Même la presse internationale l’affirme : l’architecture contemporaine prend enfin son envol en Wallonie. Difficilement, mais sûrement. Focus sur une discipline en plein réveil et sur ceux qui y ouvrent.

Un squelette d’acier d’où jaillissent des gerbes de feu, une musique symphonique tonitruante, des dizaines de milliers de paires d’yeux qui brillent dans la nuit à C’était il y a quelques semaines à peine. La nouvelle gare de Liège-Guillemins, dessinée par le célèbre architecte catalan Santiago Calatrava, était inaugurée. Tout un symbole. La Wallonie pouvait enfin se targuer d’avoir un bâtiment colossal signé par une star planétaire.

Mais derrière ce bel arbre immaculé, se cache une forêt bien moins majestueuse où seuls quelques ouvrages parviennent à sortir de terre, vaillamment. Des maisons aux lignes novatrices, une poignée de bâtiments privés et publics dignes de notre temps, çà et là un aménagement plus audacieuxà Et puis, plus rien. Une armée d’immeubles qui respectent à la lettre les prescriptions urbanistiques et se ressemblent sagement. Bien loin de ce qui se passe hors de nos frontières, où la surenchère est de mise en matière de construction contemporaine.

 » Ce désert architectural est une conséquence de la régionalisation de nos institutions publiques, attaque Pierre Hebbelinck, architecte liégeois, fervent défenseur d’une création de qualité et responsable d’une petite maison d’édition, Fourre-tout, qui promeut l’architecture contemporaine en Wallonie. Dès le départ, la Flandre a considéré que son identité passait aussi par l’architecture. Elle s’est inspirée des Pays-Bas et a mené une politique de soutien à cette discipline. Côté francophone, l’architecture n’a pas été intégrée aux matières culturelles mais a été rattachée à une notion  » médicale  » de patrimoine à conserver. Et codifiée à l’excès.  »

Il faudra dès lors attendre 1996 pour voir un premier geste public fissurer la bulle de silence qui pèse sur l’architecture wallonne. Cette année-là, la Communauté française participe, pour la première fois, à la Biennale d’architecture de Venise. Depuis, les instances publiques s’intéressent lentement à cette discipline. Une cellule spécifique, au sein de la Communauté française, £uvre désormais à la défense de la création architecturale tant dans ses propres projets immobiliers que par la promotion du travail mené par les architectes francophones.

Portée par ce nouvel élan, mais surtout par une soif devenue insatiable de s’émanciper et d’enfin mettre son talent au service de son territoire, une jeune garde francophone se renforce progressivement. La maison Folie du groupe Matador, à Mons, le cinéma Sauvenière de V+ à Liège, le théâtre du Manège de Pierre Hebbelinck à Mons, le Musée de la photographie à Charleroi, signé l’Escautà : les exemples remarquables commencent à se multiplier.

Un regard de l’étranger

Preuve de ce renouveau, l’architecture wallonne se médiatiseà Par-delà les frontières ! En avril dernier, la revue allemande d’architecture Bauwelt sortait un numéro thématique sur la Cité ardente. En juin, c’était au tour du magazine français d’Architectures de titrer :  » Wallonie-Bruxelles : le retour de l’architecture « .  » Les Français sont curieux de voir ce qui se passe chez nous, explique Maurizio Cohen, architecte et coauteur du dossier en question. Vu la difficulté de produire des bâtiments intéressants, les projets qui parviennent à émerger sont forcément très bons.  » Les concepteurs wallons parviendraient donc à esquisser leur propre style, loin de l’architecture mondiale de Zaha Hadid et consorts.  » Ce qui distingue la création contemporaine dans nos régions, c’est une qualité constructive de très haut niveau « , estime Pierre Hebbelinck.  » Par rapport aux Pays-Bas ou à la France, le budget, en Wallonie, pour un bâtiment de même fonction, peut être 4 à 6 fois inférieur, évalue Chantal Dassonville, responsable de la cellule architecture de la Communauté française. Dès lors, il y a une grande rigueur dans le travail du détail… L’objectif est d’aller à l’essentiel.  »

L’avant-garde wallonne serait dès lors un modèle pour les pays voisins ! Selon Richard Scoffier, qui signe dans d’Architectures,  » il existe une réelle culture architecturale en Belgique francophone (à) qui se refuse à s’affirmer comme objet pour mieux se constituer comme un contenant neutre (à) Comme si, au-delà de toute quête identitaire, ces démarches émergentes portaient les stigmates d’une vérité universelle à venir, celle d’une architecture enfin libérée de l’ego et de l’image « .

Une renaissance artistique annoncée donc, en marche mêmeà Mais qui ne pourra s’affranchir davantage que soutenue par une réelle volonté politique.

Suite du dossier architecture en pages 69.

dossier réalisé PAR FANNY BOUVRY

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