Chez Marc Jacobs, Just Cavalli, Gucci, Louis Vuitton et bien d’autres, les années 70 déboulent en force dans les collections estivales. Un flash-back teinté de liberté, révolte et audace. Hippies, punks et adeptes du disco ne sont pas loin… Souvenirs éblouis de cette décennie, avec le photographe André Perlstein.

1969, Festival de Cannes. Dennis Hopper présente Easy Rider, son premier film en tant que réalisateur. Retentissement immédiat. Pas tant pour son joli casting – Peter Fonda, Jack Nicholson, Phil Spector… -, que pour les thèmes véhiculés par le road-movie, qui consacrent pleinement le Nouvel Hollywood, ce mouvement cinématographique représentatif de la contre-culture américaine. Le pitch ? Les aventures de motards jeunes et rebelles, qui traversent l’Amérique conservatrice et font connaissance avec le mouvement hippie.

 » C’était complètement en phase avec l’héritage de Mai 68, associé à la musique rock sous acide, raconte le photographe André Perlstein, qui vient de publier l’ouvrage Chronique des années 70 aux éditions du Seuil (*). D’un seul coup, les gens ont pris conscience de l’existence de la drogue. Un événement !  » Au début des seventies, le Français n’est qu’aux prémices de sa carrière. Il découvre donc cet état d’esprit audacieux avec les yeux et la sensibilité exacerbée d’un débutant.  » Quand j’ai été propulsé photographe pour L’Express, j’ai découvert un monde brut de brut, à mille lieues de ce que j’étais. Je me suis promené dans les années 70 sans avoir l’impression de travailler. C’était une période de totale liberté, on avait l’impression que tout était possible. Ce n’était que joie et convivialité. Il n’y avait pas de chômage, pas d’angoisse du lendemain.  »

IBIZA, MON AMOUR

En 1972, la France autorise la vente des contraceptifs, tandis que la loi Veil de 1975 dépénalise l’avortement. L’évolution des m£urs et l’émancipation de la femme sont en marche.  » Cela a libéré le sexe. Tout le monde couchait avec tout le monde, sans jalousie aucune.  » Autre élément représentatif des années 70 : les fêtes données à Ibiza.  » Les hippies de Los Angeles débarquaient à Amsterdam, sac au dos, et faisaient du stop jusqu’à ce temple de la drogue et de la musique. Woodstock n’était pas loin… « 

Mais la France puritaine et pudibonde s’offusque de ce nouveau mode de vie, n’acceptant que très lentement cette révolution des codes sociaux.  » Je me souviens par exemple de l’énorme scandale qu’a causé l’arrivée des seins nus à la piscine flottante Deligny, le long de la Seine, à Paris. Il fallait s’habituer à toutes ces nouvelles modes. « 

VERUSCHKA ET DALIDA

Son métier de reporter-photographe amène André Perlstein à côtoyer les grands de l’époque. Il shoote ainsi sa première  » vraie  » série mode avec les mannequins vedettes Veruschka et Lauren Hutton.  » Les photos étaient prises en extérieur, à Montparnasse. Face à ces deux monstres sacrés qui bougeaient sans cesse et m’intimidaient, je n’arrivais pas à faire la mise au point.  » Il immortalise Marlène Jobert ou se fait rassurer par Dalida, avec qui il doit réaliser une prise de vue de six pages pour Elle.  » Je transpirais comme pas possible, elle a été délicieuse avec moi.  »

Les années 70 voient également l’avènement d’une nouvelle génération de créateurs, sur la scène mode : Kenzo, Thierry Mugler, Jean-Charles de Castelbajac ou, à Londres, Vivienne Westwood. Leurs collections s’inspirent directement de la rue et dessinent un vestiaire hippie et cool, dans la première moitié de la décennie. Qui se laisse ensuite imprégner par le mouvement de révolte qu’est le punk. D’une façon générale, le pantalon est plébiscité par les femmes, qui voient là le symbole de l’égalité des sexes. La mode s’uniformise. Filles et garçons portent les mêmes vêtements.  » Moi-même, j’avais ces fameux pantalons pattes d’ef, extrêmement serrés sur les hanches et les cuisses. L’un d’eux a d’ailleurs craqué, en plein reportage avec l’actrice Katharine Hepburn. Elle est partie dans un grand éclat de rire et a raconté l’anecdote le soir même à la télévision ! « 

YSL, LE SENSIBLE

Yves Saint Laurent ose proposer, le premier, le tailleur-pantalon. Les rédactrices de mode ne jurent plus que par lui, et demandent à André Perlstein de lui consacrer un grand reportage photo. Il suivra le créateur durant trois mois.  » Une sacrée expérience ! Une nuit, à trois heures du matin, l’attaché de presse me réveille : « Venez ! Monsieur Yves Saint Laurent est en train de créer. » Il était en pleine séance d’essayage avec Mounia, son égérie de l’époque. Mais après une demi-heure de travail, Yves Saint Laurent s’écroule, en larmes, dans les bras d’un homme. Pierre Bergé, je l’ai appris plus tard. Pudique, je n’ai pas osé immortaliser le moment. Mais je m’en rappelle encore, comme si c’était hier…  » Un souvenir comme tant d’autres, qui ne peuvent que remonter à la surface vu le récent engouement fashion pour les seventies. L’occasion, pour André Perlstein, de comparer les pièces fortes des collections printemps-été 2011 avec la mode de l’époque. Revue de détails.

(*) Chronique des années 70, par André Perlstein et Denis Jeambar, Seuil, 2010.

PAR CATHERINE PLEECK

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