Esprit éclectique, Marc Biermann s’avère tout aussi fertile dans la décoration qu’il s’est montré créatif, durant vingt ans, dans la mode. Il nous ouvre les portes de sa maison, empreinte d’un classicisme élégant et raffiné.

 » On peut toujours suivre sa vocation car il y a de fortes chances qu’elle vous conduise ailleurs « , disait Sacha Guitry. Cette maxime s’applique aussi au décorateur Marc Biermann, originaire d’une famille de  » textiliens  » bruxellois. Pour perpétuer la tradition, il entame des études de couture à l’Académie de Coupe et de Couture (aujourd’hui disparue), suit les cours de dessin et fait un stage, en 1968, chez Madeleine de Rauch, à Paris.  » C’était l’époque de Balenciaga et de Jacques Fath, se souvient Marc Biermann. Madeleine de Rauch était une grande dame de la couture mais aussi un monument de simplicité. Ma rencontre avec elle m’a profondément marqué.  » De retour en Belgique, le jeune styliste touche à toutes les facettes de la mode: la haute couture, le prêt-à-porter, le jean, et ce, pendant plus de vingt ans.

En 1990, les hasards de la vie lui font rencontrer le décorateur Raoul Cavadias et Catherine Verbeke, propriétaire de la boutique d’Isabelle de Borchgrave. Marc Biermann, diplômé, par ailleurs, d’architecture intérieure aux Beaux-Arts, se rend alors compte que d’un art à l’autre il n’y a qu’un pas. Arrêt sur image et changement de décor: Marc Biermann quitte la mode et devient décorateur. Aujourd’hui, il dirige une boutique d’antiquités et d’objets de charme dans le quartier du Sablon à Bruxelles et assure des chantiers éclectiques à Londres, au Portugal, à Courchevel et en Espagne.  » J’aime tous les styles, précise le décorateur, aussi bien la tendance  » zen « , très dépouillée, que le XVIIIe, foisonnant et exubérant. Mais ce qui prime, dans notre métier, c’est l’écoute. Très souvent, les clients n’arrivent pas à exprimer leurs goûts et leurs préférences. Nous devons leur donner un coup de pouce, pour qu’ils se découvrent, pour qu’ils se laissent connaître. Quand la relation se passe bien et se fait complice, on peut créer un décor  » juste  » où l’on ressent la personnalité des habitants et non la  » patte  » du décorateur. « 

Marc Biermann vient d’installer son  » home « , totalisant 250 m2 sur plusieurs niveaux, au-dessus de la boutique, dans une de ces belles maisons du XVIIe siècle qui apportent ce charme si particulier au Sablon. Le style? Un espace de sérénité qui ressemble au maître des lieux, rigoureux et masculin, loin du folklore et des clichés. Fort de sa longue expérience dans la mode, Marc Biermann applique à la lettre les  » principes fondamentaux  » des grands couturiers.  » La décoration change, évolue, comme la mode, dit-il. Mais il faut toujours des bases pures et classiques. Par la suite, on peut y apporter des notes de fantaisie. Il ne faut pas accentuer la décoration à la base. C’est l’objet et le détail qui feront la différence. « 

Pour adapter la maison à ses besoins, Marc Biermann a opéré quelques modifications judicieuses. La chambre principale est devenue la salle de bains. La structure des placards a été préservée, le décorateur s’est contenté d’aménager le bloc central, réunissant la baignoire et le lavabo. Ils sont encastrés dans un volume sobre et puissant, réalisé en chêne blanchi et traité au vernis mat, ce type de finition s’inscrivant mieux dans l’esprit classique de la maison. La touche de fantaisie, très spectaculaire, est apportée par l’habillage de la fenêtre. Des tentures en chanvre ligné se marient admirablement avec des stores en lin, décorés au pochoir par Isabelle de Borchgrave. Le sol est entièrement recouvert d’une moelleuse moquette de laine beige, qui unifie et rassemble l’espace. Dans la chambre, Marc Biermann est parti de bases sobres et masculines. Les murs de couleur camel et la moquette assortie forment une belle toile de fond pour une décoration hétéroclite et pourtant très cohérente. Un bureau XIXe en chêne voisine une commode de campagne de style Empire et des fauteuils Louis XVI. Les tableaux modernes, ainsi que les eaux-fortes de Georges Goldkorn, un oncle peintre, sont ici parfaitement à leur place. De généreuses tentures en flanelle épaisse évoquent le côté très british, élégant et masculin. A l’opposé, dans l’une des chambres, règne une ambiance lumineuse et féminine: des tissus signés Isabelle de Borchgrave, des boutis moelleux, déclinés dans des tons blancs et bleus et des objets simples qui ont déjà vécu.

Le clou du programme? Il se trouve au salon, situé au dernier niveau, à  » l’étage du colombage « , intact depuis le XVIIe siècle.  » Quand je suis confronté à un élément important, comme c’est le cas de ces poutres, j’essaie de le rendre plus important encore, de le magnifier « , souligne Marc Biermann. Les couleurs indéfinissables et les non-couleurs remplissent parfaitement ce rôle de mise en valeur. Les tissus des canapés hésitent entre le prune et l’aubergine, la couleur des murs se fait tantôt beige, tantôt kaki, la moquette beige camel joue avec la lumière et s’anime de jolis reflets. L’ordonnance rigoureuse des meubles au luxe sobre et le jeu des teintes font de l’endroit un lieu reposant et serein, rendu magique le soir, lorsque les bougies sont allumées et que le feu crépite dans la cheminée. Un climat qui reflète un tempérament de créateur, épris de discrétion et de subtilité.

Barbara Witkowska Photos : Mireille Crasson

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content