Locale ou exotique, version bon marché ou gourmet, la cuisine de rue tient le haut du pavé à New York. Un trio belgo-belge signe un récit culinaire et initiatique alléchant sur le sujet.

Park Avenue, à deux pas de la gare de Grand Central, en plein quartier d’affaires new-yorkais. Soudain, un effluve de curry se propage dans l’air de midi, échappé d’un camion rouge carmin stationné le long du trottoir : Mausam et sa carte indienne traditionnelle nous invite sur les terres des maharajas. A ses côtés, l’Italien Diso’s propose un plat du jour digne des meilleures trattorias de Venise : roastbeef dans son jus, choix de mozzarella ou provolone, oignons grillés, glaçage au vinaigre balsamique, légumes optionnels, fourrés dans une ciabatta ou une focaccia. Plus loin, les Coréens Bob et Jo servent avec l’accent asiatique des bibimbaps et des bulgogis, mets relevés de leur pays natal à base de boeuf. Ils font concurrence au fourneau roulant de Magdy’s et à ses Philly Cheesesteak, de copieux sandwichs de viande et de fromage fondu originaires de Philadelphie.  » Je peux goûter une cuisine du monde différente tous les jours de la semaine « , savoure un client en costume cravate, employé au siège de la banque JPMorgan tout proche.  » Idéal pour déguster un repas chaud sans devoir aller au restaurant « , indique un autre de ces men in black.

Dans Big Apple, des milliers de vendeurs ambulants rassasient ainsi au quotidien les appétits des citadins pressés et des touristes en quête de découvertes. Un trio de foodiesbelges – l’aventurier des papilles Tom Vandenberghe, le photographe culinaire Luk Thys et la journaliste Jacqueline Goossens – ont croqué toute cette richesse gustative dans un beau guide pluriel. New York street food, 65 recettes made in USA (*) est à la fois un récit de voyage superbement illustré, un livre de recettes toutes plus originales les unes que les autres et une aventure humaine à la croisée des chemins gourmands.  » L’ouvrage a été conçu pour être utilisé à la maison pour cuisiner mais aussi comme guide lors d’un séjour outre-Atlantique, même s’il est impossible de répertorier en un volume toute la variété de la cuisine de rue de cette ville « , explique Tom Vandenberghe, déjà auteur de trois ouvrages sur la street food asiatique et concepteur du bar à nouilles Ramen, à Gand.

BONNES ADRESSES

Les incontournables hot dogs, pretzels et marrons chauds ne sont pas les seuls rois du palais dans la cité du melting-pot. Un parcours culinaire du Queens au Bronx, en passant par Brooklyn, Manhattan et Staten Island, fait en réalité voyager les sens sur plusieurs continents. Jacqueline Goossens conseille aux nouveaux venus de démarrer au marché de Smorgasburg à Brooklyn. Le week-end, ses 75 échoppes proposent un tour du monde des saveurs : sandwichs à base de tempeh (soja fermenté) made in NY, cemitas – le  » Big Mac  » des Mexicains -, jerky – de la viande de boeuf salée et séchée présentée en lamelles, un must américain – ou encore fromage à la bière (beer cheese)… On pourra aussi ramener dans ses valises les sauces japonaises MOMO dressing ou les biscuits sans gluten du Krumville Bake Shop, entre mille et une autres tentations de ce temple de la slow food. Il faudra surveiller sa gourmandise et son porte-monnaie car Smorgasburg, en véritable phénomène de mode hispter, n’est pas bon marché.

Pour un changement de décor radical, les plus aventureux peuvent pousser l’expédition jusque dans l’arrondissement du Queens, avec sa communauté grecque d’Astoria, la petite India de Jackson Heights et son propre Asiatown. Lorsqu’il déambule dans le quartier de Flushing, Tom Vandenberghe a le sentiment d’être transporté sur un marché de Taipei, Saigon ou Bangkok. Epinard d’eau, haricots verts chinois, basilique thaï rivalisent avec la délicieuse puanteur du durian. Ici, des Asiatiques se fraient un chemin dans la foule, arc-boutés sur leurs petits stands à roulettes. Là, un dédale d’escaliers descend vers un  » food court  » souterrain, offrant une plongée dans les marmites de la Chine, de la Thaïlande ou du Vietnam : poulet Szechuan, pancakes aux échalotes, soupe won-ton, brochettes satay… autant de régals proposés pour une poignée de dollars.

GAGE DE QUALITÉ

Mais qu’en est-il de l’hygiène de ces boutiques ambulantes ? La nourriture de rue ne jouit pas toujours de la meilleure réputation. Les auteurs de New York street food en sont bien conscients, mais relativisent :  » Ouvrez vos yeux et vos narines, observez les cuisiniers et les ingrédients qui sont préparés devant vous. Cela vous donnera une bonne indication de la propreté et de la qualité de l’endroit. Utilisez votre bon sens « , suggère Tom Vandenberghe. Autre conseil : repérer le permis le plus souvent collé sur le véhicule. Et puis, s’il y a la queue devant, c’est bon signe, le bouche-à-oreille étant la meilleure publicité pour ces camionnettes, qui restent connectées à leur clientèle en les informant de leurs parcours sur Twitter et Facebook.

Marina Vera Luz, elle, n’a pas bougé depuis vingt ans. Chaque dimanche matin, c’est tout le Mexique qui émerge de son étale, devant l’église Our Lady of Guadalupe, dans le quartier de Chelsea. Ses étonnantes tamales, papillotes fourrées à la viande ou au fromage, cuites à la vapeur dans une feuille d’épis de maïs et son pozole, une soupe inca préparée depuis plus de mille ans, comptent parmi les 65 recettes surprises du recueil signé par le trio belge. Cette immigrante mexicaine, arrivée aux Etats-Unis en 1987, passe la nuit aux fourneaux pour servir les paroissiens et autres habitués qui ne manqueraient pour rien au monde ce savoureux rendez-vous dominical. Et le chef aventurier belge de conclure:  » Faire la cuisine, c’est une histoire d’ingrédients, de goûts, de couleurs et de présentation, mais avant tout, c’est une histoire humaine.  »

(*) New York street food, 65 authentiques recettes made in USA, par Tom Vandenberghe, Jacqueline Goossens et Luk Thys, Mango, 216 pages.

PAR ELODIE PERRODIL / PHOTOS : LUK THYS

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