Avec pour écrin les Crete Senesi, l’un des plus beaux paysages d’Italie, la Porrona est un bijou de raffinement taillé par l’architecte et designer Paola Navone. Son propriétaire, l’homme d’affaires Giuseppe Brusone, en parle comme d’une histoire d’amour.

La Porrona : autrefois tour de guet de la république de Sienne, ce domaine agricole compte aujourd’hui 70 hectares dans ce paysage magnifique –  » à la fois majestueux et intime  » – des Crete Senesi (les collines siennoises), à mi-chemin entre ces deux belles appellations viticoles que sont Montepulciano et Montalcino.  » Je cherchais une petite maison de campagne, un endroit où couler des moments paisibles une fois ma retraite venue, confie Giuseppe – Pino pour ses proches – Brusone. Et je suis tombé amoureux de cette propriété qui m’a fait changer toute ma vision de la vie. « 

En ce jour de juillet 2000, en acquérant la Porrona, l’homme d’affaires italien – sa trajectoire l’a conduit aux sommets du monde de la mode, de Valentino à Donna Karan, en passant par Armani, où s’est passé l’essentiel de sa carrière – a scellé son destin. Cela faisait alors trente ans que ces grands bâtiments étaient virtuellement abandonnés, laissés entre les seules mains d’un berger sarde. Dès septembre de la même année commencent les premiers travaux d’une rénovation de grande ampleur. Les aménagements extérieurs sont confiés au paysagiste anglais Peter Curzon, tandis que l’architecte-designer italienne Paola Navone, notamment connue pour avoir fait partie du mouvement Alchimia, aux côtés d’Alessandro Mendini, se charge de la restructuration du bâti.

Pour Pino Brusone, le déménagement de Milan, capitale de la mode et du design, n’est pas qu’un simple changement de domicile. Devenu gentleman-farmer  » par amour pour cette maison « , il enclot les prairies où paissent chevaux, vaches et cochons, organise une basse-cour et un parcours pour les chèvres. Il ajoute 2,5 ha de vignes, des cépages cabernet franc et petit verdot, à l’hectare et demi de sangiovese déjà planté. Et il complète l’oliveraie en quintuplant sa taille, pour atteindre aujourd’hui 3 000 arbres.

Les abords de la propriété ont été façonnés par Peter Curzon comme invitation à la promenade. Ils sont émaillés, entre autres, d’un amusant pigeonnier et de confortables salons d’extérieur. Le jardin d’herbes et son potager, eux, sont rehaussés, en mai, par une nuée d’iris bleus. Le paysagiste a fait aussi démolir un garage hideux pour créer un  » cortile  » rafraîchi par un bassin rectangulaire, dans lequel évoluent quelques poissons. Animée d’un chêne vert, d’une glycine blanche et d’une Rosa banksiae, cette jolie cour permet d’accéder à l’entrée de service de la cuisine.

Comme dans toutes les fermes de la région, le rez-de-chaussée était occupé par les machines et les animaux. Les volumes de cette magnifique pièce – où a été installé le salon – n’ont pas changé, mais l’ancienne toiture en béton a été remplacée par une charpente à l’ancienne. Le mobilier, comme ces grandes armoires deux corps chinées à l’Isle-sur-la-Sorgue, dans le Vaucluse en France, ou ces canapés signés Paola Navone et habillés tantôt de lin, tantôt de chanvre bruts, donnent tout son cachet à cette résidence campagnarde et raffinée.

Du salon, on rejoint la bibliothèque, la salle à manger et la cuisine par un large couloir qui a été conçu en réduisant l’emprise d’une cour intérieure, tout en ménageant de grandes ouvertures vitrées qui laissent entrer la lumière. Installée dans l’ancienne porcherie, la bibliothèque et son antichambre affichent une ambiance cosmopolite et urbaine. On remarquera au passage quelques portraits de Guglielmo Yanni, un peintre de l’école romaine (1925-1945).

La signature de Paola Navone se retrouve aussi dans les revêtements muraux à base de pigments naturels appliqués à la chaux. Le hall accueille ainsi le visiteur avec un ocre dense. Mais l’attention est aussitôt attirée par un bleu cobalt lumineux qui jaillit de la pièce d’à côté. L’inspiration de cette combinaison chromatique ? Le jardin Majorelle, qui fut, à Marrakech, la résidence du couturier Yves Saint Laurent. Ce bleu cobalt valorise aussi la douceur des teintes choisies pour le grand salon, que l’on retrouve ici rythmé par une horloge XXL chinée à Paris.

En optant pour la vie à la campagne, Pino Brusone n’avait nullement l’intention de se retirer du monde. L’espace à sa disposition permettait de concevoir sept suites. Chacune affiche sa  » personnalité « , exprimée tantôt par le mobilier, tantôt par la décoration. Ainsi, la chambre dite de la vigne doit son nom aux motifs des peintures murales, dessinés ton sur ton, en peinture argentée sur un fond gris blanc. L’effet produit varie toute la journée, d’heure en heure, selon l’incidence des rayons du soleil.

Habillée des teintes bleu pervenche et prune, la chambre à coucher du maître de maison, elle, est magnifiée par la tête de lit, un triomphe en bois napolitain du xviie siècle, acheté à Londres. Comme le tapis de sol marocain de couleur aubergine, cette pièce unique a été acquise après la fin des travaux, mais ses coloris sont en adéquation. La salle de bains attenante est dans la même tonalité bleu pervenche. Au sol, comme dans toute la maison, le carrelage en terracotta est neuf, mais réalisé à l’ancienne dans un atelier artisanal de Citta di Castello, à la frontière entre la Toscane et l’Ombrie.

La pièce la plus émouvante de ce vaste ensemble est le dressing dont l’empreinte monacale – confirmée par la longue table française et les deux tentures blanches – est en parfaite harmonie avec la sobriété originelle de la propriété. On remarque aussi une présence ethnique.  » A Milan, j’avais déjà collectionné un certain nombre d’objets africains, comme des cornes d’animaux, explique Pino Brusone, Nous les avons réunis dans un environnement ethnique, avec pour pièce maîtresse, ces panneaux de bois sculptés que l’on trouvait dans les chambres mortuaires sur l’île de Sulawesi ( NDLR : Célèbes, en Indonésie).  »

Reportage : Jean-Pierre Gabriel

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