Dans son jardin brugeois, le paysagiste Piet Blanckaert a effectué travail de haute précision géométrique. Cet amoureux des plantes a aussi créé quelques très beaux tableaux fleuris.

Carnet d’adresses en page 64.

 » N ous avons obtenu de la commune de Bruges de reculer la maison au-delà des six mètres réglementaires par rapport à la rue, s’enthousiasme Piet Blanckaert. Cela nous a permis de mieux organiser l’espace en plaçant l’habitation au tiers du terrain, un rectangle de 2 150 m2. La maison, que nous avons voulue contemporaine et discrète est habillée de cèdre ; ce qui concourt à son intégration à la végétation.  » Le célèbre paysagiste belge souhaitait aussi tirer parti, dans l’aménagement de sa propriété, de deux éléments existants côté rue : un bouquet d’aulnes à la silhouette poétique et, surtout, les vestiges d’un ancien fossé qui traversait en oblique l’avant de sa parcelle à bâtir.  » Cet endroit fut autrefois très humide, souligne-t-il. Il a donc fallu le drainer. Rouvrir le fossé qui avait été malencontreusement comblé a permis de trouver un exutoire pour l’eau. De plus, la ville a créé sur le terrain voisin, un petit étang auquel le fossé est connecté.  »

Piet Blanckaert a plusieurs passions. Celle des buis vient en premier. Ce sont d’ailleurs de gros spécimens dodus, acquis auprès d’un des spécialistes en la matière, Marcel Cornille, qui marquent la limite entre le jardin et la rue. Pénétrant dans la propriété, on repère aussitôt des arbustes qui indiquent l’éclectisme du maître des lieux : Leycesteria formosa, Cercis siliquastrum, Cydonia oblongua (le cognassier) ou Hydrangea macrophylla  » Mariesii Perfecta « , une variété parfaitement indiquée lorsqu’on doit garnir un espace ombragé sous les arbres.

Pour s’immerger dans le jardin, il faut contourner la maison en empruntant un premier axe : une longue allée rectiligne fleurie, un mixed border à l’anglaise, une autre marotte de Piet Blanckaert.  » Regardez attentivement et vous verrez que ce petit chemin est surélevé par rapport au reste de la parcelle, note le paysagiste. Nous sommes en terrain humide. Je n’ai pas voulu prendre de risques. J’ai donc rehaussé cette bande de terrain de 20 cm en déposant sur le sol un mélange de lave, de dolomie, de compost, et de gravier. Le tout est contenu par des bordures en pierre. Le résultat fut fulgurant : quelques mois après la plantation, on a connu une véritable explosion végétale. Parce que ce sol apporté est très filtrant, il se réchauffe vite.  »

Un pur bonheur

De mai à octobre, se balader entre ces nuées de fleurs est un pur bonheur.  » Pour mes borders, j’ai une règle de base, confie Piet Blanckaert : la répétition. Vous retrouvez ainsi régulièrement une même note, une même plante, un rosier rose, par exemple. Ou le Hebe topiaria, une plante que j’ai contribué à diffuser sur le continent.  » Chemin faisant, une évidence saute aux yeux : le paysagiste a voulu cantonner toute la volubilité des floraisons en ce seul lieu.  » C’est exact et pour deux raisons, poursuit-il. Tout d’abord un border se dénude en hiver. En second lieu, je désire pouvoir jouir d’une vue reposante autour des différentes pièces de la maison. J’ai donc limité la présence des fleurs au minimum. Ici et là de l’Erigeron se resème entre les dalles de pierre bleue. Vous avez une glycine sur la pergola et trois roses contre les murs :  » Constance Spry « ,  » Paul’s Lemon Pillar  » et  » Dr Van Fleet « .  »

Le paysagiste s’est aussi livré à un exercice de géométrie : le rectangle allongé, le carré et le cercle. La lecture du plan révèle que la superficie du rectangle est rigoureusement égale à celle du carré et que le cercle s’inscrit parfaitement dans le carré.

L’allée rectangulaire bordée de charmes palissés offre une liaison vers la porte arrière du jardin et déploie, elle aussi, de superbes tableaux fleuris. On y remarque, par exemple, des bulbes au printemps, des anémones du Japon (Anemone x hybrida  » Whirlwind « ) ou Viola canadensis, Tricyrtis formosana, Liriope exiliflora. Du point de vue du jardinier, le carré est beaucoup plus ludique. En le divisant en quatre portions, Piet Blanckaert a voulu y interpréter des motifs des jardins classiques de buis, en ce compris un labyrinthe. On y trouve aussi deux types de rosiers blancs :  » Moonlight  » (au feuillage foncé) et  » Guirlande d’Amour  » (au feuillage clair).

Quant au cercle formé par une époustouflante haie d’ifs (Taxus) de 12 mètres de diamètre et de 3 mètres de hauteur, il symbolise la dimension spirituelle du jardin.  » Le cercle est une sorte de marque de fabrique dans mes plans, souligne Piet Blanckaert. A l’intérieur, il n’y a rien. J’ai voulu ce vide total qui vous appelle vers le ciel. Toutes proportions gardées, c’est ce que l’on peut ressentir dans une chapelle romane : on se sent tout petit face à la beauté de la simplicité.  »

Jean-Pierre Gabriel

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