De la magnifique esplanade aux étangs paysagers, en passant par des jardins enchanteurs, le Domaine Provincial de Chevetogne est un régal pour les yeux et un baume pour l’âme. Le 28 août, le dernier Samedi Vif de l’été 2004 vous offre un extraordinaire bol d’air avant la rentrée.

L’ histoire commence avec… un château. Au début du xixe siècle, une famille noble des Pays-Bas, les Wykerslooth de Rooyesteyn, succombe à la beauté de ces paysages extraordinaires, blottis entre le relief de Condroz et la plaine de la Famenne. Le coup de foudre est conclu par l’achat d’un vaste terrain de plusieurs centaines d’hectares. L’architecte Henri Beyaert, auteur, notamment, de la gare de Tournai, de l’église de Jambes et du square du Petit Sablon à Bruxelles, y construit, en 1868, une demeure très élégante en briques et en pierre bleue, de style néo-baroque. Tout autour, la nature est apprivoisée et convertie en jardins raffinés. Le domaine passe ensuite à la famille Van den Steen de Jehay qui l’agrandit et y ajoutant, non loin du château, un coquet pavillon de chasse. En 1928, le château est racheté par Valéry Cousin, administrateur de société. Le propriétaire habite avec son épouse à Bruxelles, le couple n’a pas d’enfants et le château sert de résidence secondaire. Après la mort de son mari, en 1967, Alice Wielemans décide de vendre la propriété. Sans hésiter, la Province de Namur se porte acquéreur. Ce parc superbe d’environ 500 ha, en grosse partie boisé, présente, en effet, un intérêt exceptionnel. D’où l’excellente idée de rendre l’espace accessible à tous et d’y développer un centre de tourisme social. Le projet aboutit rapidement, avec l’aménagement de structures d’accueil, la construction de sentiers thématiques, des hébergements de tous genres (gîtes, maisons forestières, chalets familiaux) et des activités sportives et récréatives, telles la piscine, le mini-golf, le karting et la zone barbecue. Sans oublier… un immense parking. Inauguré en 1970, le Domaine Provincial de Chevetogne (tout au début, on l’a appelé le Centre Valéry Cousin) attire énormément de monde. On y vient en famille ou entre copains, pour passer une semaine de vacances, un week-end ou tout simplement une journée au grand air. Et le château ? Il abrite les services administratifs et ne se visite pas. Suite à un  » problème de communication « , il a été repeint en blanc. Un été, alors que le bâtiment était déserté pour cause de vacances, des peintres étaient chargés de repeindre les volets. Ayant mal compris ou dans un excès de zèle, ils ont rafraîchi toute la demeure…

Un  » bijou  » d’esplanade

Au fil des années, le concept de  » qualité de la vie  » a pris le pas sur celui des  » loisirs « . Il y a huit ans, lorsque Bruno Belvaux prend les rênes du Domaine, il s’attaque avec beaucoup de dynamisme à la restauration du site. Son ambition ? L’intégrer encore mieux dans la nature, améliorer davantage le bien-être, la convivialité et l’aspect familial de l’endroit, y cultiver, enfin, un art de vivre de grande qualité. L’ancien pavillon de chasse, converti en restaurant gastronomique, est bien connu des gourmets de la région. Le karting, trop bruyant, est fermé. La décision la plus spectaculaire ? La suppression du gigantesque parking et son déplacement à l’extérieur du site. Le terrain ainsi gagné est occupé aujourd’hui par une magnifique esplanade. Après avoir garé leur voiture, les visiteurs empruntent une longue passerelle rouge qui les projette directement au c£ur de cette esplanade. Il s’agit, en réalité, d’un vaste jardin, bordé par une haie d’essences champêtres, telles l’aubépine ou l’églantier, où s’épanouit une grande variété de végétaux et de fleurs. Créé par le paysagiste Benoît Fondu, spécialisé dans la restauration des parcs du xixe siècle, c’est un jardin très spontané qui séduit par le choix original de plantations et par des associations de couleurs très subtiles. L’exubérance des héléniums cuivrés, des chardons bleus et de la verveine mauve de Buenos Aires, contraste joliment avec des silhouettes plus graphiques de différentes espèces de graminées. Les rhododendrons occupent une place de choix. A la fin du printemps, les visiteurs éblouis peuvent admirer les subtilités chromatiques d’environ 70 variétés différentes de rhodos ! Divers sentiers partent dans toutes les directions : vers les plaines de jeux, vers le restaurant L’Escale, vers la piscine, vers le centre d’information et la boutique. On pousse la porte de cette dernière, bien achalandée avec un choix de souvenirs, d’objets décoratifs, de livres et de CD. Puis, on pénètre dans le bâtiment ultramoderne, peint de couleur brique. L’intérieur est encore en chantier. Une fois aménagé, il accueillera, à l’étage, le centre administratif. Au rez-de-chaussée sera installé un Centre d’Interprétation du Parc, dont l’ouverture est prévue en 2005. Il sera régi par huit thématiques qui seront des réflexions très libres sur les différentes facettes de l’endroit. A l’arrière du bâtiment, le paysagiste Wybe Kuytert a créé un jardin japonisant. Très sobre, il se découvre comme une scène de théâtre. Dans cet endroit protégé, on pourra  » se poser « , bouquiner ou méditer…

A l’heure du déjeuner, on s’installe dans le très agréable restaurant L’Escale. La décoration design, très graphique, oscille entre le rouge, le blanc et le noir. L’espace est entièrement vitrée, on a l’impression de manger en pleine nature. Le buffet, joliment présenté, ne manque ni d’originalité ni de saveur. L’accueil est charmant.

Les balades vertes

La première étape nous mène vers l’Arche de Noé, très symbolique, car considérée comme la première réserve naturelle. L’artiste Dirk Claessens a réalisé en polyester toute une famille d’animaux géants : hippopotame, rhinocéros, éléphant, crocodile, etc. Un support écrit, clair et concis, explique aux visiteurs le contexte historique et symbolique de l’Arche. On retrouvera ces supports tout au long de la promenade. Ils s’inscrivent dans le cadre de la  » pédagogie active « , associant la promenade, la détente et la réflexion. Puis, on découvre la première plaine de jeux. Les cloisons judicieuses évitent des fréquentations trop importantes. Les parcours sportifs et le parcours voyages ne gâchent pas le paysage. Pour Bruno Belvaux, l’environnement naturel et le respect de la nature sont aussi importants que les jeux. Les petits de moins de 7 ans se défoulent dans un spectaculaire château russe, très coloré. Il est entouré par des  » remparts  » crénelés, taillés dans des massifs de buis. Ensuite, on se dirige vers les étangs paysagers. Bordés par des arbres centenaires, ils sont un havre de paix et de fraîcheur, une aubaine pour les contemplatifs. Si on a le courage, on peut éventuellement faire un tour en barque… Plus loin, on découvre la plaine de jeux Du bout du monde, inaugurée en juin 2002. Son architecture s’inspire des paysages des îles lointaines. Il y règne une ambiance inspirée du monde des pirates. On aperçoit un bateau échoué, un immense squelette de baleine, un perroquet géant… Les mises en scène sont volontairement  » dramatiques « , comme inachevées. Les enfants se trouvent face à un début d’une histoire, à eux d’imaginer la suite. La surprise suivante ? Le superbe jardin des Licornes avec sa joyeuse cascade qui dégringole des rochers au milieu des rhododendrons, des houx, des fougères et du lierre. Pour s’approcher du Cheval Bayard, il faut effectuer une petite grimpette. L’animal est gigantesque, sculpté en bois. Les enfants adorent l’escalader à l’aide une corde, pour descendre… par la queue.

Les jardins thématiques

Premier jardin thématique, un splendide parc paysager qui se déroule à l’infini devant le château. Impeccablement peignée, la pelouse est entourée par une ceinture d’arbres dont certains sont remarquables. Comme ce  » bouquet  » de séquoias, par exemple, vieux de 130 ans, dont les silhouettes majestueuses atteignent déjà 30 mètres de hauteur. La mode des séquoias est née en Belgique au milieu du xixe siècle. C’est à ce moment-là qu’on a importé, de Californie, les premiers spécimens. Synonymes de richesse et de prestige, ils étaient particulièrement appréciés par les châtelains. La ceinture d’arbres a été, parfois, volontairement interrompue, pour créer des perspectives lointaines ou encore des tableaux. On remarque ainsi un massif d’hêtres pourpres ou encore des frênes pleureurs dont les volumes pittoresques rythment admirablement l’espace. Des parterres de rhododendrons rompent agréablement l’uniformité des pelouses. Tout près du château, on admire une broderie végétale, réalisée avec des bégonias et de la sauge, qui illustre une fleur de lys stylisée. On quitte à regret les grandes perspectives, en direction de la Charmille. Sur le chemin, il faut s’arrêter devant ce remarquable hêtre à feuilles découpées, protégé par un manteau de lierre et devant l’étonnant hamamélis. Il fleurit en hiver et se couvre d’une multitude de fleurs orange, jaunes et rouges. La Charmille, très ancienne, existait déjà à l’époque privée du château. Ce couloir interminable, peuplé de charmes, reliait le château au pavillon de chasse. On l’emprunte avec plaisir, en se délectant au passage du ravissant contraste entre une nature disciplinée, formée de haies de charmes et de contreforts d’ifs et des massifs spontanés d’hydrangeas. L’ancien pavillon de chasse, transformé en restaurant gastronomique, Les Rhodos, est entouré par le jardin Hervé Bazin, dominé par la sculpture  » L’homme à l’escargot « , £uvre de Claire Toussaint. Dans les années 1980, le célèbre écrivain français a évoqué, au cours d’une émission littéraire, sa passion pour la nature et sa collection d’escargots lévogyres, très rares, dont les spirales s’enroulent dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Une habitante de la région, en possession d’un tel spécimen, a fait savoir à Hervé Bazin qu’elle désirait le lui offrir. L’écrivain est venu le chercher en personne. Il a visité le Domaine et en est tombé amoureux. Il appréciait particulièrement la Charmille et lui a d’ailleurs consacré quelques lignes dans  » Démon de minuit « . On arrive, enfin, au jardin médicinal. Des ambiances éclectiques s’y côtoient en toute harmonie : le verger avec son pré fleuri, le parterre d’herbes médicinales, le jardin d’eau où s’épanouissent des grenouilles et un superbe potager décoratif bordé par des hêtres. Avant de terminer la visite, on jette un coup d’£il à La Ferme des Petits,  » l’attraction  » la plus récente. Bruno Belvaux a demandé au tandem Benoît Poelvoorde – Pascal Lebrun de concevoir un  » module de psychomotricité et d’éveil  » destiné aux enfants entre 3 et 7 ans. Le comédien belge surdoué et son complice ont imaginé une vraie ferme au carré, réalisée à une mini-échelle, où les tout-petits s’initient à toutes les activités de la ferme, uniquement par le jeu. Dans la grange, ils empilent des constructions de faux ballots. Dans une galerie souterraine, ils se transforment en fourmis. Ils plongent dans une piscine, remplie de  » pommes « , tombées d’un grand pommier qui se dresse dans un coin du verger. Insolite, instructif et ludique.

Barbara Witkowska – Photos : Frédéric Sierakowski – Isopix

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