Le mois de décembre arrive et sonne le retour des tables festives. En panne d’inspiration ? A la demande du Vif Weekend, Stefan Jacobs, le jeune chef du Va Doux Vent, à Uccle, vous murmure un épatant menu 3 services au creux de l’oreille.

A peine le seuil de son restaurant passé, Stefan Jacobs vous accroche par le nez. Il tend des boîtes, les unes après les autres. Chacune d’entre elles oblige à chercher en soi les clés d’une énigme olfactive. Une chaude odeur de torréfaction ? Bien sûr, il s’agit de cette brûlerie devant laquelle vous passiez enfant. Quant à savoir ce qu’est devenue la jolie vendeuse aux jambes longues… De fines notes d’agrumes mêlées au thé ? Vous voilà projeté chez cette tante loquace dont le mari britannique avait ramené un Earl Grey d’exception que caractérisait une forte fragrance de bergamote. La parente en question n’est plus mais on se sent léger de l’avoir retrouvée quelques secondes. Soupir face au temps qui passe.

A 24 ans seulement, Stefan Jacobs s’affiche comme un cuisinier bourré de talents et de promesses. Au coeur de sa cuisine sentimentale, il a placé les épices – le nom de Va Doux Vent est un jeu de mots qui évoque le  » Vadouvan « , un mélange de condiments et d’épices que l’on trouve en Inde. Sa gastronomie, il la veut la plus personnelle possible.  » Je n’ai plus ouvert un bouquin de recettes depuis que je suis sorti de l’école. Cela met trop de barrières à mon imagination. J’essaie plutôt de trouver mon inspiration du côté de l’humain. Je parle énormément avec les producteurs, ceux qui ont les mains dans la terre transmettent une autre dimension de la nourriture « , confie-t-il. Pareil pour les épices, pas question d’en faire un usage galvaudé.  » Toutes les variétés sont à notre portée aujourd’hui. Pour que l’on ait envie de venir chez moi, il est nécessaire que je me distingue. J’ai pris le parti de créer moi-même des mélanges. Je pense posséder une patte, une signature, il s’agit d’un goût pour la fraîcheur. Je me suis également mis à la cueillette grâce à mon ami, le chef Damien Bouchéry, et j’intègre des plantes sauvages comme la tanaisie ou la berce.  »

Autre signe distinctif ? Le sens de sa démarche.  » Je ne pars jamais d’une épice en tant que telle, c’est le produit qui me fait remonter à elle, il ne faut pas perdre de vue qu’elle n’est pas là pour elle-même mais bien pour souligner un goût ou une texture.  » Parfois, sa recherche de la nouveauté va loin. Ainsi du houblon qu’il travaille en pellet et marie à l’anchois frais.  » La démarche a été longue pour apprivoiser ce produit bourré d’amertume, y parvenir est une satisfaction, d’autant qu’il renvoie à la bière, pan de notre patrimoine gustatif national.  »

Ce n’est pas par hasard que Stefan Jacobs s’est focalisé sur les épices. Son parcours personnel l’a fait croiser un maître en la matière, Olivier Roellinger.  » J’ai travaillé un an à la Maison de Bricourt, son restaurant triplement étoilé. J’y ai été profondément marqué par l’humanité de ce chef extraordinaire. Ma cuisine aussi en a retenu quelque chose et pas seulement le fait que je ne commande qu’à des fournisseurs bretons tout ce qui vient de la mer.  » Stefan Jacobs est aussi passé par le Seagrill d’Yves Mattagne où il a exercé son talent pendant deux ans. Le hasard et les rencontres ont fait qu’il a ensuite lancé son propre restaurant, en compagnie de Romain Mouton et Gontran Buyse, complices qui se chargent de la salle. Ouvert en 2011, après quelques erreurs de jeunesse –  » on s’est parfois pris les pieds dans le tapis car on voulait trop bien faire  » – le Va Doux Vent arbore désormais un macaron Michelin.  » Cette reconnaissance venue rapidement m’a permis de me libérer et d’oser davantage… même si la pression est là « , sourit Stefan Jacobs. Et dire qu’il n’est qu’au début de l’aventure.

Va Doux Vent, 93, rue des Carmélites, à 1180 Bruxelles. Tél. : 02 346 65 05. www.vadouxvent.be

PAR MICHEL VERLINDEN / PHOTOS : FRÉDÉRIC RAEVENS

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