abandon et les squatters ou autres pilleurs de vieilles pierres s’y étaient données à coeur joie. Les cheminées avaient purement et simplement été arrachées alors que la cour centrale s’était transformée en véritable jungle…

 » Nous avons commencé les travaux en revenant aux plans originels. Il a donc fallu regrouper tout ce qui avait été morcelé en petites unités en un seul bâtiment.  » Chacun selon leurs compétences – il est architecte, elle est peintre spécialisée en grandes oeuvres murales -, ils apportent leur pierre à l’édifice.  » Nous avons ménagé de grandes ouvertures dans la façade nord afin de pouvoir admirer le jardin depuis les pièces de séjour, qui donnent sur une terrasse légèrement surélevée. Le plafond d’une des caves, situées sous les voûtes du cloître, a été supprimé pour créer un bassin qui reste sous eau été comme hiver. Lorsqu’il fait assez chaud, nous pouvons nous y baigner.  » Le talent du peintre a complété les lignes d’architecture. Marion Pochy a en effet agrandi l’espace en reproduisant les voûtes existantes dans un trompe-l’oeil qui s’enfonce très loin au-delà des limites de la cour.

Accompagnée par le doux murmure d’un lion cracheur d’eau, la maîtresse des lieux poursuit ses explications.  » Il ne s’agit pas d’un jardin, mais bien d’un patio au sens arabe ou andalou du terme. Ainsi, le sol et les murs sont entièrement carrelés, à l’exception de la partie centrale où des plantes poussent en pleine terre. J’y ai installé trois Citrus qui, chaque année, sont couverts de fruits. L’un porte des pamplemousses, l’autre des bigarades, ces oranges sauvages dont les fleurs donnent la précieuse huile essentielle de néroli, et le troisième des citrons.  » La liste des plantes introduites dans ces quelques mètres carrés est impressionnante. Il y a, par exemple, un laurier rose issu d’une bouture ramenée de Turquie par une amie. Il jouxte une autre espèce, prélevée celle-là, par Marion à Stromboli, en Italie. D’autres plantes évoquant les contrées lointaines, telles qu’un Feijoa sellowiana ramené du Brésil, ont également trouvé asile dans ce havre de paix. Dans un registre plus classique, on trouve aussi des Pittosporum, de superbes acanthes et des roses.  » Je n’aime pas les jardins trop léchés. Le hasard doit aussi avoir son mot à dire. J’ai d’ailleurs beaucoup de mal à me résoudre à tailler mes plantes. « 

Cette poésie propre aux univers d’artistes se retrouve lorsqu’on s’arrête sous les frondaisons. Mais, pour saisir la véritable splendeur du lieu, il faut emprunter les passerelles qui, entre ciel et terre, relient la partie habitée à l’atelier de la peintre, tout en longeant les anciennes cellules des moniales transformées en chambres d’amis. De là-haut, le  » jardin  » prend toute sa valeur d’oasis de verdure au milieu du patrimoine bâti. En ce sens, il est sans doute un des lieux les plus intimes de la cité des Papes.

Texte et photos : Jean-Pierre Gabriel

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